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Un fiasco cérémonial et un texte qui fâche
Le projet de la Constitution publié samedi
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 06 - 2013

C'est avant-hier que la Loi fondamentale a été bouclée. La date du 1er juin a été délibérément choisie pour l'annoncer. Une volonté évidente de faire le pont avec la date symbolique de juin 1959, promulgation de la première constitution de la Tunisie, et station phare dans l'histoire constitutionnelle de la première République. Sauf que, avant-hier, quelque chose a manqué au décor. L'ambiance était fade, les sourires paraissaient forcés. Seuls quelques députés étaient présents avec le président de la Constituante et le rapporteur général pour annoncer, in fine, le bouclage du projet de la constitution. La vice-présidente Mehrezia Laâbidi était elle aussi de la partie. On voulait parer la cérémonie de ses atours officiels, on a convoqué les médias et composé un bouquet de députés multi-partisans derrière les principaux acteurs. Mais selon les voix qui ont fusé ici et là, c'est bel et bien un ratage.
Plus grave que le fiasco cérémonial, le fond du problème reste ailleurs. Dans cette mouture déclarée pré-définitive, les points litigieux n'ont toujours pas été réglés ; le régime politique, la nature de l'Etat, les attributs du président de la République, la place de la religion...L'article premier et l'article 141 disposent de deux identités et deux Etats qui s'opposent et s'annihilent. Pendant que l'article premier et son consensus intrinsèque consacre la nature de l'Etat civil, l'article 141 a été désigné par certains experts comme le cheval de Troie qui met en place l'Etat religieux.
A l'évidence, il semble extrêmement difficile à la Constitution en l'état de réunir les 2/3 nécessaires pour la ratification finale. Parallèlement, l'organisation des pouvoirs publics fait qu'un tiers suffit pour tout bloquer. Or, on rêvait d'une constitution qui recueille non pas les 2/3 fatidiques mais plus, puisque celle-ci serait écrite pour plusieurs générations de Tunisiennes et Tunisiens.
A ce stade, on ne peut toutefois qu'émettre des hypothèses ; La question est donc : va-t-on, ou ne va-t-on pas vers un référendum ? Plusieurs observateurs estiment que la probabilité n'a jamais été aussi grande. Puisque s'il pouvait y avoir consensus, il aurait eu lieu depuis le temps qu'on l'invoque. Si l'on se replie sur le référendum, c'est le grand saut vers l'inconnu. Généralement, disent les experts, la tendance des gens est de dire oui avec un texte à peu près acceptable, pour éviter le vide institutionnel, et parce que le oui rassure, bien plus que le non. Mais si le projet est rejeté, doit-on refaire un autre texte ou une autre constituante? Voila ce que l'organisation des pouvoirs publics ne dit pas !
Toutefois, cette ultime probabilité semble être pour l'heure exclue, mais, comme vous allez le constater, les positions semblent être irréconciliables, entre, en l'occurrence, le rapporteur général Habib Khedher, du parti Ennahdha, et Omar Chetoui, président de commission et député CPR, les alliés d'hier, et d'aujourd'hui encore... Pour sa part, le constitutionnaliste Amine Mahfoudh est sans pitié pour cette constitution qui est dans sa majeure partie « dangereuse » pour l'Etat civil et l'Etat de droit.
Habib Kheder : « Je demande plus de sens de la responsabilité aux partenaires, et à M.Chetoui spécialement »
En ce qui concerne la cérémonie, il y a une confusion totale entre le bouclage de la constitution et sa signature, et son dépôt final au bureau d'ordre, avant son envoi aux deux présidents de l'exécutif. Le président de la Constituante aurait pu parapher le projet dans la salle fermée de la commission de l'écriture, nous avons profité de la présence des médias pour l'annoncer. Il reste encore des procédures à suivre avant de pouvoir déclarer que ce projet est définitif. Quant au fond, il n'y a aucune contradiction entre les articles 1er et 141, une cohérence totale entre les dispositions des deux articles est au contraire consacrée. Il n'y a pas d'opposition possible entre La Tunisie est ......« l'islam est sa religion » et « l'islam est religion de l'Etat ». Pourquoi considère-t-on que l'article premier ne s'oppose pas au caractère civil de l'Etat et le 141, si ? C'est une lecture non équilibrée. Du reste, l'Etat civil se construit en se basant sur les « Makassid », finalités de l'islam, sur l'identité arabo-musulmane, sur la langue arabe. En ce qui concerne le consensus des points litigieux, dont notamment le régime politique, il faut savoir que la commission du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif présidée par Amor Chetoui est la commission responsable de presque l'ensemble du retard du calendrier de la Constituante. Par ailleurs, M. Chetoui avait demandé lui-même que certains points délicats soient exposés aux partenaires politiques. Il avait également expressément demandé à la Commission d'écriture de la constitution de trancher, des enregistrements sonores faisant foi. Il faut savoir que cette commission est la dernière qui a continué à remettre des rapports avec des articles déclinés en plusieurs versions. Nous avons dû faire notre travail et choisir. En ce qui concerne le régime politique, M.Chetoui relève du CPR, or ce parti est un partenaire actif dans le dialogue national de Dar Edhiafa. Ce dialogue s'est basé sur le projet de texte du 22 avril pour formuler des amendements précis, concernant les attributions du président, lesquelles propositions ont été introduites presque en intégralité, en vue de garantir les 2/3 nécessaires pour le vote final. Je demande plus de sens de la responsabilité aux partenaires, M.Chetoui spécialement, participe a des dialogues et valide le travail à 90%, vient dans les 10% restants, et brandit la menace de se retirer. Quant au recours au tribunal administratif dans une phase constitutive, ce n'est ni sain ni cohérent.
