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Economie et sécurité sociale : Insuffisances chroniques
Publié dans Le Temps le 09 - 07 - 2013

Alors que la réalité économique et la pratique politique traduisent l'importance de l'économie et de la politique de la Sécurité Sociale, la théorie économique reste largement en retard dans sa tentative d'explication de l'émergence d'une économie de la Sécurité Sociale.
Le paradoxe c'est que l'économie de la Sécurité Sociale aujourd'hui, loin d'engendrer une réelle sécurité de l'individu, s'inscrit dans une politique de gestion de la crise, génératrice d'insécurité sociale et de coûts sociaux considérables.
Les limites de la théorie pour expliquer l'économie de la Sécurité Sociale
La théorie économique dominante ne parvient pas à expliquer l'importance de l'économie de la Sécurité Sociale dans la mesure où elle ne cherche pas l'origine des problèmes sociaux dans l'économie elle même et donc elle créé une rupture entre l'économique et le social. Cette rupture apparaît d'abord dans le domaine des lois où Pareto, pour montrer la dichotomie entre les lois de la production et celles de la répartition dit qu'à l'optimum, toute politique de distribution engendre une perturbation de l'optimum et par là, une rupture avec l'équilibre général de l'économie. La rupture entre l'économique et le social s'explique aussi par le fait que l'économique est le domaine de la demande solvable qui est régi par le principe « à chacun selon ses moyens », ce qui veut dire que le domaine des besoins qui a pour principe « à chacun selon ses besoins » n'a pas sa place dans l'économique. Néanmoins, des tentatives ont été faites dans le sens du dépassement de la coupure « économique-social ». Nous citons celle de François Perroux qui a essayé de montrer que la croissance capitaliste engendre une non couverture des coûts de l'homme, à savoir les coûts qui procurent à chacun l'espérance de vie, la santé et l'accès à la connaissance compatibles avec les conditions concrètes du lieu et de l'époque.
Pour pallier cette insuffisance en matière sociale, les théoriciens de l'approche dominante ont tenté d'introduire la politique sociale dans le cadre de l'équilibre général du marché où ce dernier est considéré comme le meilleur mécanisme d'allocation des ressources. Parmi ces tentatives, nous citons la théorie walrassienne sur l'intervention publique. A ce propos, Léon Walras admet, dans son économie politique appliquée – qu'il distingue d'ailleurs de son économie politique pure - que la libre concurrence n'est plus valable parce qu'elle ne peut en aucun cas jouer lorsqu'il s'agit d'un marché qui produit des biens d'intérêt public. En effet, Walras cite comme exceptions du principe de libre concurrence, les monopoles moraux ou services publics stricto-sensu telles que sécurité, justice, éducation, … Ces tentatives ont connu un échec, à cause de l'utilisation des règles de calcul de rentabilité qui, au lieu de servir l'intérêt public, elles servent les intérêts individuels ; la dépense sociale étant considérée comme un coût à minimiser. La théorie économique dominante, au lieu de donner les éléments d'une analyse sérieuse de l'économie de la Sécurité Sociale, a glissé vers une analyse parcellaire par domaine de la politique sociale ( redistribution des revenus, … ). Devant l'ampleur prise par la question de l'économie de la Sécurité Sociale, il a bien fallu tenter de combler le décalage entre les faits et la théorie. A cet effet, un courant a essayé de cerner l'incidence entre la réalité économique et la Sécurité Sociale. Ce courant traduit à sa façon la nécessité d'éviter la dichotomie « économique/social », mais ceci n'a pas permis de fonder réellement une économie de la Sécurité Sociale, il reproduit plutôt cette dichotomie sous d'autres formes ( la Sécurité Sociale ne réduit pas l'écart entre les revenus tant que tous ceux qui en perçoivent ont droit aux prestations en nature et en espèces quel que soit le niveau du revenu ). L'avènement de la crise des années 30 et l'apparition des travaux de Keynes ont contribué largement au développement des théories de l'intervention de l'Etat, justifiées notamment par le mobile de corriger les imperfections du marché. C'était l'épopée du modèle de « l'Etat- providence », lequel modèle a été remis en cause en 1973, lors du fameux choc pétrolier, laissant la voie libre au retour aux théories libérales avec son modèle de « l'Etat- gendarme ». Et ainsi naquit une polémique entre néo-keynésiens, fervents adeptes de l'interventionnisme de l'Etat et néo-classiques qui défendent les thèses libérales.
