Par Khaled Guezmir Le ministre des Affaires sociales, M. Khalil Zaouia, vient de tirer une sonnette d'alarme et pas n'importe laquelle : Les Caisses sociales peuvent être en cessation de paiement… Si… ! Or, le « si » renferme plus d'une exigence et elles sont de taille ! D'abord, la paix sociale et l'arrêt des grèves de plus en plus expansives. Permettre à la machine de production de se remettre à niveau parce qu'enfin on commence à comprendre que la création d'emplois virtuels et fictifs dans la fonction publique et les chantiers occasionnels (Al Hadhaïer) est d'abord une lourde charge pour le budget de l'Etat et en plus elle a été accompagnée par des pertes d'emplois du côté de secteurs saignés à blanc comme les mines ou le tourisme. L'équation est simple, seule la croissance, la production et la plus value sont génératrices d'emplois donc de ressources durables pour les caisses sociales. L'Etat mal dirigé jusque là par des « politiques » n'ayant ni la compétence de l'économique et des affaires ni la volonté d'associer les vrais grandes expertises de ce pays parce qu'appartenant à « l'ancien » régime, montre des signes majeurs d'essoufflement. Le recours au FMI, ce mal nécessaire pour un crédit de 2,8 milliards de dinars, en est la résultante directe et sans appel. A l'image de la Grèce et un peu moins de l'Espagne et de l'Italie, la Tunisie dépense beaucoup plus qu'elle ne produit et la tendance dans cette mécanique est plutôt haussière en boule de neige. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Plus on développe le « social » en dehors de la rentabilité et de la production et plus il faut payer le déficit… les déficits… ! Alors que faire ! L'UGTT qui a toujours joué un rôle de canalisateur de la revendication sociale avec beaucoup de sens de la responsabilité, doit au nom de l'intérêt national mettre en sourdine certaines « demandes » certes, légitimes, mais qui peuvent à terme étouffer et l'Etat et les entreprises. Les hommes d'affaires, promoteurs industriels et autres, doivent aussi comprendre que le coût de la main d'œuvre bon marché a une limite et que ces temps sont révolus. Le capital doit, certes, fructifier ses apports, l'Etat favorisant la libre entreprise et encourageant l'investissement, mais il doit apprendre à partager les fruits de la croissance. Jouer gagnant gagnant à tous les coups sans prendre les risques d'améliorer les salaires périodiquement n'est pas réaliste et même contre-productif. Finalement si le capital ne le fait pas de son propre gré, la revendication sociale s'en chargera et le prix à payer sera plus lourd et plus harassant. Finalement, rien ne vaut le juste milieu et un contrat social équitable entre les producteurs et les salariés. Entre-temps, la croissance n'attend pas. Il faut la doper et l'aiguiser alors que les conditions de la stabilité qui dépendent du « politique » ne progressent pas. Or, les politiques sont mal inspirés par l'idéologie. La religion pour la Nahdha et périphéries, le marxisme pour la Jabha Chaâbiya et périphéries, la social démocratie toute aussi molle et sans contours économiques du centre libéral-social. Bref, Platon voulait des rois « philosophes » pour la Cité, et ce qui manque terriblement à notre pays c'est des « rois » ou présidents économistes ! L'Histoire de la Tunisie même du temps de la dynastie husseïnite et avec l'Etat national moderne, prouve que dans les périodes troubles l'excès de politique a besoin de correctifs économique d'envergure. Ce fut le cas avec Kheïreddine Pacha Attounsi qui a eu à assainir la dette tunisienne entre 1873, et 1877 et ce fut le cas de Hédi Nouira qui a pu par deux lois magiques remettre à niveau ce pays et ses finances après la crise de 1969. Peut-on demander aux « politiques » un peu plus de modestie et de recul pour laisser faire les économistes ! Difficile à croire au vu comment l'ANC a fait appel en fin de parcours constitutionnel aux « experts » juristes et linguistes pour rafistoler leur projet de Constitution « l'un des meilleurs du monde » !... Mon Dieu, je finirai par croire que nous sommes tous des tarés ! Et pourtant il va falloir s'y mettre ! Seul l'économique peut sauver le politique, en ce moment.