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«Il y a une politique méthodique qui refuse toute initiative de réformer le journalisme tunisien»
L'invité du dimanche: Kamel Laâbidi, ex président de l'INRIC (Instance Nationale pour la Réforme de l'Information et de la Communication) :
Publié dans Le Temps le 25 - 08 - 2013


Entretien conduit par Faouzi KSIBI
Décidément, les incursions des politiques dans le champ médiatique n'ont pas de fin avec le gouvernement de la Troïka,
étant donné que leur cadence s'accélère dans cette conjoncture de crise qui, visiblement, représente le moment propice pour procéder à de nouvelles nominations. Le parti dominant au sein de la coalition gouvernementale profite, donc, de l'agitation politique et sociale qui atteint son paroxysme et dont il se sert comme paravent essayant de faire passer ses projets en catimini et de renforcer sa position par le biais d'un gouvernement qui s'écroule tel un château de cartes. Cette fuite en avant prend des proportions démesurées, vu que ce dernier empiète largement sur le domaine réservé de la HAICA en s'appropriant toutes les prérogatives qui lui sont accordées par la loi. De tels abus sont de nature à empêcher cette instance de mener à bien sa besogne et nous font revenir à l'esprit l'expérience de l'INRIC dont notre invité était le président et dont il a annoncé la fin de mission le 4 juillet 2012 dans des conditions presque similaires.
• Le Temps : comment vous évaluez la scène médiatique ?
-M Laâbidi : elle aurait pu être meilleure, mais cela n'a pas pu se produire pour des raisons aussi bien intrinsèques qu'extrinsèques. Tout d'abord, il n'échappe à personne que le secteur de l'information dans notre pays souffre de quelques imperfections dues aux longues années de la dictature et les journalistes, qui en sont parfaitement conscients, ont toujours réclamé l'instauration de la formation continue pour pouvoir améliorer leur rendement. Les nouvelles autorités ne les ont pas aidés à dépasser cet écueil bien au contraire, elles ont tout fait pour empêcher l'information d'évoluer et faire main basse dessus à travers les nominations dans les établissements publics en l'absence de critères transparents et ce dans la télévision et la radio tunisiennes, l'agence TAP et la SNIPE (La Presse et Assahafa). Et le sit-in devant le bâtiment de la télévision nationale qui a duré près de deux mois est la parfaite illustration de ce coup de force visant à s'inféoder les médias. Néanmoins, la meilleure leçon donnée aux autorités était celle infligée par Dar Assabah où elles ont voulu imposer quelqu'un qui n'avait pas le profil requis, c'est-à-dire ni les compétences, ni la longue expérience pour pouvoir diriger un établissement aussi important. Et quand les employés ont manifesté leur refus de cette désignation, le gouvernement a réagi comme à l'accoutumé par dédain en avançant que sa décision était irrévocable. Mais, le mouvement entrepris par le personnel et bénéficiant d'un large soutien de la part de la société civile a fini par donner raison aux grévistes et par le faire revenir sur sa décision. L'action militante des premiers était héroïque et restera dans les annales du journalisme tunisien et la défaite de ce dernier était cuisante. Les attentes du personnel n'étaient pas prises en considération et les réformes tant souhaitées n'étaient pas entreprises, ce qui dénote d'une volonté délibérée de la part du gouvernement à amener cet établissement au bord de la faillite comme si c'était une manière de les punir pour avoir osé défendre la liberté de la presse et leur entreprise dont l'histoire est liée à la lutte pour l'indépendance et qui a résisté aux différents sièges qui lui ont été imposés à la suite de sa cession au gendre du président déchu. Cette histoire rayonnante et la liberté nouvellement acquise ont fait naître, chez son personnel, une volonté tenace de la rehausser davantage.
• Est-ce que le gouvernement a essayé d'établir des ponts avec l'INRIC que vous présidiez et de la consulter à propos des problèmes du secteur?
-Pas du tout ! Au lieu de prêter l'oreille aux gens du métier et en particulier à l'INRIC, le gouvernement a fait preuve d'arrogance et montré une incapacité à écouter l'opinion contraire qu'il méprisait exactement comme il mésestimait toutes les initiatives et les recommandations présentées par l'instance de réforme au mois de décembre, c'est-à-dire un mois seulement après son entrée en exercice. Cette hostilité envers les journalistes, qui était alimentée par les éléments rigides du mouvement Ennahdha et dont le but était de les intimider, s'est exprimée par des actes violents tels que l'emprisonnement du journal Ettounsia et de Sami Fehri, malgré son acquittement par la plus haute juridiction, ainsi que le jugement du patron de la chaîne de télévision Nessma. La séparation des pouvoirs est, pour le parti au pouvoir, un simple slogan.
