«L'atrocité des crimes n'est pas un argument pour défendre la peine capitale», prévient Habib Marsit L'abominable et inimaginable viol subi par une fillette à l'âge de trois ans dans un jardin d'enfants à La Marsa laisse tout un chacun pantois, sidéré et apostrophé par une conscience toujours remise en question. C'est un crime qui jette au devant de la scène nationale le débat sur la peine capitale. Plusieurs voix choquées, révoltées et agressées dans leur subconscient s'élèvent à travers les réseaux sociaux, ou même sur les plateaux de télévision pour appeler à la pendaison du criminel. Or depuis 1991 la Tunisie n'a pas mis en exécution la peine capitale. Mieux le 21 décembre 2012, la Tunisie a signé à l'Assemblée Générale de l'ONU un moratoire sur les exécutions de la peine de mort. Dans notre société arabo-musulmane, l'abolition de la peine de mort n'est pas évidente. Des obstacles psychologiques s'y opposent comme l'envie d'assouvir le désir de vengeance. Dans beaucoup de milieux en Tunisie et ailleurs, on croit que la peine de mort contribue à prévenir et à dissuader les criminels. Pour d'autres, la religion autorise l'exécution capitale. Pour certains, même si l'islam reconnaît, en cas d'homicide volontaire, à la famille de la victime le droit de représailles, il lui reconnaît aussi le droit de pardonner, geste sublime de piété. Habib Marsit, un des fondateurs de la section de Tunis d'Amnesty international, rappelle que « chaque fois qu'il y a un crime odieux, on remet sur le plateau la peine de mort. L'atrocité des crimes n'est pas un argument pour défendre la peine capitale. Dire que l'exécution de la peine capitale va mettre fin aux crimes ne résiste pas à la réalité. Depuis la nuit des temps que l'humanité l'applique, vainement les crimes odieux persistent ». Il constate que la peine capitale n'a pas d'effet coercitif, ni dissuasif, ni préventif pour ce genre de crimes. Lorsque des crimes abominables sont perpétrés, on est dans une logique de réactions subjectives. « Traiter le dossier de la peine capitale ne peut se faire à chaud dans un climat alimenté d'émotions. Cela implique un cadre plutôt calme et rationnel sans utilisation des sentiments », dit-il. Il considère que la pensée juridique doit être développée dans la sérénité et la rationalité, dans la clarté et non le brouillard où les sentiments et les émotions prévalent. De même la justice ne doit pas se fonder sur le sentiment de vengeance. Les valeurs doivent être les vecteurs de la justice comme l'équité et la dignité. La dignité concerne aussi bien la victime que le criminel. « La dignité du criminel doit être toujours sauvegardée. La valeur de la dignité ne doit pas faire l'objet de calculs. Des moments, on la respecte et d'autres non. En plus la justice doit contenir la valeur de tolérance, d'éducation et de réforme. Le criminel doit être rééduqué et réformé et non anéanti. La justice doit élever l'homme et non l'abaisser. Il faut humaniser les hommes et non les réduire à l'état animal », prévient notre interlocuteur. Il rappelle que dans l'histoire, la peine de mort a été celle de la non justice et non de la justice. Elle est discriminatoire. Elle touche les pauvres et les opposants et non les puissants. Les Emirs font ce qu'ils veulent. Aux Etats-Unis, l'écrasante majorité des condamnés à mort sont pauvres. Les grands de la Mafia, comme Al Capone, on savait où est-ce qu'ils habitaient, mais personne ne les touchait. C'est une histoire de bêtise et de barbarie humaine qu'est la peine de mort. « C'est une punition injuste et révoltante », s'indigne Habib Marsit. Le nombre de pays qui ont aboli la peine de mort s'élève à 140 sur 193 Etats membres des Nations-Unies. Les 140 Etats, comprennent ceux qui l'ont aboli dans la loi ou ceux qui appliquent un moratoire comme la Tunisie. Parmi les 53 Etats qui continuent à appliquer la peine capitale, on retrouve, entre autres, les pays du Moyen-Orient, la Chine, les Etats-Unis et l'Inde. Ce sont des pans entiers des habitants de la terre. Aux Etats-Unis, beaucoup d'Etats ont aboli la peine de mort. La Californie a organisé un référendum. L'abolition n'est pas passée avec un très faible écart. En Tunisie, des efforts ont été fournis pour défendre l'abolition de la peine de mort pendant la campagne électorale. Ils ont été poursuivis après l'élection de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC). Il y a une position politique au sein de la Troïka opposée à l'abolition. Au sein de l'opposition, une majorité est abolitionniste. Au sein de la Troïka, certains sont favorables à l'abolition, à titre individuel, mais politiquement, sont obligés de s'aligner sur la position politique du parti. Certains militants d'Ennahdha étaient hantés par la pendaison dans le couloir de la mort. Ils peuvent être d'accord, individuellement avec l'abolition de la peine de mort, mais pour des raisons politiques, ils s'y opposent. C'est une question d'opportunité politique. Ils considèrent que l'opinion publique n'est pas encore mûre pour l'abolition de la peine de mort.