Hamadi Jebali démissionne mais reprend son destin en main et contrairement aux apparences souvent trompeuses, c'est la Nahdha et ses « faucons » qui sont au pied du mur. Je m'explique. Par ce geste hautement significatif il met à l'abri sa personne en tant qu'acteur politique responsable et même sa gestion de toutes les hésitations passées et les « laisser-aller » qui ont marqué cinq trimestres de transition et un bilan plus que problématique en deçà des attentes de notre peuple. Au niveau politique-institutionnel c'est le surplace intégral avec pratiquement un gel prémédité de la construction démocratique. Au niveau économique c'est l'inflation qui menace les classes moyennes, véritable socle de l'intégration sociale et nationale en plus de secteurs vitaux totalement sinistrés comme le tourisme et les mines. Au niveau social et éducatif on s'embourbe avec le recrutement à outrance dans la fonction publique. Quant à la formation professionnelle, il vaut mieux ne pas en parler puisque le ministre qui en a la charge passe son temps à « guerroyer » dans les arènes politiques. Par conséquent, le bilan n'est pas très reluisant et M. Jebali ne peut pas en assumer toutes les responsabilitésNous savons maintenant que l'homme n'avait pas les mains libres et encore moins la possibilité de décider et d'opérer dans la chirurgie quand il s'agissait de circonscrire la violence politique, le débordement des « milices » « légitimées » par ses proches ou le positionnement diplomatique de la Tunisie. De fait, il était un peu à l'image du premier gouvernement Nouira, juste après Ben Salah, le « Premier des ministres », et non le « Premier ministre ». Par conséquent, sa « révolte » c'est un peu celle du grand Nouira qui a exigé de Bourguiba un gouvernement qu'il dirige de fait et qui a créé un changement qualitatif à cette époque, permettant toute la réussite économique de la Tunisie dans les années 70 et même une percée non négligeable au niveau du pluralisme politique avec l'acceptation du MDS du leader socialo-démocrate Ahmed Mestiri, puis d'autres partis d'opposition. Il paraît clairement maintenant et avec ce « témoignage politique » historique de M. Hamadi Jebali que l'Islam politique en Tunisie est bien à la croisée des chemins. Ou bien il accepte la démarche de se soumettre aux règles démocratiques immuables et essentielles à savoir, le changement politique par les élections, le principe intangible de l'alternance au pouvoir, le rejet définitif de la violence et le bannissement du recours ces « milices déguisées » pour terroriser les citoyens, les partis politiques, les syndicats, les journalistes, les hommes de culture etc..., et ce, pour rester indéfiniment au pouvoir sans légitimité des urnes ou bien il va continuer dans son entêtement à vouloir imposer aux Tunisiennes et aux Tunisiens un modèle social culturel et idéologique d'un autre âge, contre leur gré. C'est finalement, cela la véritable équation et le véritable enjeu, au-delà des manœuvres politiciennes et des luttes pour la hiérarchie du pouvoir. Le 23 octobre 2011, les Tunisiens en ordre dispersé ont donné une majorité à l'ANC, à la Nahdha et sa périphérie. Mais cette « légitimité » a été limitée dans le temps et dans l'espace actif du gouvernement. Une véritable transition a été opérée pour faire de l'ANC un « Parlement » et pour faire du gouvernement un instrument de décision à long terme. Résultat et avec le rejet de cette démarche par l'opposition et par une grande partie de l'opinion, on n'a réussi ni la mise en place des institutions nouvelles ni la réponse aux appels urgents de la société. Par ailleurs, la planification à moyen et long terme est bel et bien gelée dans les placards blindés de certains ministères, ce qui aggrave les problèmes du futur avec l'accumulation des exigences. Hamadi Jebali a voulu, d'abord, « sauver » la Nahdha du glissement de ses ambitions vers l'instauration d'un Etat théocratique religieux qu'au moins 50% des Tunisiens refusent, si ce n'est plus. Maintenant, le seul choix qui lui est resté c'est de sauver le pays des manœuvres de l'aile radicale de son propre parti, la Nahdha. Evidemment, le chemin le plus court et le plus logique aurait été la solution Ahmed Mestiri au Néo-Destour après l'avortement du fameux congrès de « Monastir 1 », celle de quitter carrément la Nahdha et fonder son propre parti islamique démocratique véritable. Il aurait été l'Erdogan tunisien et aurait fait le plein avec un ralliement de beaucoup de forces citoyennes démocratiques attachées à l'identité islamique tunisienne et zeitounienne modérée. Il aurait choisi pour le moment de rester à la Nahdha en attendant de voir « leur » réaction. Un nouveau « Niet » à son programme par la Centrale islamique pourrait lui redonner sa liberté et des ailes, qui sait pour naviguer vers d'autres cieux plus tolérant et plus généreux pour un leadership qui réconcilierait la Tunisie avec son Islam éternel et lui éviterait la guerre civile et d'autres malheurs que Dieu nous en préserve ! Monsieur Hamadi Jebali, vous avez mérité jusque là notre respect, en attendant de mériter un jour, un destin national nouveau !