• Est-ce que les autorités ont réussi à atteindre le but poursuivi, selon vous ?
-Leurs tentatives réitérées de faire peur aux journalistes étaient vaines et seront toutes vouées à l'échec. Manifestement, elles ont la mémoire courte et oublient que même Ben Ali n'a pas réussi à le faire. Si elles s'étaient renseignées auprès de l'histoire, elles auraient appris que les journalistes ont toujours lutté pour leur liberté d'expression et fait face au pouvoir politique que ce soit à l'époque du colonialisme ou bien après et qu'ils ont payé un lourd tribut pour avoir défendu leur indépendance. Certains d'entre eux ont été incarcérés et d'autres ont même fait l'objet d'expatriation en 1911. Donc, le secteur journalistique a, depuis longtemps, connu un processus militant qui s'est, bien sûr, affaibli surtout au temps de Ben Ali. Mais après le 14 Janvier, il y a eu cette émancipation inédite à laquelle les Tunisiens dont les journalistes ne sont pas prêts à renoncer en dépit des démarches intensifiées s'efforçant à mettre la main sur les médias publics comme je l'ai expliqué plus haut. Il est évident qu'il y a une politique méthodique qui refuse toute initiative de réformer le journalisme tunisien. Il y a un manque de clairvoyance flagrant mêlée d'arrogance chez le gouvernement qui voit dans le pouvoir un simple butin et rien d'autre.
• Partagez-vous l'avis de ceux qui pensent que la grève générale d'octobre dans le secteur médiatique a marqué un tournant décisif dans les rapports avec le gouvernement ?
-Absolument ! Lors de cette grève, qui était une première non seulement dans l'histoire de la Tunisie mais également dans celle du monde arabe, les journalistes ont transmis un message selon lequel ils étaient prêts et déterminés à défendre la liberté d'expression en réclamant haut et fort l'activation des décrets-lois 115 et 116 et ils ont réussi à obtenir gain de cause en arrachant ce droit aux autorités. A propos de ces textes de loi, je dirai qu'en dépit de leur imperfection, ils constituent un nouveau palier franchi sur la voie de la réforme de la presse dans notre pays et ce de l'avis de l'UNESCO et des NU. Il faut reconnaître, toutefois, que la responsabilité de cette non-activation est partagée, en ce sens qu'elle n'incombait pas seulement aux autorités mais certains journalistes en assumaient aussi une part soit par calculs soit par ignorance de ces textes et de l'expérience de quelques pays dans le domaine de la liberté de la presse. Certains médias transgressaient non seulement les règles du métier mais également sa déontologie en ne représentant qu'un seul point de vue faisant, par là, du tort à la profession qu'ils exercent et donnant l'opportunité aux ennemis de celle-ci de s'attaquer aux journalistes comme s'ils étaient tous responsables de tels dérapages. Le gouvernement a profité de cette ambiance hostile pour retarder la naissance de la HAICA dont l'indépendance le dérangeait énormément. Mais grâce aux luttes menées par le SNJT, le syndicat général de la culture et l'information et la coalition civile pour la défense de la liberté d'expression, l'instance de l'audio-visuel a pu en fin voir le jour.
•La HAICA dispose-t-elle vraiment de moyens qui soient susceptibles de lui permettre d'exercer comme il se doit la fonction dont elle est investie?
-Pas vraiment, car en dépit de l'intervention du gouvernement dans sa composition, elle ne jouit pas de conditions de travail favorables, ce qui réduit le champ de son intervention et rend sa tâche stérile. Il ne peut pas en être autrement quant on empiète sur les prérogatives qui sont le siennes comme vient de le faire le gouvernement en nommant des directeurs dans cinq radios nationales sans prendre son avis violant ainsi l'article 19 aliéna 5 du décret-loi 116 qui stipule que « La HAICA est chargée d'émettre des avis conformes concernant la nomination des présidents généraux des établissements publics de la communication audio-visuelle ». Ces décisions émanent du PDG de la radio nationale qui n'a fait, en fait, qu'appliquer les ordres qui lui étaient intimés par la Kasbah, étant donné qu'il est, à son tour, désigné de manière dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle ne répond pas aux règles de la bonne gouvernance. Il est établi d'une façon indubitable que toutes les nominations se font sur la base de l'allégeance et de la loyauté partisane avant toute autre chose. Et le comble c'est la création d'une commission commune entre le gouvernement et la HAICA en vue d'unifier la lecture du décret-loi 116, ce qui constitue une immixtion flagrante dans le travail de celle-ci pour l'affaiblir. A ce que je sache, le gouvernement n'est pas une faculté de droit. Des pratiques pareilles empêchent, à coup sûr, l'évolution de tous les secteurs publics y compris celui de la presse qui a besoin d'indépendance pour s'épanouir. Nous avons rendu compte de cette réalité au président de la République, au président de l'ANC et à l'ex chef du gouvernement, mais malheureusement toutes ces remarques que nous avons formulées et tous les conseils que nous leur avons prodigués n'ont pas été pris en considération.
