La vie politique est devenue si comique que, pour mieux l'appréhender, il faudrait se référer aux scènes de la vie quotidienne. Toutefois, les similitudes entre les deux sphères n'est pas totale et ne concernent que les apparences, car, au niveau du fond, une grande distance sépare les deux mondes. La vie de tous les jours est meublée de faits véridiques dont les auteurs sont des êtres entiers jouant pleinement leurs rôles et où se mêlent la joie aux larmes et le comique au tragique. Alors que dans le théâtre politique, nous avons affaire à des cabotins vicieux et pernicieux qui se jouent des citoyens et de leur devenir en leur miroitant de faux espoirs ; ils n'hésitent pas l'ombre d'une seule seconde à briser leur rêve et à ruiner leur vie pourvu qu'ils accèdent au pouvoir et y restent à jamais. Par leur égoïsme, ils pérennisent leurs privilèges et font perdurer, par là, les malheurs et les souffrances des autres. La signature du salut Il y a quelques années, nous étions témoin oculaire d'une scène insolite qui s'est produite dans un service d'urgences d'un hôpital de la capitale. Une patiente, visiblement, très démunie, qui n'avait ni de protection sociale, ni de quoi payer les frais des soins qu'on lui a prodigués, s'est engagée à souscrire un contrat de remboursement qu'on lui a présenté tout en sachant et en déclarant haut et fort qu'elle n'avait rien à hypothéquer et qu'elle n'avait à craindre ni pour sa maison, ni pour sa « permaflex », ni pour sa TV Plasma, ni pour son salon Louis XVI, parce que tout simplement elle ne possédait rien de tous ces biens. Cette jeune dame s'est même portée volontaire pour signer tous les contrats des autres patients de sa condition ; elle avait tout à gagner et rien à perdre : elle a gagné les soins et n'aura rien à donner en contrepartie à moins qu'on ne veuille la faire payer son dû par des sanctions pénitentiaires, auquel cas, la note serait majorée, puisqu'elle serait nourrie logée. Sa signature était loin d'être une supercherie mais relate, tout simplement, un choix obligé et la seule alternative face à une misère morbide. Plusieurs de ces laissés pour compte lui ont emprunté le pas en recourant au même procédé, mais avec d'autres intentions, un certain 23 octobre 2011 en accordant leurs voix à ceux qui « craignent Dieu ». Ils pensaient qu'ils avaient tout à gagner et rien à perdre et que les lendemains ne pourraient en aucune manière être pire qu'avant, après une révolution, mais contrairement à ces calculs et à ces attentes trop optimistes, leurs pertes furent plus considérables qu'ils ne l'auraient imaginé. L'engagement divin Leur tort c'était d'avoir cru que ceux qu'ils avaient élus leur partageaient la même conception des choses; ils ignoraient qu'ils vivaient dans un monde fallacieux où seuls le mensonge et la mauvaise foi l'emportent et où des valeurs comme la sincérité et l'honnêteté sont bafouées. Ces bonnes gens ignoraient que ceux à qui ils ont confié leur destin ont signé un engagement moral, la veille des élections, en se liant à respecter le délai d'une année pour la Constituante, une promesse qu'ils n'ont pas honorée. Ils ignoraient qu'ils auraient accepté de tout signer pour faire aboutir leur projet inespéré, cette aubaine qui relevait du monde onirique et constituait un simple songe, il y avait quelque temps, quand ces nouveaux gouverneurs, qui se sont improvisés les maîtres de la maison, gisaient dans les geôles, ou avaient intégré le parti au pouvoir au nom de ce qu'ils appelaient un repli tactique, ou bien encore vivaient sous d'autres cieux et jouissaient de tous les plaisirs terrestres. Cette technique de la signature s'est avérée comme une bénédiction divine qui a servi de truchement à des êtres marginalisés qui étaient mis sur le ban de la société et vus comme étant des criminels en leur permettant d'occuper les devants de la scène. Alors, pourquoi ne pas en faire un rituel comme les élections, d'ailleurs, qui ont facilité cette montée au ciel ? Si cela ne tient qu'à une simple signature, eh bien, on peut vous en faire autant que vous voulez ; en voilà une autre, celle de la feuille de route. Réjouissez-vous-en ! Ce procédé démocratique ainsi que tous les autres de ce monde d'ici bas ne les engage en rien, car il n'y a d'engagement qu'envers Dieu. Ne gouvernent-ils pas en son nom et ne sont-ils pas chargés par un mandat divin de veiller aux destinées de ce pays comme l'a dit El Harouni ?