Une grande fête de la création d'art qui réunit plus d'une centaine de nattiers ce dimanche à l'espace Sidi Ali Azouz à Nabeul à l'occasion du mois du patrimoine. Cette manifestation intitulée « la profession des nattes : des racines et des ailes » offrira cette année un nouveau profil. La cité de Nabeul et l'association de la sauvegarde de la ville œuvrent à faire connaître et à promouvoir la natte locale dont la notoriété a franchi les limites du territoire national. On ne peut parler de cette natte nabeulienne sans faire référence aux nattiers .Ces mains d'or comme on aime à les appeler, ont, pour la plupart, fréquenté cette cité des nattiers, le Rebat, dont ils contribuent à perpétuer la tradition de père en fils comme en témoigne ces articles en jonc (smar) comme les sets de tables, les poufs, les nattes, les couffins et les cartables. Et la ville des potiers a, à juste titre d'ailleurs, acquis cette réputation d'être un immense atelier de tissage, aux couleurs tantôt unies, tantôt chatoyantes et bariolées. Nabeul, ce royaume des nattiers a réussi depuis plusieurs années à se faire un nom aussi bien en Tunisie qu'au-delà de nos frontières. D'où ces petits ateliers qui foisonnent un peu partout et donnent cachet à cette ville. Des bottes de jonc jaune vert bleu signalent l'atelier de nattier souvent attenant à sa demeure où seuls les hommes tissent le jonc. « Ce jonc (smar) se récolte de mi-juin à fin juillet dans les oueds du Cap-Bon, Zaghouan, Fahs. Le jonc vert est coupé avec une faucille droite et dentelée de 30 cm par le coupeur de jonc qui est aussi responsable du séchage et du bottelage (tahizim). Une fois coupé, le jonc est exposé au soleil durant quinze jours. Séché et teint de différentes couleurs afin de constituer le stock nécessaire à l'année », nous disent Ferjani Hamali nattier de la cité de Rebat. Le nattier utilise pour son travail diverses catégories de jonc : le ferdaous (grossier et dur), le metloug (plus blanc mais assez gros et spongieux utilisé pour les nattes communes) et le selhani (fin et souple qui convient mieux aux nattes décorées). A la différence de celui qui sert pour les nattes à chaîne de laine et à trame d'alfa, le métier nabeulien est un métier horizontal. Il se compose de deux ensouples (meslot) sur lesquels sont tendus les fils de chaîne. Le métier comporte également un madrier tasseur dit « dlef » destiné à tasser les joncs les uns contre les autres. Le nattier travaille à même son métier assis sur une planche qui repose sur les fils de chaîne. A l'aide de ses apprentis il passe le jonc brin à brin à travers la chaîne de cordelettes d'alfa. Après le tissage, les joncs sont ramollis dans l'eau pour en augmenter la souplesse. Le tissage terminé, la natte enlevée du métier. Artisan, le nattier de Nabeul aime son métier. Un sentiment de légitime vérité, de vanité le pousse à vanter les qualités de sa production. Il a d'ailleurs le droit d'être fier. Telle natte tissée spécialement pour la mosquée, destinée à un hôte de marque ou à une exposition artisanale est parfois un véritable chef d'œuvre. « Ce métier si passionnant risque de disparaître d'une année à l'autre, les jeunes n'en veulent pas et n'en voudraient pas pour tout l'or du monde. Le langage des doigts est menacé. Alors pensons ensemble pour le relancer » nous affirme M. Hamali qui garde l'espoir de voir d'autre jeunes prendre la relève. Bref l'artisanat des nattes nous offre une magnifique mosaïque. On peut dire que les motifs remontent à des temps très anciens, au paléolithique et ils sont une conjonction des décors berbères et un apport de l'Orient. Il suffit de visiter ce dimanche ces ateliers et voir de près les démonstrations faites par ces vieux nattiers de Nabeul qui nous parleront l'après-midi de leur métier mais aussi de la pérennité de ce métier traditionnel assurée grâce à sa transmission d'une génération à l'autre