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«La dictature était aux mains du président, elle passe désormais au pouvoir législatif»
Entretien avec : Dr Amin Mahfoudh, professeur de droit constitutionnel
Publié dans La Presse de Tunisie le 12 - 06 - 2013

« On a combattu la personne d'un chef de l'Etat omniprésent pour lui substituer une assemblée despote, avec risques de blocage et d'instabilité.... »
Sur l'identité de l'Etat, la nature du régime, l'équilibre entre les pouvoirs, les droits et les libertés et bien d'autres chapitres, le projet de constitution souffre d'une dualité troublante entre la conception temporelle et universelle de l'Etat et une logique religieuse et identitaire... diagnostiquaient les constitutionnalistes réunis le 7 juin à Tunis autour d'une « lecture du projet du 1er juin ». L'expert Amine Mahfoudh en fait partie. Au regard de la norme constitutionnelle, il décèle pour nous contradictions et incohérences et identifie l'anticonstitutionnalité des dispositions transitoires: « Une négation de la constitution qui ouvre la voie à un Etat de non-droit à durée illimitée... »
L'article 144 stipule que « les dispositions de la constitution doivent être expliquées et interprétées les unes en fonction des autres comme une unité cohérente. » Peut-on dire du quatrième projet de la constitution qu'il atteint cet idéal de cohérence et d'harmonie ?
Je pense que cette disposition est superflue. La cohérence n'est ni une devise, ni un slogan. C'est une réalité qui doit cimenter l'ensemble du texte, et lier ses dispositions. Le fait d'insister afin d'inclure explicitement cette énonciation dans le texte trahit visiblement une frustration. Nul ne peut nier que le 4e projet de la constitution pèche par un manque flagrant de cohérence et que le texte constitue plutôt deux entités paradoxales. Alors, on demande expressément aux législateurs et aux acteurs de la cour constitutionnelle de chercher une cohérence introuvable, car il s'agit bien d'une introuvable cohérence... Généralement, le sens de l'orientation n'est pas du tout clair quant à l'identité de ce texte. Tour à tour, le projet s'ouvre sur les valeurs universelles et se ferme sur l'appartenance à la civilisation arabo-musulmane.
En quoi consistent précisément les incohérences de ce projet et où est-ce qu'elles risquent de donner lieu à des difficultés de compréhension et d'interprétation?
Le premier exemple d'incohérence touche à l'identité de l'Etat. Deux visions contradictoires s'affrontent autour de la philosophie de l'Etat, souveraineté, caractère civil d'un côté et d'un autre côté, on parle de religion d'Etat avec ce que cela implique. Entre l'article 1er, l'article 2 et l'article 141, il y a une contradiction au niveau de la nature même de l'Etat. On a affaire, tour à tour, à l'Etat civil et à l'Etat religieux. Il y a un consensus général autour de l'article 1er. Ce qui est contradictoire, ce sont l'article 2, qui précise que l'Etat est civil, et l'article 141, qui stipule au contraire qu'aucun amendement futur de la constitution ne doit toucher à l'Islam comme religion d'Etat. Ma proposition est simplement d'enlever l'article 2 qui est la demande des démocrates et l'alinéa premier de l'article 141 qui définit la religion de l'Etat suivant la volonté des députés d'Ennahdha. Je propose de retourner à la case départ. L'article 2 me semble inutile puisqu'il redéfinit l'Etat qui est déjà défini dans l'article 1er. Même sur le plan de la forme, il faut identifier l'Etat dans le cadre d'un seul article. Si on enlève ces deux dispositions, il n'y aura pas de menaces sur le caractère civil de l'Etat qui transparaît au niveau d'autres dispositions ; en tout cas, il n'y aura pas plus de menace que si on laissait l'article 141 le contredire en mentionnant clairement la religion de l'Etat. L'objectif étant avant tout de mettre en place un régime démocratique, il est donc préférable d'enlever les articles contradictoires que de laisser place à l'un pour effacer l'autre...
Au chapitre droits et libertés, la superposition des limites et des restrictions risque-t-elle vraiment de retirer d'une main ce qui est donné de l'autre ?
Les droits et les libertés sont garantis dans le texte, mais l'environnement constitutionnel dans son ensemble est asphyxiant. Par exemple, on introduit, pour la première fois, la liberté de conscience. En revanche, on décrète l'Islam religion d'Etat et l'Etat protecteur de la religion et du sacré... Le projet compte par ailleurs beaucoup de limites terrestres aux droits et aux libertés et elles ne sont pas du tout conformes aux standards internationaux. Selon ces standards, les restrictions ne doivent pas être la règle. Elles doivent être elles-mêmes fixées par une loi suivant des critères rigoureux d'obligation et de proportionnalité. Si elle n'est pas obligatoire et proportionnelle, la restriction n'a pas lieu d'être. Ce qui n'est pas le cas dans ce projet.
