Régime civil ou régime religieux ? Etat ayant pour religion officielle l'Islam et pour langue l'arabe – ce qui accorde toute latitude de laïcité au sens de la Constitution de 59 et dans la pure logique du multiculturalisme et de cohabitation des religions-vocation ancestrale de la Tunisie, carrefour civilisationnel - ; sinon Etat musulman au sens de l'article 141 de la pré-Constitution présentée avec peu de conviction à l'ANC samedi dernier ; ce qui ouvre la voie à toutes les applications exégétiques de la Chariaâ ? Dichotomies pour le moins dangereuses parce qu'elles généreront une Constitution à deux vitesses. Et qui plus est, au fil de la lecture du texte, c'est vers une Constitution à deux vitesses que l'on s'oriente, avec son cortège d'articles se contredisant les uns les autres, ignorant par là même les impératifs de liberté et de démocratie, les deux revendications essentielles de la Révolution du 14 Janvier. Une mouture en somme imparfaite et qui ne risque pas, dit-on, de recueillir les 2/3 des assentiments des élus du peuple, à moins bien sûr que ceux d'Ennahdha ne réussissent à échafauder un nouveau consensus forcé avec ses alliés conjoncturels et guère plus consentants comme auparavant, à savoir le CPR et Ettakatol. A l'évidence, néanmoins, Ennahdha a encore réussi à infléchir la rédaction du texte et elle est, là, dans sa logique première : la prééminiscence d'un régime résolument parlementaire puisqu'elle est assurée de dominer aux prochaines élections convaincue qu'elle est que l'opposition, « victime » de la proportionnelle, n'a pas les moyens d'une harmonie idéologique au sein du parlement et que, de ce fait, elle y ira en rangs dispersés. D'après la physionomie de cette pré-Constitution, on s'achemine vers une dictature parlementaires chambre d'enregistrement du parti au pouvoir, avec, cependant, très peu d'attributs confiés à l'exécutif ( le gouvernement) et presque rien aux mains du président de la République. Et c'est ainsi que la deuxième République concentrerait d'incommensurables pouvoirs aux mains du législatif. Avec la Constitution de 59 et le jeu du parti unique le parlement était la chambre d'enregistrement de l'exécutif. Cette pré-Constitution consacrerait l'inverse. C'en est donc fini des espoirs de régime panaché, équilibré entre le parlementarisme et le présidentialisme. Et à supposer même que l'on se rabatte sur un referendum, il y a fort à parier que les Tunisiens, las d'attendre, basculeraient dans le consentement, parce que l'on s'arrangera stratégiquement à ne pas les édifier sur les avatars d'une Constitution, dont on découvrira après coup qu'elle est taillée sur mesure pour… Ennahdha