Omar Chetoui : «C'est Ennahdha qui profite du CPR et d'Ettakatol et non l'inverse »
Samedi dernier, le président de l'ANC et le rapporteur ont signé ce qu'ils ont considéré comme le projet de constitution de la République. Au moment de la signature, certains députés relevant d'Ennahdha ont entonné l'hymne national. D'abord sur le plan juridique, ce n'est pas encore considéré comme le projet de constitution. Je voudrais savoir est-ce qu'il y a des députés premier degré et d'autres de seconde zone. Les commissions préparent le projet de constitution et vient alors la commission de coordination qui s'érige en arbitre, pour supprimer et reformuler les articles. Or cette commission est technique, alors que les autres commissions constitutionnelles sont représentatives des quotas politiques. Il y a eu beaucoup de manœuvres et de contournement des règles qui nous rappellent les procédés de Ben Ali. Quant au fond, l'une des pierres angulaires de la constitution est le régime politique. Or le régime politique qui découle de ce projet n'est même pas un régime parlementaire, c'est quelque chose qui se rapproche aux régimes des pays de l'Europe de l'Est avant le déclenchement des révolutions. Les attributs présidentiels actuels ont été limités. Ils ont tout juste injecté quelques prérogatives protocolaires. Résultat, le président de la République dispose d'un titre dépouillé de tout pouvoir. Par ailleurs, cette constitution a été faite sans les experts, c'est la même chose que construire sans architecte, cela donne une construction anarchique. Il faut savoir qu'Ennahdha ne compte pas céder une partie du pouvoir à personne, même pas à ses alliés. Mais ils savent qu'avec la situation locale et sur le plan international, ils ne peuvent se permettre de monopoliser le pouvoir. Donc Ennahdha a besoin de la couverture des partis démocrates, c'est Ennahdha qui profite du CPR et d'Ettakatol et non l'inverse. C'est un parti qui veut tout avoir par le chantage et les manœuvres sans rien donner en contrepartie. Le bureau politique du CPR va se réunir en début de semaine. Plusieurs députés envisagent un recours auprès du tribunal administratif.
Amine Mahfoudh : « Le matin c'est l'Etat civil et l'après-midi c'est l'Etat religieux » ?
Ces gens ne sont pas sérieux puisqu'ils ne tiennent pas compte des recommandations qui ont découlé des deux dialogues nationaux, on parle de consensus magique, mais c'est devenu un mot vidé de son sens. Ce qui s'est passé avant-hier est un forcing, ils ont mis beaucoup de temps, et là où il fallait ralentir, ils ont accéléré. Le texte ne mérite pas le titre de projet, il est long, et contient des redondances de concepts et des articles dangereux.
Pour l'exception d'inconstitutionnalité, il n'est pas possible de la soulever pendant trois ans. C'est à dire en d'autres termes, trois ans d'Etat de non-droit. Ce qui veut dire en clair que les gens lésés par des lois qui porteraient atteinte aux droits et aux libertés n'auront pas la possibilité de soulever l'inconstitutionnalité devant les tribunaux. Or, normalement, une loi organique organisera les procédures de recours. La Cour constitutionnelle sera en mesure d'invalider le texte et purger les textes de loi qui sont contraires à la constitution. Pour ce faire, il faudra attendre trois ans, après l'entrée en vigueur de la constitution.
Il y a un flou sur l'identité de l'Etat, parce qu'on essaye, soi-disant au nom du consensus, de présenter deux Etats et deux identités contradictoires : l'Etat civil et l'Etat religieux. On a essayé de faire taire ceux qui réclament l'Etat religieux d'un côté et ceux qui réclament l'Etat civil, de l'autre. Le législateur sera perturbé et la Cour constitutionnelle également. Comment va-t-on procéder ? Le matin c'est l'Etat civil et l'après-midi c'est l'Etat religieux ? Il faut pourtant mettre en place un Etat démocratique, et une seule identité. Il faut garder l'article premier, et enlever l'article 141, très dangereux pour l'identité de l'Etat.
Pour ce qui est de la question du régime politique, l'une des techniques de l'identification du régime parlementaire, c'est que le pouvoir exécutif est en mesure de dissoudre le Parlement, même sans raison. On parle alors d'équilibre entre les pouvoirs. Le pouvoir exécutif a des moyens pour contrôler le pouvoir législatif et vice versa. Cette constitution consacre la dictature du Parlement, parce que il n'y pas de moyens réciproques, parce que le Parlement peut destituer le Chef de l'Etat, le Parlement peut déposer une motion de censure contre le gouvernement et contre l'un de ses membres, en contrepartie le pouvoir exécutif est impuissant face à une assemblée qui maîtrise toute la situation constitutionnelle, et l'on peut s'attendre à un blocage de fonctionnement pour le gouvernement et pour le chef de l'Etat qui seront tous les deux à la merci de ce Parlement. Dans la Cour constitutionnelle, la porte a été ouverte à des non-juristes qui vont perturber le fonctionnement de la cour, ils ne pourront pas arbitrer de la constitutionnalité d'un projet de loi ou d'une loi, parce qu'ils ne sont pas outillés pour le faire. Cette cour ne parviendra jamais à consacrer l'Etat de droit et à protéger le régime démocratique. Il faut qu'il y ait une réaction de la société civile et des partis politiques devant ce projet qui consacre l'Etat religieux. Une pression populaire, collégiale et organisée est nécessaire.


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