Il y a aussi incohérence au niveau de la composition de la cour constitutionnelle, qui est en principe le grand garant de la constitutionnalité des lois. Selon l'actuel projet, elle sera composée de deux tiers de juristes et un tiers de non- juristes. Non spécialisés, non outillés, que vont faire ces membres non juristes sinon perturber et altérer l'ambiance, surtout s'ils sont élus sur des considérations partisanes ? Faire des recherches pointues, énoncer et rédiger des jugements constitutionnels est très complexe et exige une grande compétence juridique. Cette composition, de surcroît impaire, ne permettra pas au président de travailler normalement. Il devra trancher et sa fonction sera forcément politique.
Pourquoi les dispositions transitoires prévues au chapitre 10 du projet de constitution suscitent-elles autant de mécontentement ?
Ces dispositions posent un grave problème de temps, un étirement indéfini des délais. Les Tunisiens doivent encore patienter un mois après sa promulgation pour voir la constitution entrer en vigueur, trois ans pour soulever l'exception d'inconstitutionnalité ( touchant les articles 73 et 74 relatifs à la candidature à la présidence de la République), quatre mois pour voir se constituer un gouvernement, quinze jours pour voir voter une motion de censure... Normalement, aucun délai n'est permis. Le problème est que le rédacteur des dispositions transitoires a fait une grave confusion entre l'entrée en vigueur de la constitution et l'application des dispositions constitutionnelles. Il a tout fait pour compliquer l'entrée en vigueur qui coïncide simplement avec la publication au Journal officiel. Je pense que les dispositions transitoires constituent de ce point de vue une négation de la constitution. Elles représentent un non-sens constitutionnel et ouvrent la voie à un Etat de non-droit à durée indéfinie. Précipitation ou stratégie, il faut revoir entièrement ce chapitre qui comporte par ailleurs une atteinte manifeste au principe de la séparation des pouvoirs. Alors que la promulgation et la publication de la constitution relèvent des compétences du président de la République, l'actuel projet y associe les trois présidents et donne au président de l'ANC la responsabilité de sa publication. Juridiquement, c'est une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Politiquement, c'est une sanction à l'encontre du président de la République et un privilège au président de l'ANC pour services rendus. Et c'est dommage que l'on traite ainsi de la norme constitutionnelle...
Depuis la lecture du premier brouillon de la constitution, votre travail a surtout porté sur la nature du régime politique et l'équilibre entre les pouvoirs. Vous soutenez encore que les plus graves contradictions de ce quatrième projet résident autour de ces équilibres... Comment l'expliquez-vous ?
On ne parle plus dans ce projet de la nature du régime, mais on tente de concentrer les efforts sur les mécanismes et les outils de garantie d'un régime équilibré, stable et démocratique. Or, le projet se distingue par une absence totale d'équilibre entre les pouvoirs et verse dans le régime parlementaire absolu, donnant les pleins pouvoirs à l'assemblée et plaçant le gouvernement sous sa tutelle. Là encore, il y a une contradiction entre le préambule et les dispositions, entre l'article 144 qui parle de cohérence et le chapitre en question. Le préambule insiste sur la séparation et l'équilibre des pouvoirs, mais les dispositions créent une panne dans cet équilibre. Le pouvoir législatif peut destituer le chef de l'Etat, déposer une motion de censure contre le gouvernement, retirer sa confiance à l'un des membres du gouvernement. En contrepartie, il fallait donner à l'exécutif les pouvoirs équivalents. Ce qui n'est pas le cas. La seule possibilité dont dispose l'exécutif pour dissoudre le parlement, c'est lorsqu'il n'arrive pas à former un gouvernement. D'où l'impossibilité de dissolution du parlement sauf après des élections et la formation d'un nouveau gouvernement, alors que dans les régimes parlementaires, le gouvernement a le droit de poser la question de confiance et de dissoudre le parlement par motion de censure. La lecture du projet montre au final qu'on a simplement combattu la personne d'un chef de l'Etat omniprésent pour lui substituer un parlement despote. Pour l'anecdote, si le pouvoir législatif venait, par malheur, à détenir « des armes » à l'encontre du pouvoir exécutif, ce dernier serait dans l'incapacité de stopper l'opération...
A mon avis, le centre de gravité de l'autoritarisme s'est simplement déplacé du président et du pouvoir exécutif vers le pouvoir législatif, laissant place à de grands risques de blocage et d'instabilité. A cela, il faut ajouter que, selon le projet, il n'existe pas de chef de l'exécutif. Résultat : la dictature était aux mains du président, elle passe désormais du côté du pouvoir législatif.


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