Le remaniement ministériel est finalement consommé tel ce mariage tant attendu et tout le temps reporté. La continuité de l'Etat est assurée et l'ANC peut à nouveau se remettre au travail pour boucler la Constitution et nous rappeler à voter avant la fin de 2013... Inchallah ! Que de bonnes nouvelles en plus de ce « cadeau » inespéré il y a à peine un mois de « neutraliser » les Ministères de souveraineté. M.Ali Laârayedh, nouveau Premier ministre, s'en sort plutôt bien et tout cela à cause d'une « pression » salutaire de l'opposition et ce, contrairement aux clairons triomphalistes de la Troïka ! Soutenir que la confiance donnée au Gouvernement par l'ANC, constitue une défaite de l'opposition n'est pas soutenable. C'est ignorer que la majorité à l'ANC, étant ce qu'elle est depuis les élections du 23 octobre 2011, tout le reste est tout simplement vote de routine. Dire que la Nahdha a fait des « concessions », relève de la manœuvre politique, parce qu'il est confirmé depuis son arrivée au pouvoir qu'elle ne lâche jamais rien, que sous la pression. C'est aussi quelque part notre apprentissage de la démocratie, encore que dans les pays avancés, la politique c'est, d'abord, de prévenir puis de guérir et non le contraire. Le nouveau Chef du Gouvernement devrait tirer la leçon de tout ce qui précède en évitant de pousser les crises à leur paroxysme. Il doit huiler les mécanismes du consensus afin d'absorber plus facilement le « stress » politique et social et éviter les « embouteillages » de la revendication populaire. La méthode suivie jusque-là, par son parti a démontré ses limites parce qu'elle a aiguisé la mobilisation de l'opposition qui, aujourd'hui, compte au moins deux nouveaux « Eléphants » qui pèseront, à l'avenir, sur les votes futurs : Nida Tounès et l'Union pour la Tunisie, d'une part, et le Front populaire (Al Jabha Achaâbiya), d'autre part. Cette manière de provoquer gratuitement des crises et de tester la résistance des Tunisiens sur leur mode de vie et leur culture millénaire menacée avec acharnement par l'obscurantisme de l'aile radicale de l'Islam politique a, tout simplement, eu l'effet contraire de ce qui était projeté par les stratégies de la Nahdha. Premier dégât non négligeable, et surtout psychologique, la diffusion du sentiment général de la méfiance vis-à-vis du discours et du projet de société annoncé par ce parti. Quand certains leaders islamistes parlent avec force de l'Etat « civil » (Addawla al Madaniya), personne ne les croit plus, y compris, leurs propres sympathisants. Au contraire, tout pousse à croire que la Nahdha est très attachée à son projet de société qui regarde vers l'Orient plutôt que vers l'Occident, notre environnement proche et consacré par l'Histoire aussi bien ancienne que moderne. En effet, qu'est-ce qui est plus proche de nous, le Soudan, la Somalie, le Yémen, ou l'Italie, l'Espagne, la France et l'Allemagne ! Pourquoi tous les jeunes qui « brûlent » en mer, vont-ils vers l'Europe et jamais vers l'Arabie-Saoudite ? Demandez à ces jeunes, nouvellement « endoctrinés », pourquoi ils ont chahuté la visite de travail à Bizerte, de son Excellence l'Ambassadeur de France à Tunis, M. François Gouyette, ils vous diront qu'ils subissent le bourrage de crâne anti-moderniste des promoteurs de l'obscurantisme. Par ailleurs, quand on demande la neutralité des ministères des Affaires religieuses, de l'Enfance et maintenant de l'Education nationale, on vous répond que vous êtes des « résidus » de la francophonie. Eh bien, si l'idéal sadikien fondé par Mohamed Sadok Bey et le grand Vizir Kheïreddine Bacha Ettounsi, puis consolidé par Mahmoud Messaâdi et Mohamed Mzali, c'est de la francophonie, alors vivement la francophonie contre l'obscurantisme médiéval ! C'est ce système éducatif qui est à l'origine de toutes les bonnes performances de la Tunisie et de son rayonnement dans le monde. Nous disons cela pour aider et encourager le Premier ministre à « s'auto-déterminer » vis-à-vis de son propre parti ou du moins, de l'aile radicale de l'Islamisme politique qui sera tôt ou tard, rejetée parce qu'opposé à la nature du pays et au tempérament du tunisien. Alors, pourquoi engager des batailles perdues d'avance qui ne peuvent qu'approfondir la désunion des Tunisiens et les pousser à la confrontation. Il y a quelque chose qui me dit que M. Ali Laârayedh « a bien compris », parce que pragmatique et parce qu'il a prouvé jusque-là, qu'il pouvait transcender les « ordres » des patrons et des idéologues. Son destin politique passe par la synthèse heureuse entre la modernité et l'identité et non à travers la cassure sociale, politique et culturelle ! C'est à lui de jouer ! Il vient de passer l'écrit, il lui reste le grand oral. Mais, attention, les Tunisiennes et les Tunisiens sont éveillés. La « ruse » des cheikhs, aussi vénérables soient-ils, ne passe plus !