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Sit-in du Bardo:L'émotion et la violence au rendez-vous
Reportage
Publié dans Le Temps le 30 - 07 - 2013

Depuis l'assassinat politique de Feu Mohamed Brahmi, paix à son âme, la Tunisie est de nouveau aux prises des soubresauts sociopolitiques et ne vit, depuis quatre jours, que sous le rythme affolant d'une kyrielle de manifestations et d'insurrection massive dans plusieurs gouvernorats.
Survenu un 25 juillet 2013, jour de la fête de la République, l'assassinat foudroyant de l'élu Mohamed Brahmi a remis le doigt sur la plaie et a ravivé la colère populaire de plus en plus grandissante chez les Tunisiens contre le rendement et le travail de l'Assemblée nationale constituante. Les séances ont été, d'ailleurs, suspendues et le cours normal des travaux et de leur avancement a été bloqué depuis, pour ne reprendre qu'hier dans un total tumulte.
En effet, ça grondait et criait en face du siège de l'ANC et ce, depuis le second crime tragique d'un des opposants au pouvoir. Les voix s'élèvent et s'insurgent clamant la dissolution de l'Assemblée et le départ du gouvernement provisoire actuel dont la légitimité est finie depuis presqu'un an, disent les manifestants. Des centaines de milliers de Tunisiennes et de Tunisiens viennent occuper tous les soirs la Place de Bardo face à l'Assemblée. Chaque soir ramène son lot de soubresauts en élan citoyen, en tensions, en agression, en fraternité et en détermination.
Depuis le samedi dernier, jour des funérailles de l'élu Mohamed Brahmi, depuis l'avenue Habib Bourguiba, les manifestants se sont dirigés vers l'ANC pour camper devant et appeler à la dissolution de l'ANC.
Les appels au rassemblement se faisaient via les réseaux sociaux et du bouche à oreille. Le nombre des manifestants s'agrandissait de jour en jour malgré la canicule, le jeûne, le risque des agressions gratuites de part et d'autres. Comme tout mouvement spontané, le sit-in a connu au départ une grande confusion en termes d'organisation et de logistique. Aucune structure sur place pour orienter les gens. On appelait sur place via le net les gens à venir en masse pour aider en eau, vivres, tentes, matelas et hygiène. Des milliers de citoyens se sont rassemblés samedi soir devant l'ANC. Bougies à la main en mémoire du défunt, enveloppés du drapeau tunisien, femmes, enfants et hommes criaient leur haine contre la violence qui s'est abattue sur leur pays. Ils affichaient des banderoles dénonçant le crime, le gouvernement provisoire actuel et les forces occultes qui assassinent froidement tout opposant au pouvoir. L'on voyait partout le portrait de notre regretté Mohamed Brahmi, dans des affiches, t-shirts, autocollants et drapeaux accompagnés de divers slogans qui appellent à la lutte.
La tension était prévisible, les agressions policières aussi. Les gens affluaient de toutes parts avant la rupture du jeûne pour ramener des approvisionnements en eau et nourritures aux jeunes et moins jeunes jeûneurs sur place depuis deux jours. Certains restaient même sur place à la rupture du jeûne pour partager ensemble le dîner et soutenir les sit-inneurs. Néanmoins, si l'ambiance était presque festive durant toute la soirée, perdant leur sang-froid et leur patience, fatigués et tendus, les forces de l'ordre qui était sur place, finissaient par disperser cette foule énorme et grandissante à coup de lacrymogène et matraques vers une heure tardive. Sur place, Le Temps a vu des policiers persécuter les manifestants à l'aube jusque dans les ruelles de tout Bardo allant même jusqu'à Bouchoucha et le quartier appelé 20 mars (quartiers à proximité de l'ANC). A pied, en voitures, sur des motos ou dans les fourgonnettes, ces derniers pourchassaient les gens jusqu'à la levée du jour. Sur place où le sit-in a lieu, leurs collègues détruisaient et saccageaient les tentes et les chaises et frappaient à coup de pieds tout ce qu'ils croisaient humains, objets, nourritures. Les habitants du Bardo, même les rares qui sont restés chez eux ou qui dormaient ont pu respirer à plein poumons le gaz lacrymogène.
