La juridiction administrative a pour but de juger l'administration d'une part et de régler les conflits naissant entre elle et les particuliers, qu'ils soient des personnes physiques ou morales. En France, l'idée de la séparation entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif est née d'une loi de 1790 faisant défense aux tribunaux judiciaire de s'immiscer dans les affaires de l'Etat. Ce fut la base sur laquelle a été finalement institué un tribunal administratif dont la compétence a été limitée à la connaissance des litiges administratifs. C'est ainsi qu'a été constitué le droit administratif, qui est essentiellement prétorien, c'est-à-dire fondé sur les décisions jurisprudentielles. En Tunisie, il n'y avait pas de juridiction administrative avant que le pays ne devienne souverain par son accession à l'indépendance. Durant la période coloniale, l'administration, dirigée par le Bey, depuis l'empire ottoman, avait un pouvoir absolu et ses décisions n'étaient susceptibles d'aucun recours. « Lorsque le Bey est ton adversaire, quel recours peux-tu faire ? » disait un dicton bien de chez nous. Ce fut dans la constitution de 1959 qu'a été prévue la juridiction du conseil d'Etat avec ses deux organes : le Tribunal Administratif et la Cour des Comptes. Le tribunal administratif avait d'abord un rôle consultatif, en ce qui concernait les décrets à caractère réglementaires et ce jusqu'en 2002 date de la création du conseil constitutionnel. Au fil du temps, la jurisprudence administrative évoluant dans l'intérêt du justiciable est devenue une garantie pour celui-ci , contre les abus de l'administration. Evidemment, l'exécution des jugements contre l'administration, a constitué l'un des problèmes majeurs, et les moyens d'y remédier, n'étaient pas nombreux. Aucun huissier de justice n'a osé faire appel à la force publique pour faire exécuter un jugement contre le ministère de l'Intérieur ou même le ministère de la Justice. Cependant, sur le principe, l'administration n'a plus ce pouvoir absolu, devant lequel personne n'avait rien à dire. Désormais toutes ses décisions peuvent être contestées devant le juge administratif.
Aucune prépondérance de l'administration, et aucun ascendant Tout comme le juge judicaire, le juge administratif, ne doit subir aucun ascendant, et doit rendre ses décisions en vertu de la loi, en son âme et conscience. Il statue normalement sur les actes administratifs et les recours en responsabilité de l'administration. Le recours contre les décisions du tribunal administratif peut être formulé, aussi bien par le justiciable que par l'administration elle-même. Celle-ci se place au même niveau que le particulier, et le juge doit trancher en vertu de la loi. Depuis la révolution, la neutralité du tribunal administratif est remise en question. Les juges administratifs ont réitéré hier leur appel aux constituants afin de restructurer le conseil supérieur de la justice administrative au plus tôt. Ce conseil doit être neutre et ses membres ne doivent faire l'objet d'aucune sorte de pression, que ce soit de la part de leurs chefs hiérarchiques ou d'aucun autre organe de l'Etat ou de l'exécutif en général. C'est le seul moyen pour consolider une véritable justice transitionnelle, où le pouvoir judiciaire a sa place dans la structure d'un état réellement démocratique.