Khadija Fehri, fille de Sami Fehri, implore Bhiri de libérer son père L'incarcération du propriétaire de la chaîne télévisée privée Ettounsia, Sami Fehri, prend, depuis quelque temps, une tournure inquiétante digne d'un film à la Hitchkok. Rebondissements perpétuels et suspens à souhait. Le procès de Sami Fehri, s'est métamorphosé d'une banale procédure juridique en une véritable affaire d'opinion publique qui alarme quant à l'indépendance de la justice. Face à un ministre de la Justice qui refuse la libération du producteur et patron d'Ettounsia TV malgré la décision de libération de la Cour de cassation, une campagne de soutien appelée «Applique la loi !», une demande adressée par les citoyens à l'adresse du ministre de la Justice, Noureddine Bhiri, a appelé à une manifestation devant ledit ministère hier matin. «Applique la loi !» clamaient les manifestants Voilà maintenant 112 jours que Sami Fehri est en détention à la prison de Mornaguia, et ce, malgré le document de libération donné par la 14ème chambre de la cour de cassation qui a rejeté, le 28 novembre dernier l'ordonnance d'incarcération. A l'époque, le directeur d'Ettounsia Tv avait déjà passé 3 mois dans la prison. Tout le monde pensait que l'affaire sera dignement et dûment résolue par la justice. Sami Fehri sera libéré et pourra rejoindre les siens tout en poursuivant son interrogatoire au tribunal, comme le soutient la loi. Or, il ne fallait pas crier trop tôt victoire. Avant même d'être lâché, Sami Fehri est interdit de quitter sa cellule. Estomaqués, scandalisés et terriblement offusqués, proches du détenu, citoyens, hommes de loi, de culture et de médias se sont indignés et sont sortis hier revendiquer l'application de la loi, réclamer l'indépendance de la justice et appeler au limogeage du ministre de la Justice Noureddine Bhiri. Trois mille personnes étaient descendues à Beb Bnet, là où se trouvent les locaux du ministère de la Justice. La rue était bandée de sympathisants, d'artistes, de comédiens, d'avocats, de journalistes et de citoyens tout âge et appartenance idéologique et politique confondus. Parmi les slogans scandés, on lisait la colère et le mécontentement des présents et leur appréhension quant à prééminence de l'exécutif sur le judiciaire. Entre «Applique la loi !», «Indépendance de la justice, liberté des médias», «La presse est un 4ème pouvoir», «Free Sami», «Bhiri dégage», «la liberté de la presse, la liberté de la création», les voix s'entrelaçaient en chœur. Puis s'est élevée celle de Khadija Fehri, fille de Sami Fehri. Devant un auditoire ému et en larmes, munie d'un haut-parleur, elle clamait, d'une voix tremblante mais calme, la libération de son père et demandait au ministre de la Justice d'appliquer la loi. Echange «épistolaire» entre Sami Fehri et Noureddine Bhiri S.F : «Je vous félicite, Monsieur le ministre, d'avoir enfreint la loi et d'être le premier ministre de Justice qui garde incarcéré un homme avant même que la justice n'aie dit son dernier mot.» Sami Fehri a répondu à l'appel du ministre de la Justice, qui, lors d'une déclaration officielle, avait demandé au patron d'Ettounsia Tv de se présenter au tribunal et que la justice sera équitable. La suite, tout le monde la connait. Soubresauts et manipulation. Sami Fehri sera libéré ou pas ? Un véritable film à la Hitchcock ! Finalement, Sami n'est pas libéré suite au refus du ministre de la Justice. On crie au scandale, au bafouillage de la justice et à la mainmise de l'exécutif sur le judiciaire comme pendant l'ère bénalinienne. On crie aux intimidations effectuées par les détenteurs du pouvoir exécutif sur les médias. Pris en otage et au comble du désespoir, Sami Fehri entame une grève de la faim sauvage et adresse une lettre au ministre de la Justice, Noureddine Bhiri. Dans cette missive, il «félicite, ledit ministre, d'avoir enfreint la loi et d'être le premier ministre de Justice qui garde incarcéré un homme avant même que la justice aie dit son dernier mot.». Il lui rappelle, notamment, le communiqué d'indignation qu'a publié l'AMT (Association des magistrats tunisiens). Il le félicite pour «avoir manipulé le Procureur général qui exécute, désormais, (ses) ordres et refuse d'appliquer les lois et les décisions de la magistrature. D'être le premier ministre de Justice à qui on ouvre grandes ouvertes les portes de la Cour d'appel et de refuser l'application de la décision du tribunal de Cassation, suprême pouvoir judiciaire dans le pays et le garder en otage sans un document légal.». Il déclare, par le biais de cette lettre, avoir atteint le summum du désespoir que la loi soit appliquée au point d'entamer une grève sauvage de la faim. Il rajoute à la fin : «Monsieur le ministre, je vous félicite d'avoir atteint vos objectifs : condamner mon moral à l'anéantissement, me limoger de la scène médiatique.» A son tour, le ministre de la Justice répond à la lettre de Sami Fehri. Il déclare, en marge d'une conférence de presse sur la restitution des avoirs mal acquis déposés à l'étranger par Ben Ali et ses proches, que la détention de Sami Fehri est survenue suite à des soupçons d'appropriation de fonds publics et d'enrichissement au préjudice de l'Etat. Le ministre de la Justice reproche à l'avocat de Sami Fehri de n'avoir pas plaidé la cause de son client devant la justice et que cela aurait été plus efficace que la médiatisation de l'affaire à travers les médias et l'opinion publique. Ce qui, selon lui, pourrait être blasphématoire et induirait les gens en erreur. Il est à rappeler que la veille de la manifestation, un comité de soutien pour la libération du directeur de la chaîne Ettounsia, a été créé. Cette déclaration a été, annoncée lors d'une d'une conférence. Un comité de soutien qui comprend le leaders que Hamma Hammami, porte-parole du Front Populaire et le leader du Parti des Travailleurs et le célèbre militant Ali Ben Salem.