Alors que Béji Caïd Essebsi dame le pion à tous ses rivaux dans les sondages, le Quartet peine à convaincre Ennahdha de lâcher du lest, à placer l'intérêt du pays – euphémisme ! - au dessus de ses intérêts partisans et au dessus de ses épanchements idéologiques et de ses calculs financiers et économiques. L'ennui c'est que, ultimatum ou pas, le Quartet est en train de s'irriter face aux « oui, mais » répétitifs d'Ennahdha mais n'ose pas encore dire les choses telles qu'elles sont. A savoir que la « piovra » faussement religieuse et qui instrumentalise l'Islam à l'envi, a réussi à faire en deux ans ce que Ben Ali a fait en 23 ans et Bourguiba en 30 : un régime totalitaire asservissant l'Etat, les collectivités locales et donc les régions et en si peu de temps en faisant la purge dans tous les corps de métiers. Des observateurs avertis affirment qu'Ennahdha finira par céder sur le principe mais guère sur ses privilèges. Et les réserves qu'elle émet ont vraisemblablement trait à des garanties d'impunité : à savoir que ses dignitaires et ses hommes aux commandes de l'Etat ne soient pas inquiétés dans leurs « privilèges »… Privilèges vertigineux accumulés en un rien de temps et faisant fi de routes les règles de loyauté envers l'Etat et tous les principes de bonne gouvernance. Quelque part, c'est bien à une espèce de farce que nous assistons. Un Quartet qui est dans l'éthique, dans la logique de sauvetage d'un côté ; et de l'autre un ogre qui résiste à tous les coups de boutoir et qui fait comme ce mari arrogant et possessif lequel ne consentira au divorce d'avec son épouse que s'il donne sa bénédiction au futur mari ! Le Quartet est conscient de toutes ces difficultés. Mais de son côté, il serait inspiré de ne pas faire de la démission du gouvernement et du recentrage de l'ANC son objectif ultime : il ne doit pas uniquement être une force d'interposition, mais aussi une force de proposition. Force de proposition dans quel sens au juste ? Dans le sens où le fait d'inter-changer un gouvernement par un autre ne devrait pas être perçu comme but final. Car finalement nous sommes face à un douloureux constat : la Révolution retombe en mélancolie. Les rouages de l'Etat sont bloqués, l'économie est déjà une bombe à retardement et nous voyons s'ouvrir, une ère de très hautes turbulences. Pourquoi le peuple tunisien a-t-il fait cette révolution : pour tresser des lauriers sur la tête des tribuns islamistes ? Pour vivre dans la peur des assassinats politiques ? Pour s'habituer à l'épouvantail des Salafistes et des Ansar Al Chariaâ ? Pour passer des nuits entières à frémir aux détonations des feux d'artifice dont les gens commencent à croire qu'ils ne sont pas de simples pétards ? Pour céder, comme ça, sans coup férir un demi siècle d'indépendance, de modernisme d'égalité entre hommes et femmes aux mains d'obscurantistes caverneux ?