La Tunisie change à vue d'œil depuis un peu plus d'une année. Vers le meilleur ou vers le pire ? L'avenir proche nous le dira. Mais ce qui est certain est qu'on s'achemine pas à pas vers un raidissement de plus en plus perceptible dans un nouveau modèle de société qui rompt avec celui qui était le nôtre depuis l'avènement de l'indépendance, un mode de vie qu'on veut « puritain » et rigoriste avec des balises qui ne souffrent pas la moindre interprétation. Cette vague rampante allie la douceur à la violence dans son application selon le degré de résistance ou de refus des uns et des autres. Le socle de cette campagne qui gagne du terrain a pour fondement une certaine lecture de la religion qui explicitement voit dans les Tunisiens des Musulmans qui ont dévié du droit chemin, qui ont abandonné leur identité pour s'imprégner de mœurs importées d'un « occident décadent » selon les puritains rigoristes de chez nous qui sont les ennemis jurés des réformateurs du 19è siècle et du début du siècle dernier. Les prémices annonciatrices de la nouvelle doctrine avaient déjà commencé avec les années 1980 avec un accoutrement aussi bien féminin que masculin étranger à notre pays et importé des pays musulmans d'Asie (Arabie saoudite, Afghanistan...) Les chaînes moyen-orientales y sont pour beaucoup dans ce changement vestimentaire avec leurs prédicateurs qui à longueur de journée fustigent le dévergondage et la « dépravation » des Occidentaux voués à l'enfer, comme tous ceux qui les prennent pour modèle. Le phénomène à pris de l'ampleur avec ce qu'on appelle le printemps arabe et l'avènement de gouvernement issu de la mouvance islamiste dont le penchant rigoriste est on ne peut plus affiché. En Tunisie une sorte de police de mœurs à la saoudienne s'est vue octroyée l'autorisation. Elle est jusqu'ici discrète mais tout le monde sait qu'elle est présente notamment dans les quartiers populaires où les conditions de vie sont parfois insupportables. Elle est active à travers ceux qu'on appelle les salafistes. Ces derniers sont le plus souvent acceptés dans les milieux d'où ils ont enfanté et qui demeurent leur champ de prédilection où il leur arrive d'imposer un code de conduite aux jeunes, garçons et filles. Ils multiplient les écoles coraniques à l'Afghane dans leurs quartiers, ils collectent de l'argent pour alimenter des caisses qu'ils disent à but d'entraide et de secours pour les démunis. Mais leurs actions ne s'arrêtent pas à ce niveau, car il leur arrive de passer à l'action en usant de la violence. Les cas de l'attaque de Nessma TV, du cinéma l'Africa, de l'exposition Al Abdellia, des artistes devant le théâtre municipal sont édifiants. Ils sont partout devant les facultés et les lycées et ils ne manquent jamais l'occasion de faire entendre leur voix pour s'immiscer dans des affaires qui relèvent du domaine de l'autorité publique. Mais le plus préoccupant et ce qui est encore plus frappant c'est de voir cette même autorité complaisante à leur égard allant jusqu'à excuser leurs actes et leur donner raison d'autant plus que le discours moralisateur qu'ils tiennent n'est pas loin de celui de la majorité au pouvoir qui dans certaines situations se trouve sur la même longueur d'onde avec cette mouvance. La tempête soulevée récemment à cause d'une danse jugée immorale dans un des lycées de la capitale et la prise de position on ne peut plus étonnante du ministre de l'Education nationale est bien édifiante dans ce sens que l'on s'achemine vers un plus de verrouillage de la vie des gens sous la belle enseigne du moralement exigé ! Une tendance dont les risques ne peuvent que déboucher que sur une dictature où l'ordre moral sera le maître mot.