C'est sans doute l'une des plus belles expositions à voir cet été, Miró, l'Arlequin artificier, une grande rétrospective consacrée à l'artiste catalan pour le 120e anniversaire de sa naissance. Cela se passe non pas à Barcelone ou à Paris comme on aurait pu l'imaginer, mais à Landerneau en Bretagne, jusqu'au 3 novembre. Landerneau, à peine 16 000 habitants, accueille la plus grande rétrospective Miró depuis celle réalisée en 2004 au centre Pompidou à Paris. C'est dans cette petite ville du Finistère que Michel Edouard Leclerc, le roi de la grande distribution, a grandi, c'est aussi là que ses parents ont ouvert leur premier magasin à la fin des années 1940. Il y a un an, le patron des hypermarchés a inauguré dans un ancien couvent réhabilité du XVIIe siècle, le fonds Hélène et Edouard Leclerc dédié à l'art contemporain et entièrement financé par des mécènes privés. Un nom, une popularité, une notoriété Cette rétrospective Miró est évidemment un coup de projecteur extraordinaire pour cette jeune institution et une manière de gagner en légitimité dans le milieu de l'art pour Michel Edouard Leclerc : « J'ai rêvé d'une rétrospective Miró à Landerneau, il y a un an, quand on a constitué le fonds Hélène et Edouard Leclerc. Je pensais que cela mettait plus de temps pour y arriver, explique Edouard Leclerc et continue : Leclerc est un nom, une popularité, une notoriété. Cela nous a permis d'avoir des prêts de grands musées. Maintenant, il faut gagner aussi une légitimité artistique de manière à ce que les collectionneurs qui ont acheté très cher des tableaux ou qui ont des raretés nous les prêtent en imaginant qu'ils ne seront pas dévalorisés. » Toute la poésie de Miró C'est une exposition particulièrement foisonnante. 470 œuvres de la deuxième partie de la vie de Miró sont montrées au public : sculptures, céramiques, gravures et bien sûr peintures, profusion de formes, de couleurs qui font exploser les mille mètres carrés de surface d'exposition. On y retrouve toute la poésie de Miró notamment à travers le langage pictural qu'il a inventé. « L'étoile, le soleil, la lune, l'arbre, des signes abstraits, des personnages hybrides, homme-animal, femme-homme, analyse Olivier Kaeppelin, l'un des commissaires de l'exposition. Cela fait partie de son univers, mais il ne l'assemble jamais de la même manière. Il disait une chose très intéressante : “moi, quand je m'exprime, je n'ai ni grammaire, ni syntaxe“. » Il y a de la musique dans ces peintures. Les tableaux de Miró peuvent se lire un peu comme des partitions, avec ces symboles qui sont autant de notes sur une portée. Il faut savoir que l'artiste catalan ne jurait que par le rythme ! Un exemple avec l'un des tableaux exposés représentant une danseuse. « Ce qu'on voit surtout, c'est de la danse, décrit Kaeppelin. La danse qui est incarnée par un trait d'une liberté extraordinaire. Miró disait : il faut chercher tout ce qui est rythmé. Parce qu'il y a des tâches, des chocs… cela éclabousse. Donc par rapport au titre de l'exposition, c'est effectivement un artificier. Miró adorait à la fois la musique classique, à la fois la sardane [une danse traditionnelle catalane, ndlr], la musique de la danse de son pays, mais c'était surtout quelqu'un de très proche des musiciens contemporains : de John Cage jusqu'aux choses les plus simples ou des morceaux de jazz. » Ce qui marque aussi dans l'œuvre de Miró c'est sa dimension métaphysique. Miró disait un brin d'herbe avait autant d'importance qu'une montagne, une philosophie que l'on retrouve dans sa peinture à travers ces jeux d'échelle, où l'infiniment grand côtoie l'infiniment petit.(MFI)