Ennahdha et ses alliés ne pouvaient pas ignorer, avant leur avènement au pouvoir, l'engouement des Tunisiens pour les séries télévisées et les feuilletons qui n'en finissent pas. C'est ce qui explique le nombre impressionnant de superproductions interminables que la Troïka prodigue à son peuple depuis décembre 2011. En moins de deux ans, nos concitoyens ont suivi plus de feuilletons qu'ils n'en ont vu sous Bourguiba et Ben Ali réunis. Parmi les plus longs et qui continuent aujourd'hui encore à susciter de l'intérêt, on citera par exemple celui sur la durée de vie de la Troïka. Imed Daïmi vient d'affirmer que celle-ci gouvernera la Tunisie pour encore cinq ans ! Avant lui, des responsables nahdhaouis avaient prédit 10 ans de règne troïkiste. Qui dit mieux sur la longévité de cette « Alliance sacrée » ? L'autre feuilleton qui perdure concerne la rédaction du Destour : pour ce qui est du seul brouillon, on en est à la saison 4 ! Et en dépit du tollé que le retard provoque, l'A.N.C. prend encore son temps. Samir Dilou a tout récemment fourni une nouvelle excuse à nos Constituants pour ne pas accélérer leurs travaux : les élections, nous prévient-il, ne peuvent avoir lieu dans le climat de tension qui sévit actuellement dans le pays! Donc les deux feuilletons (Destour et Elections) en ont encore pour longtemps avant de s'achever pour de bon. Tout comme le sitcom sur le « Consensus (ou bien le « Dialogue ») National » ! Chaque fois qu'on le croit toucher à sa fin, une rallonge de 10 à 20 épisodes est produite en un temps record grâce notamment à l'équipe toujours renouvelée qui tourne le long-(kilo)métrage sur l'immunisation de la Révolution. Pas plus tard qu'avant-hier lundi, et alors que Nida Tounès tenait son colloque sur le fameux projet de loi excluant les Rcdistes, Fathi Ayadi du Conseil de la Choura d'Ennahdha, appelait les Constituants issus de son Mouvement à accélérer l'examen de ce projet de loi en vue de son adoption par l'A.N.C. Tout ce « cinéma » se joue alors que les séances de « dialogue national » se poursuivent à Carthage et ailleurs, alors que Bajbouj et Rached se sont tendu la main dans un instant de solennité « historique », et au moment où l'UGTT s'apprête à reprendre son initiative fédératrice initiée en octobre 2012. Allez comprendre quelque chose à cet inextricable imbroglio et à ce tissu de paradoxes ! Le feuilleton des Azlem et des « ennemis de la Révolution » n'est donc pas près d'atteindre son dénouement ! Programmes « hard » Il ne faut pas non plus oublier le feuilleton (sans couleurs) sur le port du niqab, en particulier à l'Université. En cette période d'examens, les établissements universitaires ont failli vivre un scénario semblable à celui de la Faculté des Lettres de la Manouba, et ce après l'annonce par le Ministre de l'Enseignement Supérieur d'un possible nouveau recours en justice pour le réexamen de l'affaire par le Tribunal administratif. Pour le moment, la fin de l'année se déroule sans accrocs, mais le feuilleton n'est que momentanément suspendu. Il n'en est pas de même du feuilleton Sami Fehri : ce dernier étant lui-même dans la production télévisuelle, on lui a donc mijoté un procès « mexicain » de plusieurs dizaines (centaines ?) d'épisodes. En attendant que l'affaire connaisse un dénouement quelconque, Sami doit certainement ruminer une autre version du même feuilleton et qui durera peut-être plus longtemps que celle de la Troïka. Parlons à présent des séries interminables, mais chaudes, torrides, hard sur la sexualité en Islam : jusque-là nous avons terminé le chapitre sur l'excision des musulmanes et le volet du jihad par le vagin ! Mais le programme est long et pour le rallonger autant que possible, nos cheikhs salafistes comptent sur leurs vénérés prédicateurs wahabites, experts incontestés et incontestables en la matière. Interruption momentanée Concernant d'autres feuilletons, bien plus dérangeants à ses yeux, la « Troïka Productions » a décidé d'en abréger la durée et même de les arrêter net : par exemple, les travaux de la commission d'enquête sur les violences du 9 avril 2012 ont été subitement interrompus, M. Ali Laârayedh ayant jugé que l'affaire était désormais rangée parmi les Cold Case ! Le Chef du Gouvernement n'a certes pas prononcé le même verdict sur l'affaire Chokri Belaïd, mais son Ministre de l'Agriculture, Mohamed Ben Salem, l'a relayé pour estimer le dossier clos après l'arrestation de trois complices de l'assassin présumé, Kamel Gadhgadhi, toujours en fuite ! La famille du défunt et ses nombreux avocats ne l'entendent pas de cette oreille et à chaque fois relancent le feuilleton qu'on pourrait intituler « La Vérité séquestrée ». Celui sur le décès de Lotfi Nagdh, qui peut du reste porter le même titre, risque malheureusement de voir son épilogue continuellement différé ! Nous ne saurons pas non plus comment se terminera l'affaire de l'enquête sur l'agression contre le siège de l'UGTT en décembre dernier. Plus personne maintenant ne parle des deux rapports séparés remis au Chef du Gouvernement, censé trancher le litige ! Y reviendra-t-on un jour ? C'est peu probable, mais qui sait si la « Troïka Productions » ne pense pas déjà à un remake de la première série ! Appels du Prophète ! Il nous reste de parler du nouveau feuilleton en tournage à Jebel Châambi : nous devons à Nessma (la Rouge) de nous avoir programmé trois flashes et un récapitulatif quotidiens sur l'évolution des événements sur le terrain : quelle idée de feuilleton en direct ! « Du Jamais Vu » dans l'histoire des superproductions télévisées. Nous espérons pour la chaîne que la Troïka voudra bien consentir une prolongation de quelques autres semaines ou mois du « Rififi à Châambi ». Pourquoi pas 1544 épisodes, c'est-à-dire à la mesure de l'altitude en mètres de ce mont ? Une trouvaille à méditer, n'est-ce pas ? Parallèlement, ou bien à l'intérieur du même feuilleton, on peut penser à plusieurs épisodes sur les jihadistes, sur leur drapeau en noir et blanc, sur leurs liens avec l'AQMI, avec Hizb Attahrir, avec Ennahdha, avec Walid Bennani, sur la guerre qu'ils envisagent de mener contre les forces de l'ordre, sur l'application stricte de la Chariâa, sur le «Sixième Califat» etc. Comme on le voit, il y a de quoi agrémenter les après-midi et les soirées de tous les téléspectateurs adultes. Pour les enfants, le feuilleton « moutou bi ghaïdhikom » est, en ce moment, ce qu'il y a de mieux à recommander. Sinon, il faudrait programmer des dessins animés sur le viol des mineures, sur l'obligation du hijab et de l'instruction coranique dans les koutteb du XXI ème siècle ! Terminons justement avec la Zitouna dont le Cheikh Houssine Laâbidi, pourtant déchargé de ses fonctions par le Ministère des Affaires Religieuses, continue de « squatter » la Mosquée et ses environs. Aux dernières nouvelles, c'est le prophète Mohammed qui lui aurait intimé l'ordre de ne pas la quitter jusqu'à nouvel « appel » ! Autrement dit, le feuilleton Houssine Laâbidi a de beaux jours devant lui. La « Troïka Productions » aussi a un bel avenir dans le tournage des feuilletons de ce genre. Du moment que ça marche et que ça grimpe dans l'audimat!