Une rupture de jeûne collective au Bardo
Fils barbelés, barrages policiers et menaces circulant sur facebook. Des jeunes et des députés agressés. Voici le bilan de deux jours de sit-in. Pourtant, déterminés à jamais et intrépides, les gens se sont tendus spontanément la main et ont appelé à une rupture de jeûne collective sur la Place de Bardo face à l'ANC. On était 19h15 quand Tunisiennes et Tunisiens, jeunes et moins jeunes, ont afflué sur la place. D'énormes quantités de nourriture et d'eau à la main. L'on voyait ce grand-papa ayant du mal à marcher mais couffin à la main se dirigeant vers les jeûneurs et les sit-inneurs. Ces mamans qui ont préparé des mets qu'elles aimeraient partager avec sa grande famille, la famille tunisienne. Ces couples qui, accompagnés de leurs enfants et de leurs beaux-parents venus couffins et sacs à la main pour rendre hommage à un martyr de la nation en honorant ceux qui dénoncent son assassinat.
Un grand élan de solidarité a tissé sa toile dans ce lieu, désormais, hautement emblématique. Les mains se tendaient timides, silencieuses accompagnées d'un sourire pudique mais contagieux. Tu entendais ces voix qui demandent : «Qui n'a pas mangé ? », «Qui veut de l'eau ?», «Qui a encore faim ?», «Qui a encore soif ?». Des jeunes se faufilaient entre les gens assis sur des tapis, des serviettes ou des draps amenés par leurs compatriotes ; distribuaient dans des petits cartons : dattes, lait, briks et tout ce qu'ils ont pu ramener ou préparer chez eux. Chacun avec les moyens du bord. On occupait les marches de la place, on entourait un palmier, on formait des cercles et partageait la bouffe avec des gens que l'on ne connaissait pas. On se souriait, partageait la nourriture et fredonnait : «La Tunisie est libre !», «La Tunisie est tolérante», «Martyrs reposez en paix, nous continuerons la lutte !» et bien d'autres slogans qui ne rappellent que trop l'ambiance régnante des deux sit-in de la Kasbah et ceux du Bardo. Même si, aujourd'hui, certains se plaisent à dire sur les réseaux sociaux qu'il s'agit d'un sit-in de bourgeois et d'aristocrates qui «se la jouent révolutionnaires et militants».
Parmi les manifestants, l'on distinguait les députés rebelles et sit-inneurs, les opposants et plusieurs figures de la société civile venus en nombre soutenir les sit-inneurs. Un aura chaleureux, bienfaiteur, hospitalier régnait sur les lieux, comme un baume sur le cœur abolissant les maux d'hier, l'appréhension de demain et la peur pour le devenir de la patrie. Une fraternité qui atténue les agressions injustes de la veille, la dissension, désormais, patente dans a société tunisienne tiraillée et née des luttes politiques existantes. Le rassemblement a compté dans les 30 mille ou plus de personnes. Une vague humaine a occupé la Place du Bardo. A l'aube, une fois les manifestants partis, la cinquantaine qui était encore sur place en soutien aux si-inneurs, ont de nouveau été agressivement attaqués par les forces de l'ordre à 4h du matin. Cette vague de violence a de nouveau fait des blessés : un jeune de 20 ans a été piétiné par une voiture de police et a failli perdre ses jambes. Un député insurgé, Noomène Fehri, voulant protéger les sit-inneurs attaqué par la police, se croyant à l'abri (avec son statut d'élu) a été à son tour agressé au niveau de sa nuque et de son crâne.
Les présents n'arrivent pas à s'expliquer une telle violence de la part des policiers, surtout que le sit-in a été autorisé par le ministère de l'Intérieur, il y a 4 jours de cela, après une rencontre faite avec le ministre de l'Intérieur et les élus qui se sont retirés de l'ANC. Il est à rappeler que dans les deux soirées où la police a recouru à la violence, Sahbi Atig et Rafik Bouchleka ont été sur place pour donner des discours à leurs sympathisants qui se trouvaient de l'autre côté du rassemblement. Après quoi, certains individus ont commencé à lancer des pierres sur et la police et les manifestants. Les forces de l'ordre, contraints ou ayant reçu des instructions, ont attaqué tout le monde, agresseurs et agressés.
Le sit-in légitime et expression d'une volonté populaire, maintes fois réprimé continue jusqu'à l'écriture de ces lignes.


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