La planification de la Sécurité Sociale
«La planification consiste à donner un caractère formel aux facteurs qu'impliquent la détermination des objectifs et l'établissement des processus de décision en vue d'atteindre ces objectifs ». Il y a lieu de noter que cette définition insiste sur le processus de décision où le concept « processus » évoque toute une série de procédures. Elle insiste aussi sur la détermination des objectifs de l'activité qu'on planifie ; ici, la Sécurité Sociale. Contrairement à la planification dans le domaine économique, celle de la Sécurité Sociale est extrêmement compliquée dans la mesure où si l'on tente de définir des objectifs sociaux en fonction des besoins sociaux, on se heurte à une difficulté qui consiste en la détermination et la mesure des besoins sociaux. La solution qui paraît s'imposer est que, étant donné ces difficultés, on devait laisser la définition des objectifs dans le domaine qui lui est propre, à savoir celui des décisions d'ordre politique. Ainsi, il serait possible de définir des objectifs sociaux et le planificateur, trouvant son rôle plus facile, n'intervient que pour déterminer l'échelle des priorités sociales en matière d'affectation des ressources où il s'agit d'une simple programmation linéaire de type « optimisation sous contraintes ». La séparation de la planification et de la prise de décision facilite considérablement le développement des procédures de planification. Exemple de prise de décision indépendante de la planification : l'augmentation du montant d'une prestation en espèces. Le planificateur intervient seulement pour fixer le montant optimal de l'augmentation qui tiendra compte de la contrainte ressources disponibles.
L'incidence de la Sécurité Sociale sur les grandeurs économiques
La consommation
Les dépenses de la Sécurité Sociale augmentent la consommation publique ( prestations en nature ) et privée ( prestations en espèces ), ce qui diminue l'effort d'investissement à l'échelle nationale ( puisque Revenu National = Consommation + Investissement ). Il en résulte un avantage pour les ménages au détriment des entreprises. Le besoin de santé plaide en faveur de l'extension de la part des dépenses de santé dans le budget familial. Il en résulte inéluctablement des débouchés et des profits pour le secteur des biens de consommation –ici le secteur des biens médicaux- au détriment des entreprises qui investissent dans les secteurs productifs de l'économie.
La production
Les systèmes de Sécurité Sociale et leur financement entraînent une augmentation des coûts, ce qui diminuerait l'effort d'investissement par la formation d'un salaire indirect indépendant de la contribution du salarié à la production. CRITIQUE : La dépense sociale, loin d'être un coût, apparaît comme une source d'économie à l'échelle nationale. Pour ne citer qu'un exemple, les dépenses engagés au titre des prises en charge de maladies participent à l'amélioration de la productivité des salariés à travers la diminution de l'absentéisme et par ricochet la relance de la production.
L'importance de la part des dépenses sociales dans le Produit Intérieur Brut ( PIB ) est synonyme de progrès économiques. Elle est mesurée par le rapport « Transferts sociaux / PIB ». Ce rapport a varié en Tunisie entre 17,1% en 2006 et 24,1% en 2012, selon les chiffres du 12ème Plan quinquennal ( 2010 – 2014 ).
Les facteurs de production (travail et capital )
La Sécurité Sociale a des effets économiques et extra-économiques sur l'offre et la demande des facteurs de production. Elle limite l'offre disponible de main d'œuvre par l'octroi des prestations d'assurance sociale mais, en revanche, elle améliore la qualité du facteur travail. En ce qui concerne la demande de main d'œuvre, la Sécurité Sociale, par l'augmentation des charges sociales, joue dans le sens de la diminution de cette demande et encourage, par là, la substitution du capital au travail.
