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«La solution doit être forcément politique»
Enquête - Témoignage du colonel Moncef Zoghlami
Publié dans La Presse de Tunisie le 30 - 04 - 2011

La dernière décennie du XXe siècle a été celle de l'écrémage par décapitation de l'armée tunisienne. Des évènements lointains et aussi disparates que l'invasion du Koweït en août 1990, l'avènement du FIS chez nos voisins en Algérie, le bras de fer entre le pouvoir de Ben Ali et le mouvement Ennahdha en Tunisie ne sont peut-être pas présents dans les mémoires de ceux qui, à cette époque, étaient encore jeunes. Aussi faut-il rappeler qu'en janvier 1991, l'armée a été mise en alerte et déployée dans Tunis. Chars, véhicules de transport de troupes, soldats et gradés en treillis assuraient la protection des points névralgiques, en particulier les ambassades, les résidences d'ambassadeurs, la Banque centrale, etc. Tout ce déploiement fut effectué en prévision d'éventuelles manifestations populaires alors qu'approchait l'heure de la 1ère guerre du Golfe «La tempête du désert» en vue de libérer le Koweït envahi par l'Irak quelques mois plus tôt.
Le 17 janvier commença la libération du Koweït, précédée par le déclenchement des attaques aériennes contre l'Irak.
A mon sens, cette gesticulation entrait dans le cadre d'une prise en main psychologique de la population tunisienne pour l'étouffement de toute contestation de rue, même pacifique voire symbolique.
Ce que beaucoup de personnes peu au fait de la vie militaire ignorent, c'est qu'en temps d'alerte opérationnelle, la moindre velléité ou contestation d'un ordre même justifiée prend l'allure d'une mutinerie, le petit retard devient désertion et la tension dans laquelle sont placés les militaires est extrême, d'autant plus que la mobilisation est permanente de jour comme de nuit.
Pendant plusieurs semaines, l'armée est restée déployée, puis le retour au calme s'est effectué lentement. Il est vrai que la fin de l'année 1990 a vu des incidents relatés par la presse du parti, vrais ou faux, gonflés ou non qui faisaient du mouvement Ennahdha, un épouvantail. La chasse aux militaires ayant des parents arrêtés dans le cadre de l'éradication des partisans du mouvement avait déjà commencé au sein de l'Armée. Le renvoi pur et simple avait lieu et concernait l'épouse et son mari lorsqu'ils étaient tous deux militaires et avaient un lien de parenté avec un nahdhaoui. La chasse aux sorcières était lancée et atteignit son apogée au mois de mai 1991; elle n'allait pas s'arrêter avant juillet 1991.
Le pouvoir fit d'une pierre deux coups : éradiquer Ennahdha et, au passage, écrémer l'armée de ses meilleurs éléments. D'ailleurs, même les militaires désignés à des postes d'ambassadeur virent la fin de leur mission et le retour au pays; et depuis, aucune nomination n'eut lieu.
Abdallah Kallel donna une conférence de presse le 22 mai 1991. Il déclara qu'un plan diabolique et d'escalade est préparé par des groupes terroristes faisant partie du mouvement Ennahdha pour s'emparer du pouvoir en Tunisie et imposer un Etat théocratique et religieux. A l'appui, un enregistrement vidéo a été projeté où le capitaine Ahmed Amara en garnison à Gabès était impliqué dans le complot intégriste et qui reconnaît appartenir au mouvement Ennahdha depuis 1979. Il a également dévoilé les péripéties de son embrigadement par d'autres officiers de l'armée jusqu'à ce que leur activité soit entrée dans sa phase active tendant à renverser le régime en place.
Il aurait avoué que deux réunions ont eu lieu alors. La première à Oued Ellil en novembre 1990 et durant laquelle le plan pour le renversement du régime leur a été dévoilé; et la seconde du côté de Hammamet, à Baraket Essahel, le 06 janvier 1991 au cours de laquelle leur ont été fournies toutes les explications concernant le plan.
