Les différents acteurs de la scène politique nationale semblent plus que jamais favorables à la reprise du dialogue national en vue de parvenir à des consensus sur les différents points litigieux du projet de Constitution. En attestent les réunions marathons qui ont eu lieu ces derniers jours entre le secrétaire général de l'Union Générale Tunisienne du travail (UGTT), Houcine Abbasi, et les dirigeants de plusieurs partis politiques. Après avoir eu des entretiens avec le leader du mouvement Ennahdha Racahed Ghannouchi, le secrétaire général de la centrale syndicale a reçu, tour à tour dans son bureau à la place Mohamed Ali Ahmed Brahim et Samir Bettaïeb, dirigeants de la Voie Démocratique et Sociale (Al-Massar), Ahmed Néjib Chebbi, président de la haute instance politique du Parti Républicain (Al-Joumhouri), et Imed Daïmi, secrétaire général du Congrès pour la République (CPR). A l'issue de ces réunions, les différents dirigeants de ces formations politiques ont souligné la nécessité de relancer les réunions de la commission de suivi du dialogue national qui se compose de représentants des partis représentés à l'Assemblée nationale constituante (ANC) avant le 1er juillet, date à laquelle devrait être entamée la discussion du projet de Constitution. Le Chef du gouvernement, Ali Laârayedh, a de son côté tenu des rencontres au cours des deux dernières journées avec des représentants du mouvement Ennahdha et du Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés (FDTl/ ou Ettakatol) qui ont été axées sur la nécessité d'impulser le dialogue national afin d'accélérer l'adoption de la Constitution et de raccourcir autant que faire se peut la période transitoire. Le président du groupe des élus d'Ettakatol à l'ANC a fait savoir à l'issue de sa rencontre avec le Premier ministre que « le dialogue national doit reprendre au sein de l'hémicycle du Bard ». Sur un autre plan, le projet de Constitution a été au centre d'une réunion tenue mardi après-midi entre le groupes des élus d'Ennahdha et deux experts en droit constitutionnel, en l'occurrence Iyadh Ben Achour et Ghazi Gheraïri « Les entretiens avec ces experts ont été francs et ouverts. Ils ont permis de soulever plusieurs points et plus particulièrement les prérogatives du pouvoir judiciaire et les dispositions transitoires dans le but de rapprocher les visions et de faciliter le consensus au sein de l'Assemblée et dans le cadre du dialogue national sur le brouillon de la constitution », a précisé Ameur Laaryedh, membre du bureau politique d'Ennahdha à l'issue de la rencontre . Des améliorations, mais… Le projet de Constitution continue à diviser la classe politique nationale. Si elle reconnait des améliorations incontestables par rapport aux précédentes moutures du texte fondamental, l'opposition conteste plusieurs «ambiguïtés» contenues dans le draft définitif de la Constitution. Les opposants s'insurgent notamment contre le fait que la mention des principes universels des droits de l'homme s'accompagne de la précision : «Dans la mesure où ils sont en harmonie avec les spécificités culturelles du peuple tunisien» Selon l'opposition, l'article 1er et l'article 141 énoncent deux identités et deux Etats qui s'opposent et s'annihilent. Pendant que l'article 1er et son consensus intrinsèque consacre la nature de l'Etat civil, l'article 141 stipule qu'aucune réforme constitutionnelle «ne peut porter atteinte à l'islam en tant que religion de l'Etat». Ils brocardent également tout un chapitre relatif aux dispositions qui retarde l'entrée en vigueur de la Constitution et la mise en place d'une Cour constitutionnelle parfois jusqu'à trois ans. Parmi les principaux griefs avancés figurent aussi les limites à la liberté d'expression si elle nuit à "la réputation" d'un tiers, la création d'une instance de régulation aussi bien les médias audiovisuels que de la presse écrite ou encore le déséquilibre en matière de prérogatives entre les deux têtes du pouvoir exécutif (président de la République et Premier ministre). Fruit de plus de seize mois de débats houleux, le texte fondamental contient de nombreuses avancées découlant des concessions faites par Ennahdha. Il prône, en effet, un «Etat civil», qui «garantit la liberté de croyance et le libre exercice du culte ». Le préambule du draft définitif de la Constitution adopte aussi «les principes universels des droits de l'homme» et « la liberté de conscience». Pour être adopté, le texte devra obtenir en deuxième lecture les deux tiers des voix des élus, faute de quoi il sera soumis à un référendum. Et c'est pour cette raison d'ailleurs que les différents acteurs politiques souhaitent éviter le recours à cette option qui s'apparente à un saut dans l'inconnu. Un rejet de la Constitution suite à un référendum risque, en effet, de remettre le compteur de la transition démocratique à zéro. Cela est d'autant plus vrai que l'organisation provisoire des pouvoirs publics ne dit pas s'il faut rédiger de nouveau un autre texte fondamental par la même Assemblée constituante ou élire une nouvelle assemblée.