La Sécurité Sociale facteur d'une redistribution des revenus
D'abord, faut-il rappeler qu' en 1959, Musgrave, qui soutient l'idée, tout comme Keynes (2), que l'intervention de l'Etat, trouve son fondement dans trois fonctions principales, à savoir, la stabilisation économique, l'allocation des ressources et la redistribution pour atteindre l'optimum social. Par définition, la redistribution des revenus est un mécanisme mis en place par les autorités publiques en vue de prélever des revenus chez certains agents économiques, aux moyens des cotisations sociales et de l'impôt, afin de les redistribuer à d'autres, sous forme de prestations en espèces et en nature. On appelle distribution primaire, la formation des revenus telle qu'elle découle du processus de production. La distribution secondaire est celle qui résulte de l'intervention des pouvoirs publics. La différence entre les deux, c'est la redistribution. Elle se réalise au moyen de deux instruments : les impôts et les équipements qu'ils financent, et les cotisations sociales et les prestations qu'elles financent. Il y a deux types de redistribution : la redistribution horizontale et la redistribution verticale. La redistribution horizontale résulte des transferts de revenus entre différentes catégories sociales : des bien-portants aux malades, des célibataires à ceux ayant des familles à charge, … Alors que la distribution verticale se traduit par une modification de la structure des revenus de la population ou de certains groupes sociaux ; elle comporte des transferts entre catégories à revenus inégaux ( des riches vers les pauvres ). De part sa structure d'affectation des ressources, les Caisses de Sécurité Sociale participent à la redistribution des revenus et ce, en réaffectant les revenus primaires distribués aux ménages. La différence entre le revenu primaire net des prélèvements et le revenu primaire augmenté des réaffectations constitue le transfert des revenus. Ce transfert peut être négatif ou positif selon que la catégorie sociale (ou la tranche du revenu en cas de redistribution verticale) a subi ou bénéficié du transfert. Enfin, il est important de noter que la notion de redistribution oppose actuellement deux courants de pensée économique : celui des néo keynésiens qui défendent la politique de redistribution, car, pour eux, investir dans le capital humain permet de reproduire l'économie ; à celui des néo-classiques qui sont contre la politique de redistribution, car ils la considèrent comme un instrument entre les mains de l'Etat, permettant à certains agents économiques à vivre au détriment des autres. En guise de conclusion, face à la crise qui a frappé en août 2007 les Etats Unis- connue sous le nom de crise des Subprimes– et a touché l'Europe par le biais de la titrisation , d'une part, et la perte de vitesse voire l'essoufflement des systèmes de Sécurité Sociale basés essentiellement sur la répartition du fait du vieillissement des populations, d'autre part, la question qui se pose : quelle est la place de l'Etat dans l'économie ? Un Etat- providence pour juguler la crise dans sa dimension politico- sociale ou un Etat- gendarme qui, par le jeu de la régulation, favoriserait en dernière instance l'économique sur le social. La balance penchera, peut -être pour un Etat- providence, cher aux adeptes du néo- keynésianisme qui soutiennent la thèse selon laquelle le fonctionnement de tout marché laissé seul ne peut pas être optimal aussi bien sur le plan économique que sur le plan social. Peut –être aussi un système hybride, entre le « tout public » et le « tout marché », qui permettra un équilibrage entre un niveau acceptable de prélèvements nécessaires pour garantir un niveau décent de prestations. Le débat est ainsi ouvert. Il gagnera sans doute de l'importance au fur et à mesure que la Sécurité Sociale, faute de plan de sauvetage urgent, s'enfoncera dans la crise, et dont personne ne peut mesurer l'amplitude de ses ondes de choc à l'échelle sociale.


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