La nuit du 29 et 30 juillet 2013 n'était du tout repos pour toute la Tunisie. Une énième nouvelle foudroyante plonge le peuple tunisien dans la terreur. Une fois de plus, le terrorisme frappe à nos portes et nous vole huit de nos intrépides et vaillants agents de l'Armée lors d'une embuscade des terroristes. Un acte cruel survenu juste après le discours du Chef du Gouvernement provisoire Ali Laârayedh, vivement contesté par une grande majorité des Tunisiens. La nouvelle est tombée alors que les gens étaient déjà par milliers à la Place de Bardo. Une fois de plus, les manifestants se sont donné rendez-vous avant la rupture du jeûne pour soutenir et les sit-inneurs surtout après ledit discours. Un discours qui a enflammé la foule Plus déterminé que jamais, les manifestants se sont rassemblés en dizaine de milliers à la Place de Bardo. Indignés, les citoyens se sont dirigés devant l'ANC pour montrer leur soutien à la cause qu'ils partagent avec les sit-inneurs et les élus insurgés. Un grand élan de solidarité et de fraternité a marqué les lieux. Des centaines de personnes, femmes, hommes et enfants ont afflué ramenant des plats amoureusement préparés. La nourriture et les boissons étaient à profusion. Or, contraint par le blocage des lieux de la veille, le comité de logistique a dû déménager derrière les lieux du sit-in et a squatté un trottoir où les membres ont dressé les tables et les cartons. Une complicité joyeuse dominait sur les lieux. De grandes quantités de mets en pâtes, en soupe, en spécialités tunisiennes garnies venaient de toutes parts. On a pensé à tout ! Les dattes, le plat principal, en passant par les desserts, les boissons, les yaourts, le pain et même le «shour». Des bénévoles se proposaient d'aider à distribuer la nourriture. Chacun a mis sa main à la pâte, armé de son sourire et de son amour pour son prochain. La distribution des plats a commencé bien avant la rupture de jeûne pour qu'au moment de l'appel à la prière tout le monde soit servi. Le moment venu, plusieurs jeunes bénévoles et manifestants ont donné aux forces de l'ordre des plats, des mets et de quoi s'hydrater. On souriait timidement, on se remerciait et se souhaitait un bon appétit tout en ayant au fond peur que plus tard, la situation ne dégénère et que le frère en noir ne devienne le bourreau parce qu'il aurait reçu l'ordre de frapper… Les cafés d'à côté se sont prêtés au jeu et ont même offert leurs terrasses aux jeûneurs pour s'attabler et manger ce qu'on leur a ramené pour la rupture du jeûne. Après quoi, des jeunes et des enfants circulaient entre les manifestants, sacs de poubelle à la main pour y jeter les bouteilles, les plats et les couverts en plastiques, les gobelets et les restes. On pouvait facilement compter par milliers ceux qui étaient sur place dans les environs de 19H30. Le nombre grandira trois ou quatre fois plus le soir. Ce n'est que vers 20H30 que la nouvelle a commencé à circuler : huit soldats ont été tués par balles dont quelques uns égorgés post mortem ! L'information tomba comme la foudre sur les présents ! La tristesse, le choc, l'affliction et la révolte s'entremêlaient. Les visages blêmis par une pareille catastrophe, se rembrunirent. Lasses au départ, la foule ressurgit sur le champ, plus indignées, plus révoltées. Le nombre des manifestants quadruplait. On pouvait facilement compter dans les 40 mille personnes présentes. La tension était à son summum. Tout le monde était sur les nerfs et sur le qui-vive. A un moment donné, avant que la nouvelle ne circule, du côté des fils barbelés, un taxi passa juste devant nous et essaya de se frayer un chemin dans la foule. A l'intérieur, le chauffeur portait une longue barbe et avait le crâne rasé. Il n'était pas en fonction. Les gens alentour ont paniqué et certains l'ont même poursuivi. Parce que comment le taxi pouvait se trouver là au milieu de la foule et de la route alors que tous les accès et toutes les routes menant à la Place étaient barrées et surveillées par la police ? En s'en rendant compte, un des policiers qui se trouvait à proximité, quitta ses collègues et poursuivant en courant le «taxiste» qui avançait mine de rien. Il ordonna au conducteur de rebrousser chemin et de partir de suite. L'ambiance générale était à la révolte, clamant la dissolution de l'ANC et la constitution d'un gouvernement de salut national. On pleurait l'armée et vilipendait le discours du chef de Gouvernement qui était considéré comme menaçant par les présents et qui se focalisait sur la lutte contre le terrorisme. Pour toute réponse, le trépas sauvage et inhumain a encore frappé notre armé juste après ledit discours. Un jeune homme circulait avec un cercueil en carton où on annonçait les condoléances du parti islamiste Ennahdha. Il sillonnait les rues et la Place. A un moment donné, une altercation a eu lieu entre des forces de l'ordre et un individu qui faisait semblant d'être un des leurs. Il a été de suite encerclé par les policiers et les citoyens qui étaient à proximité. Arrêté, ce dernier a été conduit dans la fourgonnette des policiers. Une cinquantaine de personnes ont envahi la Place venant à pieds. Sur le pied de guerre, les présents les regardaient méfiants et s'apprêtant à les attaquer au cas où ils seraient des milices. Il s'agissait en fait, de Hamma Hammami et ses sympathisants. Plus tard, une longue file dont le leader n'était autre qu'Ahmed Néjib Chebbi escorté, se joignit à la foule. Quant au député rebelle Samir Taïeb, il était entouré de temps à autre par des gens qui l'encourageaient à tenir bon et à ne point céder. Ayant du mal à tenir debout puisqu'il est sur place depuis le début du sit-in, on allait lui ramener une chaise, vu que deux jours avant, les policiers avaient tout saccagé. Toutes les artères, grandes comme petites de Bardo étaient jonchées de citoyens enveloppés du drapeau tunisien parlant politique, terrorisme, espoir et détermination. D'ailleurs, la nuit du 30 au 31 juillet 2013, les manifestants ont prévu d'allumer des bougies sur la Place de Bardo juste à côté du fil barbelé face aux forces de l'ordre en écrivant le mot «Tounes» en lettres arabes. Une minute de deuil et de silence en hommage aux 8 martyrs de l'armée sera observée et à laquelle répondent les appels aux sit-in à Paris Place Trocadéro en France et à Heidelberg en Allemagne.