A l'issue d'une réunion de deux jours tenue le week-end dernier, le conseil de la Choura du mouvement islamiste Ennahdha a laissé la porte ouverte à un compromis sur la nature du régime politique qui sera inscrit dans la Constitution en cours d'élaboration. Le président de cette instance consultative du parti qui dispose d'une majorité relative à l'Assemblée nationale constituante (ANC) a indiqué qu'Ennahdha est prête à négocier un “équilibre” entre les prérogatives du président et du Premier ministre dans la future Constitution dont l'adoption est bloquée en raison de profonds désaccords sur certains thèmes, dont la nature du régime politique. “Il est nécessaire de se mettre d'accord sur un régime politique qui garantit un équilibre entre les prérogatives des deux têtes de l'exécutif”, a déclaré Fethi Ayadi, le président du conseil de la Choura d'Ennahdha, à l'issue de la réunion de cette instance. Et d'ajouter : “On est favorable à un régime dans lequel il y a des prérogatives pour le chef du gouvernement et pour le chef de l'Etat”, a-t-il dit. Il n'a cependant donné aucune indication sur la répartition des pouvoirs qui constitue la principale pomme de discorde. Le mouvement Ennahdha n' a pas fourni davantage de détails à ce sujet dans le communiqué final du Conseil de la Choura publié hier. Ce communiqué se borne à appeler à “un consensus afin de faire réussir la transition démocratique et de tenir les prochaines élections dans les meilleures conditions “ et à “accélérer l'adoption de la Constitution”. Pouvoirs réels Les prérogatives du futur président de la République constituent un sujet de discorde qui paralyse l'adoption de la Constitution. Ennahdha a toujours défendu un régime parlementaire pur. Mais l'écrasante majorité des groupes parlementaires y compris ceux du Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés ( FDTL/ ou Ettakatol) et du Congrès pour la République (CPR), les deux alliés d'Ennahdha au sein de la coalition gouvernementale, sont favorables à l'octroi de pouvoirs réels au président de la République. Ce dernier devrait être, selon la majorité des groupes, responsable de la préservation de l'intégrité territoriale et de l'unité du pays . Il est également chef suprême des armées et le garant de la Constitution. Le Président de la république se charge aussi des nominations dans les hautes fonctions civiles et dispose de compétences d'empêchement permettant un meilleur équilibre entre les pouvoirs. Ainsi, le Président de la République pourrait opposer un droit de veto sur les projets de loi, un mécanisme qui mène au renvoi des projets de loi devant le parlement.Les projets de loi rejetés doivent être, dans ce cas de figure, révisés et adoptés à la majorité qualifiée de deux tiers ou des trois quarts. Il dispose également du droit de dissoudre le parlement dans certains cas bien définis comme l'incapacité du Premier ministre choisi par le parti vainqueur des élections de former un gouvernement d'obtenir la confiance du parlement dans les délais prévus par la loi. Risque de blocage Faute d'un compromis, les divergences profondes sur les prérogatives du Chef de l'Etat risquent d'aboutir à un blocage politique. D'autant plus que l'adoption de la Constitution nécessite les voix des deux-tiers des élus à l'Assemblée nationale constituante. En cas de rejet du texte fondamental, l'Assemblée constituante sera obligée d'appeler à l'organisation d'un référendum sur la Constitution qui pourrait retarder davantage les élections. Et en cas d'une victoire du “non”( rejet de la Constitution par le peuple), l'unique solution serait l'élection d'une nouvelle assemblée constituante pour rédiger une nouvelle Constitution. D'où un retour à la case départ et une grave crise politique. Le texte de la Constitution aurait dû être présenté samedi dernier, mais sa publication a été retardée , officiellement en raison des travaux toujours en cours d'une commission d'experts indépendants. Cependant vendredi les principaux partis politiques en pourparlers sous l'égide du président Moncef Marzouki ont suspendu leurs négociations sans parvenir à un consensus sur la nature du futur régime. Le débat sur le régime politique reste , toutefois, ouvert. D'autant plus qu'il sera au centre de la deuxième phase du dialogue national qui se déroulera début mai sous l'égide de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT)...