C'est la fête du travail, bien que le travail ne soit pas en fête. Nous toucherons bientôt le dangereux seuil d'un million de sans emploi, ridicule euphémisme pour ne pas appeler les choses par leur nom : « un million de chômeurs ». Mais, là, il faudra, quand même, sortir du rituel carcan syndical : ce n'est plus la fête des ouvriers et il n'y a pas que les ouvriers qui revalorisent le travail (cela fait stakanoviste), car la menace sociale, la précarité et le chômage guettent pratiquement toutes les couches laborieuses. On s'attend, aujourd'hui, à des manifestations dont on espère qu'elles ne tourneront pas en affrontements et nous formulons le vœu pieux (et naïf ?) que les barbus ne feront pas du contexte un prétexte. Déjà, la situation syndicale franchit ses limites contractuelles avec ce pluralisme fortement politisé, disparate, composite et qui tend à dessiner une nouvelle configuration de la « carte syndicale » sur la base de surenchères autour des secteurs vitaux. Cette situation arrange le gouvernement et évite à Ennahdha, désormais, omnipotent « parti/Etat », d'avoir à en découdre avec une force syndicale unifiée comme ce fut le cas avec le dualisme PSD/UGTT, du temps de Bourguiba, car l'antagonisme UGTT/RCD n'était que pure simulation. Et pourtant, au milieu de ces scepticisme généralisés autour d'un chômage instrumentalisé par tous, servant de prétexte au gouvernement pour rallonger sa propre espérance de vie, à l'UGTT de camper sur ses privilèges institutionnels et aux partis d'en faire leur chou gras, quelque chose de prometteur pourra s'en dégager : la mémoire qui rappellera à tout un chacun que la Révolution s'est faite pour la dignité et le travail. Plus que jamais il faudra s'en souvenir, aujourd'hui, deuxième 1er Mai après la Révolution. C'est l'oubli interdit. Raouf KHALSI