Cinquante-six ans après l'indépendance, l'émancipation de la femme, la scolarisation généralisée et l'accès au savoir sans entrave pour tout Tunisien et Tunisienne et voilà que des forces rétrogrades tirent dans le sens opposé de l'Histoire. Des personnes jusque-là inconnues s'improvisent Cheikhs, oulémas et muftis promettent enfer et malédiction à tous ceux et toutes celles qui ne partagent pas leurs vues religieuses. Elles multiplient « fatwas » et prêches appelant à la séparation entre hommes et femmes, à l'école, à l'université comme sur les lieux de travail et dans les transports publics ! Ces « puritains » de la dernière pluie croient qu'ils sont les seuls détenteurs de la vérité. Une vérité absolue qui ne peut souffrir la moindre contradiction. Vérité qui leur confère des droits sans limite allant jusqu'à l'usage de la contrainte et de la violence sous toutes ses formes. Inquisiteurs de fait ils se croient investis de la plus noble et civilisatrice des missions pour faire revenir dans le droit chemin un peuple de dépravés voire de mécréants ! Ces « bons musulmans » venus des ténèbres de l'Histoire sont légion dans les milieux les plus défavorisés et parmi les jeunes qui vivent à la marge de la société. Ils promettent à tous ceux qui les suivront le paradis céleste. Leur cible première est et en restera la femme. Celle-ci, sa place est au foyer, sa mission et de servir son maître mâle et d'assurer la descendance. La femme pour eux, c'est l'incarnation même du mal. Elle est responsable du chômage, de la dégradation des mœurs, en un mot, elle est à l'origine de tous les déséquilibres dont souffre la société ! C'est cette littérature infâme qu'on véhicule sur celle qui constitue la moitié de la société sinon davantage qualitativement parlant bien sûr. Quand on sait, aujourd'hui, que nos filles bachelières – nous en avons déjà parlé dans un article précédent – représentent presque 62% du total des admis, on doit reconnaître le rôle primordial que joue la femme dans l'évolution de la société dans son acception générale. Mais, peut-on s'attendre de ces obscurantistes d'un autre âge et n'ayant appris de toute leur vie que quelques dogmes sortis de leur contexte qu'ils fassent preuve de discernement ou d'un moindre effort intellectuel pour regarder le monde autrement que celui dans lequel ils se sont emprisonnés ? En tout état de cause et en dépit des priorités imposées par une conjoncture délicate que connaît le pays,il est du devoir de tous de combattre ce mal avant qu'il ne soit pas trop tard, d'autant que, conscients de leur faiblesse du moment, ils cherchent à faire passer leur message et à se faire accepter par petites doses en attendant des jours meilleurs pour imposer leur vision et le mode de vie auquel ils veulent restreindre toute la société. Aujourd'hui, c'est la mixité, l'accoutrement des filles et femmes dévoilées qui sont décriés, demain, ça sera l'accès au savoir et le travail qu'on tentera de remettre en question avec au bout du compte le confinement de la femme dans sa dimension la plus exsangue pour en faire l'esclave des fantasmes et des tâches les plus dégradantes. Prenons garde de ce phénomène que nous ne devons en aucun sous-estimer, et agissons en sorte pour le circonscrire dans sa dimension la plus réduite faute de pouvoir l'endiguer dans sa totalité. C'est un combat d'avant-garde qui doit mobiliser toutes les énergies et les bonnes volontés, car il y va de l'avenir de nos enfants e de notre pays qui se retrouve deux ans, après la chute de l'ancien régime confronté à plus d'une réalité et devant relever plusieurs défis à la fois pour ne pas sombrer dans l'afghanisation ou la somalisation que nous promettent ces illuminés qui ne reculeront devant rien.