A son retour au pouvoir en 58, le Général De Gaulle était apostrophé par sa fille : « vous voilà redevenu, père, l'homme le plus puissant de France »… « Oui rétorquait l'homme de juin, mais après le juge d'instruction ! ». Limitation des pouvoirs du Président de la République face à l'extension, de facto, des prérogatives des juges : le lien est là, mais c'est ainsi que fonctionne la Démocratie. A savoir l'indépendance du Parquet et celle des magistrats par rapport au pouvoir exécutif. Une indépendance néanmoins utopique depuis que notre République existe et qui l'est davantage en ces temps troubles, où les magistrats réclament une intégrale autonomie dans l'instruction des affaires, et dans les jugements selon la célèbre « intime conviction du juge ». Or, à voir ce qui se passe actuellement on n'est pas vraiment sûr si les juges sont autonomes ou si, au contraire ils sont dépendants d'un pouvoir décisionnel qui leur échappe. Mais donc, si le ministre de la Justice Nadhir Ben Ammou fait allusion à certaines rétentions, qui, finalement, en tirerait les ficelles ? Sans doute existe-t-il un certain nombre d'affaires qui encombrent le parquet et qu'il n'est pas facile de traiter. Et ces affaires concernent presque tous les médias. Depuis Sami Fehri, jusqu'à Zied El Héni en passant par Tahar Ben Hassine, s'amplifie la suspicion quant à une justice indépendante. Le ministre aborde ce chapitre à sa manière, appelant les journalistes à adopter « des codes d'honneur », mais faisant tout de même abstraction de la nature du code ( de la presse) qui broie leur indépendance à eux. Nous sommes dès lors dans un pernicieux conflit de compétences : le juge est dans son rôle ; le journaliste pas vraiment. Cela est néanmoins symptomatique de la tension qui règne entre le pouvoir juridictionnel ( le 3e pouvoir) et le quatrième : le pouvoir de la presse. Cette tension retombera pour peu que les forces occultes cessent d'exercer leurs interférences et que le ministère envoie des signes perceptibles à l'adresse de la communauté nationale. Et surtout, surtout que M. le ministre transcende les conflits corporatistes entre structures ministérielles et Instance provisoire indépendante de l'ordre judiciaire. Car en définitive il appartient aux seuls magistrats de réguler leur corps de métier. Et leur indépendance commence par là… Par ricochet les droits des justiciables aussi…