Le capitaine Amara a donné les noms des officiers qui y étaient impliqués pour l'exécution du plan qui prévoyait de prendre :
1- La place de La Kasbah qui arbite le Premier ministère, le ministère de la Défense, et le Centre des télécommunications
2- S'emparer du siège de la RTT
3- S'emparer de la caserne de la sûreté à Bouchoucha et celle de la Garde nationale à El Aouina à partir de laquelle ils auraient la possibilité d'investir le palais de Carthage
4- S'emparer du ministère de l'Intérieur à l'avenue Bourguiba
5- S'emparer des locaux de la police, de la Garde nationale, des PTT et des sièges des gouvernorats à l'intérieur du pays.
6- Isoler les régions les unes des autres.
Aucun journaliste digne de ce nom n'avalerait un tel scénario. Encore moins la presse étrangère qui pullule de reporters chevronnés.
Ce que ne dit pas le ministre de l'Intérieur c'est dans quelles conditions ces aveux avaient été arrachés.
En vérité, il y avait des officiers du grade de colonel, dont moi-même, qui furent torturés. Cela m'a valu plusieurs mois de rééducation fonctionnelle des quatre membres, une surdité partielle, l'ablation de la tyroïde et la pose d'un pacemaker, sans compter d'autres dégâts psychologiques et d'ordre familial.
Mais un mensonge de plus ou de moins, cela n'a jamais fait de mal à personne, surtout quand il sort de la bouche d'un ministre.
Aujourd'hui, il est possible de cerner le nombre des militaires de toutes les catégories et qui comptent environ deux cent cinquante personnes. Autant de familles éplorées par l'injustice depuis vingt ans. Ils provenaient dans leur majorité des forces terrestres.
- Les plus proches assistants de Cemat (Chef d'état-major de l'armée de terre) n'ont pas été épargnés : trois chefs de bureau sur cinq ont été accusés d'appartenance au mouvement islamiste. Officiers supérieurs du grade de colonel, Lt colonel et commandant, des officiers subalternes (capitaines et lieutnants), des sous-officiers et des hommes de troupe petit gradés, furent transférés et gardés au ministère de l'Intérieur ou à la caserne Bouchoucha. Ils ont été donnés en pâture sas égards ni respects des lois militaires. Certains furent écroués dans les locaux disciplinaires de la caserne d'El Aouina.
- Un responsable de la Direction générale de la sécurité militaire a écrit : «La justice militaire, partie ès qualité du ministère de la Défense nationale, a ouvert une instruction. La Direction de la sûreté de l'Etat (ministère de l'Intérieur) a reçu une procuration judiciaire pour mener les investigations et les interrogatoires. La direction générale de la sécurité militaire a reçu pour mission de coordonner la convocation des militaires suspects ou témoins qui seront par la suite cités au cours de l'enquête.
On constate ainsi que la justice militaire et le commandement de l'armée ont éludé leur responsabilité. (Terre, Air, Mer, DGSM, Inspection générale et ministre de tutelle constituent le Conseil supérieur de l'armée ou CSA).
Il serait temps que l'on sache pourquoi ce ministre et ses proches collaborateurs ont abandonné l'élite de l'armée, la crème de l'armée aux dires des tortionnaires eux-mêmes.
Cette attitude passive n'a jamais été justifiée, aucune explication n'a été fournie jusqu'à ce jour, soit vingt ans de silence criminel.
Ces questions sont restées trop longtemps pendantes :
— Est-ce que le ministre de la Défense nationale de l'époque (M.H.Boularès) a reçu des instructions (écrites ou verbales) de l'ex-commandant en chef des forces armées aujourd'hui réfugié en Arabie Saoudite pour décharger la justice militaire et charger ses propres sbires du sale boulot, le souci sécuritaire passant au-dessus de toute considération légale et morale.
