En marge du quarantenaire du tribunal administratif en Tunisie, un séminaire a été organisé par la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis avec la collaboration de l'Association Tunisiennes des sciences administratives, et auquel ont pris part plusieurs membres de la composantes civile dont des juristes, des journalistes, ainsi que des membres d'associations de défense des droits de l'Homme. Au cours de ce séminaire, ont été abordées des questions autour de la spécificité du droit administratif et de son rôle en tant que moyen permettant de contrôler l'action des organes de l'Etat. Juridiction administrative et droits des citoyens Le pouvoir judiciaire est l'un des piliers du système démocratique permettant de répartir les tâches entre les organes de l'Etat, qui sont tenus de se concerter et de travailler de concert, comme l'a affirmé Montesquieu, un des philosophes des lumières dont le but a été essentiellement de combattre les injustices. Le juge en vertu de ce pouvoir tenu de dire le droit, et d'appliquer la loi à bon escient, ne doit subir aucune influence ni aucun ascendant afin de rendre des décisions équitables et impartiales. Les justiciables sont égaux devant la loi régissant les rapports entre citoyen. Ceux qui sont lésés ou spoliés de leurs droits, peuvent en vertu de la loi , s'adresser au juge au lieu de se faire justice eux-mêmes. Le pouvoir judiciaire est venu donc suppléer la loi de la jungle selon laquelle, la raison du plus fort était toujours la meilleure. Quid cependant si le citoyen a été l'objet d'un quelconque abus par la puissance publique, c'est-à-dire l'Etat, quelle que soit sa forme, et ses représentants dans l'administration en général. Jadis les décisions de l'administration publique étaient indiscutables, au nom du droit régalien, qui appartient exclusivement à l'autorité étatique. C'est au 18ème siècle en France que la nécessité de concilier les droits des citoyens avec les exigences du service public. De ce fait la justice administrative a commencé à affirmer depuis, donc indépendance par rapport à l'administration publique. C'est ainsi que s'est constituée en France une jurisprudence administrative, dans le sens de la préservation des citoyens contre les abus de l'administration publique. Les actes administratifs quels qu'ils soient, sont devenus, en vertu de cette jurisprudence susceptibles de recours par le citoyen lésé, aux fins des les annuler, pour le rétablir dans ses droits et de demander réparation de tout préjudice éventuel, matériel ou moral soit-il, qu'il pourrait subir. 1972, naissance de la juridiction administrative en Tunisie Avant l'indépendance, les actes d'administration publique, qu'il s'agisse d'arrêtés ministériels, ou municipaux, n'étaient susceptibles d'aucun recours par le citoyen qui se trouvait lésé. Le fameux dicton bien de chez nous, « lorsque ton adversaire est le gouvernant, tu ne peux agir en justice contre personne » se justifiait par le système d'injustice qui sévissait à cette époque. Avec l'avènement de l'indépendance, il faut attendre 1972, et le semblant d'ouverture politique, suite aux catastrophes générées par la collectivisation, pour qu'une juridiction administrative commençât à voir le jour. Ce fut en vertu de la loi du 3 juin 1996 qu'a été créé un conseil des conflits, en vue de la répartition des compétences entre l'ordre juridictionnel et l'ordre administratif. Au fil du temps, s'est créée une jurisprudence administrative favorable aux droits du citoyen qui a eu la possibilité de mieux se défendre contre les abus de l'administration publique. Les actions contre les abus de pouvoir se sont de plus en plus développées avec l'institution du conseil d'Etat, dont les décisions étaient aussi équitables que courageuses. Le tribunal des conflits Veiller à la préservation du principe de séparation entre les autorités administratives et judiciaires, est nécessaire pour préserver davantage le citoyen contre les abus de l'administration publique. C'est là le rôle essentiel du tribunal des conflits, qui est une juridiction paritaire. Il faut que cette juridiction soit consacrée par la prochaine constitution, selon les doyens Fadhel Moussa et Yadh Ben Achour qui sont intervenus tour à tour au cours de ce séminaire, pour mettre en exergue la nécessité de développer davantage la juridiction administrative. Il est important d'assurer une meilleure transparence de la juridiction administrative, avec la publication annuelle des arrêts du conseil d'Etat. Par ailleurs il faut penser à mieux développer la procédure d'exécution des arrêts contre l'administration publique pour plus d'efficacité. En effet, plusieurs décisions administratives contre le ministère de l'Intérieur par exemple, ont du mal à être appliquées, l'exécution étant entre autres, avec le recours de la force publique ; situation dans laquelle la police se trouve à un moment donné juge et partie. C'est une question de civisme en vertu de laquelle l'administration publique se place en défenseur de l'intérêt général, là où il se trouve. C'est là la notion même d'un Etat basé sur le patriotisme, et c'est précisément l'image que nous souhaitons avoir de la Tunisie postrévolutionnaire.