Nous avons vu comment cette administration tunisienne si décriée, culpabilisée et promise, par les nouveaux « Robespierre » des partis de la revanche et de l'inquisition, à tous les enfers de la justice d'exception, a eu le mérite encore une fois de sauver le pays de la déconfiture et de l'anarchie totale après la Révolution. Sans elle aucun service public vital n'aurait pu être assuré et si la transition a pu tenir jusque-là, c'est bien grâce à la dévotion et au sens patriotique de nos administrateurs et nos fonctionnaires toutes catégories confondues. Finalement, les vrais protecteurs de la Révolution et du pays c'est bien eux et non pas ces « milices » de toutes les violences illégales qui occupent l'espace public et terrorisent les citoyens en toute impunité. Nous avons vu aussi précédemment que faute de modèle historique d'une « démocratie islamique » de par le monde arabo-musulman, la Tunisie est en passe de devenir pour l'Occident, l'ONU et même la Chine, un laboratoire d'expérimentation de cette nouvelle conception tant espérée d'une véritable démocratie en terre d'Islam. Tout le monde espère et tout le monde attend ce « bébé-éprouvette » qui peut prouver au monde entier que l'Islam, le vrai, n'est pas antinomique de la démocratie classique telle qu'instituée et pratiquée en Occident depuis la Grèce antique. Après l'échec de l'Etat national modernisateur post-colonial dans la construction de l'Etat institutionnel pluraliste et démocratique, les Révolutions du « Printemps arabe », ont exprimé l'exigence d'une véritable institutionnalisation de la liberté et du système démocratique. Mais cette exigence exprimée par les jeunes manifestants et les militants des droits de l'Homme, contre le système totalitaire précédent, a été très rapidement récupérée par les partis les plus structurés en l'occurrence les partis islamistes aguerris par la dure répression de l'ancien régime. Mieux encore, les élections démocratiques et pluralistes pour la désignation des députés à l'Assemblée nationale constituante, ont porté au pouvoir les islamistes, à une majorité confortable, mais blocante de toute velléité de construction politique non-conforme au projet du nouveau parti dominant, la Nahdha. C'est à partir de là que le pays a chaviré vers la polarisation et le cristallation autour de deux modèles de société différents. Le premier a pour objectif a court terme de se « réapproprier » l'Etat et à plus long terme de « réislamiser » la Tunisie d'où cette expression très significative des prédicateurs d'Orient venus en grand nombre dans notre pays pour consolider la nouvelle conquête islamique de la Tunisie « Al Fath Al Jadid Litounès » ! Le second c'est celui de cette autre moitié de la Tunisie qui aspire profondément et depuis toujours à une évolution de la Tunisie vers un modèle de synthèse entre l'Occident de Locke et de Montesquieu et la Tunisie de Kheïreddine Pacha Attounsi. En fait, une synthèse magique entre Sadiki et la Zitouna et qui a eu déjà un commencement d'élaboration et d'exécution depuis la seconde moitié du 19ème siècle. Mais, il fallait aussi compter avec l'opportunisme politique qui n'est pas propre aux islamistes de la Nahdha. Bourguiba l'a bien été dans le bon sens parce que probe et patriote combattant. Ben Ali, aussi, mais avec un très malheureux dérapage vers le népotisme et l'enrichissement illicite et sans cause. Par conséquent, l'opportunisme politique de tous ceux qui arrivent au pouvoir est dans l'ordre de la nature et Machiavel l'a bien codifié dans son « Prince ». Plus encore, les islamistes qui ont tendance à « s'approprier » à nouveau les rouages de l'Etat ont tout de même une légitimité électorale. Quant à savoir, si cette légitimité transitionnelle et provisoire leur donne le droit de gouverner à moyen et long terme, et d'imposer la démarche qu'ils veulent, c'est bien trop subtil et compliqué même pour les politistes les plus avertis. En effet, il est difficile de séparer la légalité de l'opportunité dans l'acte de gouvernement. « L'excès de pouvoir » fait l'objet depuis très longtemps d'une belle jurisprudence administrative surtout en l'absence de garde-fous institutionnels en période de troubles ou d'exception. Mais le plus étonnant c'est que l'état-major nahdhaoui et ses élites dirigeantes ne perçoivent pas l'opportunité extraordinaire, je dirai historique, qui s'offre à eux pour joindre l'utile et l'agréable ! L'utile c'est évidemment, d'essayer de garder le pouvoir. L'agréable c'est de le faire en réalisant ce coup de génie et ce miracle de fonder pour la première fois en terre d'Islam : «Une démocratie islamique»... Une vraie démocratie ! Certains nahdhaouis sont habités par la peur de perdre le pouvoir et ils croient dur comme fer que seules les «ligues de protection de la Révolution» et les organisations miliciennes parallèles et acquises totalement au Parti islamiste seront décisives le moment opportun pour pousser les Tunisiennes et les Tunisiens à choisir entre l'anarchie sans les Islamistes au pouvoir, ou la sécurité prétorienne avec eux. Le mauvais présage et le spectre somalien qui nous est promis dans ce cas n'est pas innocent ! Mais leur expérience du pouvoir a prouvé tout à fait le contraire. Ils ont perdu bien des batailles. Celle de l'Information, malgré la mobilisation excessive contre la « presse de la honte », puis celle de « Nida Tounès » qu'ils ont cherché à isoler par tous les moyens et c'est l'échec cuisant puisque ce parti progresse tout le temps dans les sondages. Idem pour l'UGTT qui a enfanté finalement un parti populaire avec lequel il faut désormais compter « El Jabha Achaâbiya » de MM.Hamma Hammami et Chokri Belaïd. Enfin, autre bataille perdue et peut-être pas la dernière, celle de la recomposition de la Troïka et son élargissement à des partis crédibles comme El Joumhouri de M.Néjib Chebbi et Maya Jeribi. Là encore, le parti islamiste n'a pu pêcher, comme le prédit Jean de La Fontaine dans ses fables, que des hérons faute de carpes, de daurades ou de mulets ! Pourtant, il aurait été plus heureux pour Ennahdha d'éviter la ruse, les manœuvres qui ne trompent plus personne et d'aller droit au but, de multiplier son capital sympathie des années de braise en jouant les vrais objectifs de la Révolution : La liberté, la démocratie, les institutions et la solidarité nationale ! Elle aurait pu faire fructifier tout cela pour éviter à son tour l'isolement sur la scène nationale, et la méfiance sur la scène internationale qui compte, celle des Etats-Unis, de l'Europe et de tous nos amis sincères dans le monde ! Patientez, la suite jeudi !