Les vérités établies par Taieb Laâguili ont déclenché un tollé parmi les dirigeants d'Ennahdha et ont donné le tournis à certains d'entre eux dont Samir Dilou, l'un de ceux qui étaient accusés nommément par le conférencier, qui appelait celui-ci une fois, « Laâguili Taieb », et une autre fois «Taieb Laâguili » ne sachant ainsi distinguer le nom du prénom. Sa riposte fut immédiate et vive, et sa fureur était si noire qu'elle n'a pu s'éteindre, ni même s'atténuer pendant deux jours de suite où il passait d'une antenne à l'autre et d'un plateau à l'autre pour traiter l'auteur de ces révélations de tous les noms. Mais la thèse qu'il a développée est-elle convaincante ? Les propos désobligeants qu'il a tenus et l'image qu'il a affichée conviennent-ils au statut d'un homme politique qui est, en l'occurrence, un ministre ? Un ministre qui est, de surcroît, chargé des Droits de l'Homme et de la transition démocratique… Simulation Sur le plan officiel, la réaction d' Ennahdha n'était pas proportionnelle à cette incrimination extrêmement grave, ni à l'envergure de la campagne de démenti menée par Dilou, elle était très modeste, étant donné qu'elle s'est limitée à un communiqué très laconique ne dépassant pas les quatre lignes et se résumant en ceci : ladite conférence vient saboter le consensus et perturber l'initiative du quartet. Cette position mérite qu'on s'y attarde un peu. Depuis quand Ennahdha accorde-t-elle de l'importance à cette initiative ? Qui a empêché le déclenchement du dialogue national et fait perdre un temps énorme au pays à cause de ses innombrables positions qui se suivaient pour se ressembler comme deux gouttes d'eau par le flou et les idées fumeuses qui les caractérisaient ? C'est bien sûr Ennahdha. Et c'est l'opposition, c'est-à-dire le Front de Salut National qui a fait des concessions, des concessions énormes, puisqu'elle a accepté un texte remanié à 70/80%. Le texte initial de l'initiative comprenait, rappelons-le, la démission immédiate du gouvernement, condition sine qua non du déclenchement du dialogue national, alors que la dernière version transforme ce départ imminent en son acceptation comme principe et le décale de trois semaines. Par ailleurs, le Front de Salut a renoncé à la dissolution de l'ANC. Face à ces grandes concessions, Ennahdha n'a rien fait à part tergiverser et faire fuir le temps, se contentant, à chaque fois, de placer la phrase déroutante « j'accepte inconditionnellement » en préambule dans tous ses communiqués où elle réitère son refus sous de nouvelles formules. Le comble de ce manège et de l'absurde c'est qu'elle impute ce refus récurrent et ces atermoiements incessants à l'opposition faisant, ainsi, fi de notre entendement. D'ailleurs, Ennahdha n'en est pas à sa première manœuvre, elle a usé du même procédé lors des deux premiers dialogues nationaux, celui du mois d'octobre 2012 du palais des congrès, où elle a refusé de participer, et celui du mois de mai 2013 de « Dar Eddiafa », où elle était la seule partie à ne pas signer le pacte. Le révolutionnaire du NATO L'autre moyen dont a usé Ennahdha pour réagir par rapport à la divulgation, par Taieb Laâguili, de dossiers l'accablant, c'était le démenti par le ministre du démenti. Il y excellait déjà pour disculper son gouvernement que dire alors lorsqu'il s'agit d'innocenter sa propre personne. Dilou a fait une montagne d'une taupinière en rabâchant insatiablement la même phrase : « ce n'était pas Abdelhakim Bel Haj qui est avec moi sur la photo ». C'est un détail M le ministre ; car le plus important c'est que ni vous, ni vos partisans ne peuvent nier la relation de votre mouvement avec cet homme classé parmi les terroristes les plus dangereux par les principaux services de renseignements dans le monde. Et ce n'est pas vous qui allez persuader la communauté internationale du contraire. D'ailleurs, si monsieur le ministre réussit à démentir le contenu de la photo, il ne pourra pas nier celui de la vidéo où il apparaît en compagnie de ces « révolutionnaires du NATO » qui sont en train de manipuler des armes lourdes. Les dirigeants d' Ennahdha ont passé en sourdine l'essentiel, à savoir le communiqué du 4 janvier 2013 émanant du ministère de l'Intérieur dirigé alors par Ali Laârayedh appelant les unités de sûreté à essayer de déloger Bel Haj, signalé comme un terroriste redoutable qui était en train de préparer des actes déstabilisants dans le pays dans lequel il était entré en toute clandestinité. Cette manière de procéder de la part des dirigeants de Ennahdha était conçue dans le but divertir l'attention de l'opinion publique nationale. Quand ils ont réalisé que leurs connivences avec ce terroriste sont, dorénavant établies, ils ont changé de tactique en essayant de le blanchir et de faire de lui un héros national. Pour ce faire, ils se sont faits aider de quelques «indépendants », tel que le «repenti» et «l'ex nahdhaoui », Chaker Chorfi qui a fait l'avocat du diable, avant-hier, sur Mosaïque FM, en opposant au spécialiste des mouvements islamiques, Mezni Chérif, une plaidoirie émotionnelle dénuée de tout fondement rationnel, et en récusant opiniâtrement les arguments très plausibles et fondés sur des recherches de terrain et des statistiques avancés par son interlocuteur. La vérité hostile Toujours selon cette tactique consistant à mettre au premier plan des éléments de second ordre et de reléguer au dernier la quintessence de la question, Dilou a focalisé sur l'appartenance idéologique et politique de Taieb Laâguili en prétendant qu'il appartenait aux Patriotes Démocrates, tout en sachant qu'il déformait la vérité, puisque celui-ci était membre d' Ettakatol, leur allié dans la Troïka. Cette attitude nous rappelle celle du ministère de l'Intérieur qui, au lieu d'enquêter sur le contenu des documents que des cadres et agents honnêtes ont fait parvenir jusqu'à l'IRVA et aux journalistes pour aider à découvrir la vérité dans les deux assassinats politiques, il en fait arrêter quatre pour les punir de leurs « méfaits ». Taieb Laâguili et ses confrères n'ont fait que suppléer à un ministère défaillant et soupçonné de complicité et à une justice complètement effacée et soumise au bon vouloir du pouvoir exécutif qu'il instrumentalise pour donner une assise à ses décisions discrétionnaires et discriminatoires. Alors, arrêtez de nous mener en bateau ! L'identité de ceux qui nous apportent des vérités est sans conséquence aucune sur le fond du problème, qu'il soit un gauchiste ou le diable en personne n'ôte rien à son importance. Quoiqu'ils fassent, ils ne pourront jamais faire oublier aux gens la vraie identité de Abdelhakim Bel Haj, ni ses promesses lors du congrès de leur parti au mois de juillet 2011 où il a dit qu'il ferait tout pour payer sa dette envers Ennahdha. Le parti au pouvoir est réfractaire à la vérité à laquelle il a, toujours, opposé un mépris farouche quelque en soit, d'ailleurs, l'auteur ; et là, les journalistes en savent quelque chose…