-Doit-on comprendre par là que vous êtes pour le départ du gouvernement ?
-Effectivement, ce gouvernement a essuyé un échec total sur tous les plans et en particulier aux niveaux économique et sécuritaire, et la règle dit que lorsqu'un gouvernement échoue, il doit présenter sa démission et partir. C'est un gouvernement qui ne jouit pas de respect et malgré cela il s'agrippe au pouvoir. Son obstination fait planer la menace égyptienne sur nos terres et il continue à faire comme si de rien n'était. La Tunisie qui était un exemple à suivre dans sa révolution doit l'être également dans la transition démocratique. Pour ce faire, le devoir du gouvernement c'est de retenir la leçon de tout ce qui s'est passé et se passe encore afin de faire sortir le pays de la crise en améliorant le pouvoir d'achat du citoyen et en lui rendant la sécurité qui est menacée par la violence qui se propage partout. Mais sans un gouvernement qui soit capable d'assurer ces conditions et sans un journalisme qui soit indépendant à son égard, il n'est pas possible de satisfaire ces revendications majeures. On pensait que ce gouvernement issu d'élections libres et démocratiques allait jouer un rôle de leaderschip dans la région arabe, en particulier dans le domaine médiatique, mais malheureusement il nous a déçus sur toute la ligne et ses pratiques constituent un affront qui lui est collé à jamais.
• Quelles sont ces médias qui incitent à la violence et la discorde et pourquoi la HAICA ne joue pas son rôle et n'intervient pas pour les rappeler à l'ordre?
-Les chaînes en question sont surtout Al Zeitouna, dont le patron est un membre de la choura et le fils du ministre de l'enseignement supérieur, et Al Moutawassat. Le pouvoir a encouragé leur constitution en dehors de tout cadre juridique, c'est-à-dire en enfreignant la loi. Il est clair qu'à travers ces procédés illicites- dont même ben Ali n'a pas fait usage, puisqu'il veillait à donner une allure légale sur la base de quelques textes de loi aux autorisations qu'il accordait aux Chaînes de télévision et aux stations de radio- les nouveaux dirigeants comptent instaurer un Etat théocratique, leur projet est enfin dévoilé et ses contours se précisent de jour en jour. Il est vraiment regrettable qu'après le 14 Janvier au lieu d'empêcher les violations de la loi, on les encourage. L'intention du gouvernement c'est de créer des médias alternatifs, car ses dirigeants ne croient pas au rôle de l'information publique et à son indépendance autrement ils auraient encouragé sa réforme. La Tunisie mérite bien de bénéficier des règles de la bonne gouvernance à l'image des pays démocratiques, et là, je ne parle pas de la Suède qui est le premier pays au monde à avoir accordé la liberté de la presse, mais de pays qui ont réussi la transition démocratique comme l'Indonésie, l'Afrique du Sud, l'Espagne, le Portugal et ceux de l'Europe de l'est tels que la Tchéquie, la Slovaquie, la Pologne… Si les dirigeants de Ennahdha ont une réelle volonté de faire éviter aux médias de tomber dans le bourbier de la violence, qu'ils laissent la HAICA faire son travail et participer à réviser les nominations qui ne respectent pas les critères objectifs et qui sont faites suivant des considérations tout à fait partisanes. Tant que les choses sont ainsi, tant qu'on ne lui fait pas bénéficier de conditions favorables, tant que ses prérogatives sont confisquées et son indépendance n'est pas renforcée, la HAICA ne pourra jamais remplir ses fonctions. Personnellement, je doute fort que les éléments influents au sein des nouvelles autorités ne laissent cette instance agir en toute liberté. D'ailleurs, cette attitude était prévisible, puisque, lors de la première réunion entre les deux parties, le gouvernement insistait sur les avantages des membres comme si c'était la question la plus importante pour une instance qui a besoin plutôt d'indépendance pour pouvoir accomplir sa mission.
• Pourquoi, selon vous, les nominations à la tête des cinq radios publiques interviennent-elles à ce moment précis ?