L'écrivain et homme de lettres répondra-t-il à cette question? Nous avons attendu vingt ans, nous attendrons encore quelque temps, peut-être nous révélera-t-il la vérité.
— Est-ce que cette attitude a été motivée par la crainte de certains responsables du CSA de perdre leurs postes et leurs privilèges et qu'ils furent davantage soucieux d'une retraite paisible et des honneurs devant accompagner leurs derniers jours.
Durant ces vingt ans (1991-2011), l'injustice faite aux militaires écartés lors du complot de Barraket Essahel a été un sujet tabou. Ils ont été écartés pour des motifs sans rapport avec la réalité. Mensonge sur mensonge : incompétence professionnelle, mise à la retraite d'office sans motif, détachements auprès d'organismes extérieurs pendant dix à vingt ans et cela perdre pour ceux qui n'ont pas atteint la limite d'âge alors que la loi prévoit au maximum deux détachements de trois ans et à condition que l'intéressé en fasse la demande et que la situation du détaché ne soit pas pénalisée sur le plan moral et pécuniaire.
L'interdiction du port d'uniforme m'a été signifiée lorsqu'on m'obligea à rejoindre l'Office des logements militaires sous la menace. Le colonel Khalfi la DGSM me dit : «Le dossier est encore ouvert, je vous conseille d'accepter».
C'était en janvier 1992, Ben Dhia était ministre de la Défense et prononça une décision de détachement auprès de l'OLM mais sans fonction. Je m'y suis plié par crainte pour ma famille, étant convaincu que le pire pouvait m'arriver dans l'atmosphère de dénonciations calomnieuse qui régnait. Le procès de mes camarades plus jeunes que moi traité par le tribunal militaire aboutit à ce verdict : ils écopèrent de plusieurs années de prison; mon ancien collègue de bureau à l'état-major, le colonel Ghiloufi, passa dix-huit mois en prison et ne put même pas assister à l'enterrement de sa mère.
Un mur psychologique avait été érigé entre les victimes et ceux qui étaient encore en activité. En effet, il leur était demandé de fournir des CR en cas de rencontre même fortuite avec l'un d'eux; nous étions devenus des parias, presque des étrangers dans notre propre pays au sein d'une même armée.
Ce qui s'est passé en 1991 est le fait du prince. Nous, militaires de carrière, avons été traités comme des esclaves.
L'élite de l'armée a fait les frais d'une paranoïa sécuritaire que rien ne justifiait. La révolution du 14 janvier n'a pas encore réussi à débloquer la situation psychologique d'anciens responsables militaires et qui n'ont pas grand-chose à se reprocher car il y a vingt ans, ils n'étaient pas dans les centres de décision ou bien étaient passés à côté de couperet. La cause essentielle réside dans le fait que cette question n'a jamais été évoquée en raison du tabou imposé par le commandement. Aucune demande relative à la régularisation de situation ne recevait d'écho, quelle que soit l'autorité à laquelle la demande était adressée. Ni la DGSM ni le ministre de tutelle (en dix ans au sien de l'OLM, j'ai vu passer une huitaine de ministres), ni le palais de Carthage, tous étaient aux abonnés absents à tel point que le découragement a fini par s'imposer fatalement à tous.
L'association INSAF/Justice pour les anciens militaires milite pour la réhabilitation morale et l'obtention des réparations matérielles des préjudices subis par les victimes du complot de Baraket Essahel.
La solution recommandée aujourd'hui semble être le recours au tribunal administratif. Proposition qui va à l'encontre des intérêt des militaires qui avancent dans l'âge.
Pour détruire la carrière des militaires, il n'a pas été fait appel au tribunal administratif, cela a été une décision politique en haut lieu. En 2011, la réparation doit suivre logiquement le même chemin. Une décision politique doit être trouvée pour mettre fin à cette injustice. Les autres ministères ont franchi des étapes importantes pour la régularisation des victimes d'expulsion arbitraire, le département de la Défense est demeuré en deçà des attentes.


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