Tahar Ben Hassine, propriétaire d'Al Hiwar, risque une mise en examen ; Béji Caïd Essebsi et Hamma Hammami, appellent à la dissolution de l'ANC et à la fin de la légitimité de la Troïka Après les plaintes de la Présidence contre les putschistes virtuels, voilà qu'on parle de la mise en examen de Tahar Ben Hassine, le propriétaire de la chaîne « Al Hiwar ettounsi », accusé d'avoir appelé à la sédition populaire et au coup d'état militaire contre l'actuel régime. Simple coïncidence sûrement, c'est un autre directeur de télévision que la Troïka s'apprête à traduire en justice et, qui sait (à part elle), à mettre en prison. Ce qui ferait un « tôlard » de plus dans la famille médiatique tunisienne. Sami Fehri aurait peut-être ainsi un nouveau compagnon de cellule pour mijoter des projets d'émissions divertissantes sur leur chaîne désormais commune. Quelle bien étrange coïncidence on aurait : les télévisions se jumellent à Lafayette et leurs directeurs s'associent à El Mornaguia. Déjà un excellent sujet de sitcom ! Avec happy end garanti comme dans les procès intentés par Slim Erriahi contre leurs deux chaînes. Mais Béji Caïed Essebsi et Hamma Hammami ont, eux aussi, appelé à la dissolution de l'Assemblée Nationale Constituante et remis en question la légitimité de la Troïka. Qui sait s'ils ne risquent pas, à leur tour, de se retrouver ensemble devant le Parquet puis à la prison d'El Mornaguia (ou bien à El Aouina). Le Front Populaire et Nida Tounès enfin réunis sous le même toit ! Et quel toit ! Après tout, pourquoi pas ? N'a-t-on pas provoqué un tapage démesuré à l'occasion du mariage contracté récemment à l'intérieur d'une prison tunisienne ? Les tribunaux submergés En fin de compte (au sens propre de l'expression plus que dans son sens figuré), il y aurait pas mal de monde à « questionner » et à arrêter sur la base de la nouvelle mesure contre les putschistes potentiels. La Présidence a ouvert le bal avec peut-être une longue liste de « recherchés ». Demain, ce serait au tour de l'A.N.C. de remettre la sienne ! Ensuite, les Gouvernements Laârayedh et Jebali présenteraient leurs candidats à la « question ». Nos tribunaux, qui déjà sont loin de chômer, vont être débordés, submergés ! En effet, depuis le 14 janvier, l'action en justice se banalise chez nous comme jamais auparavant, notamment pour des motifs à résonance politique. Les procès sont même intentés « in live » sur les ondes de radio et les écrans de télévision. Les cassettes vidéo et les messageries de téléphones portables sont de plus en plus utilisées contre les prévenus ou en leur faveur. Les commentaires sur Face Book ne sont pas toujours retenus contre leurs auteurs, mais il y a fort à parier qu'ils le seront dès qu'un texte légal en bonne et due forme sera adopté dans ce sens. Notez aussi que les procès « montés de toutes pièces » ont encore cours sous nos cieux. Les avocats n'ont pas à se plaindre, et contrairement à ce qui se passait sous Ben Ali, leur Ordre ne leur reproche plus leurs apparitions sur les plateaux de télévision, devenues constantes et même incontournables. Certaines chaînes en engagent même les plus éloquents ou les plus belliqueux en qualité de consultants, sinon au titre de… prédicateurs ! Insidieuse banalisation A propos de religion, les procès pour atteinte au Sacré sont devenus courants. Certaines peines parfois excessives ont été prononcées à l'encontre de quelques « contrevenants aux préceptes du culte ». Et ce, en attendant de mettre en prison les non jeûneurs photographiés par les objectifs discrets au service d'Adel Almi. Il n'est pas à exclure que le Ministre des Affaires Religieuses s'en mêle et exige l'arrestation des non- pratiquants. D'ailleurs sur Face Book circule actuellement une information selon laquelle des agents de l'Ordre seraient intervenus pour fermer un café ouvert pendant le jeûne et pour en sortir les clients de force. Ils auraient justifié leur intervention musclée par une directive émanant de Noureddine Khadémi !! Cela se serait passé tout dernièrement à Tabarka, ville touristique pourtant. On raconte aussi que des énergumènes pour la plupart barbus auraient violenté les clients d'un café de Lafayette à Tunis. Les deux informations ne sont pas encore confirmées, mais une chose est sûre : on cherche de diverses manières à nous habituer à ce genre d'atteinte à la liberté de conscience et à toutes les autres libertés, pour que plus tard, les exactions et abus deviennent des pratiques naturelles, banales et plus grave encore, légales ! Bénédiction et malédiction suprêmes Idem pour la liberté d'expression : le comble à ce sujet, c'est que le sacrilège suprême consiste maintenant à médire de l'intouchable « Char'iyya » ! Non, vous avez mal lu : nous ne parlons pas de la Chariâa. Mais de la Sainte Légitimité de la Troïka. Le plus grave chef d'accusation est désormais la contestation de cette Légitimité. Il vaut mieux, paraît-il, proférer un blasphème que de contester cette vénérable légitimité. Si ça continue, et si les plaintes de la Présidence font école, nos prisons accueilleront plus de détracteurs de la légitimité troïkiste que de prisonniers de droit commun. Mais n'exagérons rien, il y a toujours moyen d'échapper à l'incarcération et de recourir en grâce auprès des institutions légitimes du pays. Par exemple, reconnaître la légitimité des « Ligues pour la Protection de la Révolution » et condamner les nouvelles « Ligues pour la Défense de la Patrie et des Citoyens ». Sinon, lyncher Essebsi et Nida Tounès. Laminer Hamma Hammami, son Front Populaire et l'UGTT qu'ils commandent à distance. Railler Ahmed Khasskhoussi et lui rappeler, comme Mehdi Ben Gharbia le fait si bien, que du temps de Ben Ali il n'osait même pas penser à démissionner du Parlement. Faire l'apologie du brouillon du Destour à la manière d'Ahmed Néjib Chebbi. Vilipender Naoufel El Ouertani, Sami Fehri, Ettounssiyya et Al Hiwar de Tunisie. Jeter l'anathème sur les deux Soufiène de Nessma TV. Au fait, depuis que l'émission animée par ces deux journalistes et par Hamza Belloumi a pris congé, Nessma est comme « lavée de tout soupçon » auprès des plumes progouvernementales. En clair, la chaîne de Nébil Karoui ne dérange que par le talk show du trio précité. Maintenant que cette petite Troïka journalistique est en vacances, la grande Troïka signe une trêve estivale avec Si Nabil. Que ne fourre-t-on pas en prison les trois importuns ? La trêve serait muée en paix éternelle ! Et alors, bénie soit la Légitimité !