-Comme vous le savez, en politique, il n'y a pas de place au hasard et il est clair que les calculs politiques dominent et prennent le dessus sur toutes les autres considérations. C'est ce qu'on doit comprendre lorsque le gouvernement procède à la nomination de PDG au mois de janvier 2012 de manière précipitée et avant même la mise en place de critères de choix, au mois de juillet de la même année dans quelques radios, et quand on remplace le PDG de la radio nationale, M Habib Belaïd, d'une façon irrespectueuse qui ne sied pas à un pays indépendant, par quelqu'un dont la compétence et la capacité à diriger une institution aussi importante ne sont pas attestées. Les considérations politiques sont évidentes ; par le biais de ces nominations, le parti au pouvoir tend à dominer les médias pour servir un agenda partisan surtout dans cette conjoncture de crise et faire prévaloir ses positions en les médiatisant à outrance. Mais, il lui échappe que faire appel à des individus qui lui sont dévoués et complètement soumis à son bon vouloir.
• Au regard des atteintes répétées portées aux prérogatives de la HAICA, peut-on s'attendre à un scénario semblable à celui de l'INRIC que vous présidiez et qui s'est auto-dissoute ?
-Malgré les interventions du gouvernement dans sa composition et les pressions qu'il a exercées et qui ont accompagné son enfantement, on est tous unanimes à considérer que la HAICA est un acquis très important qui permettrait de faire évoluer l'audio-visuel. Cependant, je crains fort que les immixtions dans ses prérogatives et le fait que ses décisions, ses rapports et ses communiqués, dont l'application reste bien entendu du ressort des pouvoirs exécutif et juridique, ne soient pas pris en considération et que, par conséquent, ses membres se trouvent dans l'impossibilité de continuer la tâche qui leur est dévolue. Dans ce contexte très difficile caractérisé par l'absence d'une volonté politique sincère, il est impératif que la société civile et les partis qui prétendent être démocratiques apportent leur soutien à la HAICA. On voit tous les jours comment des chaînes de télévision incitent non seulement à l'acte politique, mais aussi à la violence et à la discorde et participent ainsi de manière flagrante à semer la division au sein de la société et les germes de la guerre civile sans que l'instance de l'audio-visuel ne puisse intervenir pour les ramener à l'ordre et leur imposer les règles de la bonne conduite. Dans les pays démocratiques, il n'existe pas de chaînes de télévision partisanes, les politiques ne doivent en aucun cas jouer un rôle médiatique, il faut qu'ils laissent ce domaine à ses vrais acteurs pour l'animer et le meubler avec des moyens purement professionnels. Je rappelle que dans les recommandations que nous avons présentées dans le cadre de l'INRIC aux parties concernées, nous avons insisté sur la nécessité de refuser l'autorisation à tout demandeur dont le but est de servir les intérêts d'un parti politique ou d'un mouvement religieux. Et je suis persuadé que ce sont ces raisons qui se trouvent derrière l'attitude du gouvernement qui rejette toute consultation de la HAICA et toute négociation avec elle.
• Est-ce que vous considérez que la chaîne Al Hiwar Ettounsi de M Tahar Ben Hassine incite à la violence comme le prétend le gouvernement ?
-Tout d'abord, en ma qualité de journaliste et de militant des droits de l'homme, je ne peux tolérer qu'on porte atteinte à un collègue. Toutefois, et comme je viens de le souligner, il est inconcevable, pour moi, qu'une chaîne de télévision soit le porte-parole d'un parti politique ou d'un mouvement religieux, et je ne fais d'exception pour personne, si l'on veut protéger le secteur contre toutes les dérives et contribuer à informer le citoyen sur tout ce qui se passe autour de lui. C'est la vocation des médias publics dont l'indépendance et l'objectivité constituent le socle ; pour ce qui est des chaînes privées, la règle est très simple : se conformer au contenu des cahiers des charges. Dans tous les cas, les journalistes sont tenus d'observer à la lettre les règles du métier, il faut apprendre à ne pas confondre les activités médiatiques et politiques. Al Hiwar Ettounsi est une chaîne associative qui est au service du citoyen sans arrière-pensée, ni partisane, ni politique. Mais, l'amalgame qu'elle connaît actuellement est dû à la crise amplifiée par l'échec du gouvernement et son attachement au pouvoir sans se soucier le moins du monde des pertes que cela pourrait occasionner pour la Tunisie. Dans cette conjoncture extrêmement délicate et fragilisée davantage par l'obstination du parti majoritaire au sein de la Troïka, les choses s'obscurcissent et les concepts s'enchevêtrent . M Tahar Ben Hassine voit qu'il agit dans le cadre de la liberté d'expression, alors que les autorités considèrent cela comme étant une incitation à la violence. Si les journalistes se donneraient comme priorité de rapporter les points de vue des hommes politiques, d'éclairer l'opinion publique aussi bien sur leurs CV que sur leur degré de crédibilité et de transmettre des informations, ils aideraient le pays à sortir de la crise et contribueraient à la réussite de la phase transitoire».


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