Dans le cadre de la vaste concertation sur le projet de constitution, le Chef du gouvernement Ali Laârayedh a adressé une édifiante analyse quant au fond, quant à la forme et quant à la quintessence de la prochaine constitution. Observations minutieuses, dans l'esprit du droit public et qui tient compte de l'équilibre des institutions, de la hiérarchie des lois et de la séparation des pouvoirs. Ces observations sont réparties en trois volets 1/ Les volets non abordés par le brouillon de la constitution 2/ Les choix susceptibles de soulever des problèmes quand à la forme et quant au fond 3/ Les zones d'ombre et les confusions sémantiques
Compte tenu de l'importance de cette analyse, nous avons décidé de la reproduire intégralement en fonction des trois volets spécifiés ci-haut. Volets non traités dans le projet de constitution d'autorité constituante, n'a pas soulevé dans le draft de la constitution des points fondamentaux. Ces points se résument comme suit : Le dernier paragraphe de l'article 91 stipule qu'en « cas de non exercice du chef du gouvernement de ses fonctions de manière provisoire, il délègue ses prérogatives à l'un des ministres ». Ce point a occulté l'éventualité de non exercice provisoire de ses prérogatives par le chef du gouvernement sans qu'il les délègue. Dès lors nous proposons de remédier à ces brèches en stipulant expressément la partie qui exercera les fonctions de chef du gouvernement dans ces circonstances Le brouillon de la constitution ne fait guère de précision sur les conditions qui doivent être réunies par le candidat au poste de chef du gouvernement. Dès lors et considérant que le candidat à ce poste n'appartient pas forcément à la constituante là où certaines conditions sont requises, il conviendrait compte tenu des prérogatives importantes dévolues au chef du gouvernement de spécifier deux conditions essentielles à savoir la nationalité et la religion. Il n'est pas annoncé dans le brouillon de la constitution la situation de démission du gouvernement ou de retrait de la confiance. Il n'est pas spécifié que dans ces deux cas le gouvernement continuera d'expédier les affaires courantes surtout que l'article 98 qui traite de la question de la gestion courante des affaires a exclu les cas de démission ou de retrait de la confiance. Dès lors prenant en compte la gravité de la situation de vide ( vacance du pouvoir) il convient de spécifier que le gouvernement bénéficiaire ou celui auquel on a retiré la confiance continue d'expédier les affaires courantes jusqu'à ce que le nouveau gouvernement entre en possession de ses prérogatives.
On constate l'absence de texte concernant l'imminence des projets de lois de première importance comme c'est le cas dans la plupart des constitutions comparées. C'est une question fondamentale parce que si les conditions ne sont pas assurées à ce niveau là, cela est de nature à entraver l'action du gouvernement puisqu'il s'agit de lois impérieuses ayant trait à la réalisation de projets économiques et sociaux. On constate aussi que les délais d'examen des lois proposées à l'autorité législative sont ouverts dans le temps. C'est le cas aussi du tribunal constitutionnel. Dès lors il conviendrait de rajouter un article ( juste après l'article 63) spécifiant clairement le timing pour l'examen de ces projets de loi avec des délais irrévocables aussi bien au niveau des conseils des élus du peuple du tribunal Constitutionnel. Comme il est proposé que la promulgation de ces lois par le Président de la République n'excède pas les sept jours différemment des autres lois qui sont promulguées dans la quinzaine.
Le Tribunal constitutionnel n'est lié d'aucun délai (dans le brouillon de la Constitution) dans l'examen de la constitutionnalité des lois proposé par le président de la République après adoption des Conseils élus du peuple, et ceci en dehors de deux situations tenant à l'inconstitutionnalité des lois dont l'étude dure 3 mois au le réexamen de la constitutionnalité des lois qui dure 1 mois. Il convient dès lors de proposer au niveau de l'article 117 le délai d'examen de la constitutionnalité de préciser les délais de l'examen des projets de loi et des lois constitutionnelles et des conventions. Spécifier en somme des délais raisonnables qui n'entravent pas l'action du gouvernement. En plus il est proposé que le Tribunal Constitutionnel procède, si le besoin s'en fait sentir à la révision de la hiérarchie des lois
II- Des choix soulevant certaines
imperfections
1/ Au niveau de la forme !
Dans le brouillon de la constitution certains points ont été traités sans précision et dans un style littéraire. Dans l'article 8 il est spécifié que l'Etat « s'attèle » ( ) alors que dans l'article 12 il « essaie » ( ). Or dans l'article 42, l'Etat «appuie» ( ). Ces termes sont susceptibles de tempérer l'obligation de résultat de l'Etat.
Le brouillon de la constitution a englobé beaucoup de débats inhérents au domaine des lois. Ceci est dicté par le souci de la constitutionnalité des droits dont quelques uns n'ont pas de valeur constitutionnelle comme c'est le cas de l'article 42. Ceci a eu pour effet d'alourdir quantitativement le projet de constitution ( article 146)
On constate le recours presque systématique au mot «Etat » en ce qui concerne les devoirs qui lui sont impartis concernant les droits et les libertés.
Si ceci est plausible sur le plan des droits politiques, ce ne saurait être le cas des lois de 3e et 4e ordres, dès lors que la garantie, la préservation de ces droits et leur renforcement ne doivent pas être uniquement imputés à l'Etat mais à toutes les institutions civiles. Ainsi de l'article 12 concernant la réalisation de la justice sociale, du développement durable, ainsi de l'article 43 concernant le droit à l'eau.
Il a été utilisé des termes ne s'apparentant pas les uns aux autres. Quelquefois c'est le terme la loi dans l'absolu qui est utilisé ( article 2) et parfois on différencie entre la loi et la constitution ( articles 34 et 100). On trouve aussi les termes « société» « l'être » « le citoyen » et la « personne » surtout dans les préambules 1 et 2 du brouillon de la constitution.
Le projet apporte des formules nouvelles pour indiquer des institutions existantes comme «la sécurité nationale» à la place de la « sécurité intérieure » comme la confusion autour de l'appellation du journal officiel. Ceci pose problème quant au fond et à la stabilité de ces institutions à travers leurs appellations