Cela fait dix ans que la maison d'édition, Jugurtha International, dirigée par Mme Faïza Zouaoui Skandrani, universitaire et grande militante des droits des femmes, et son fils Hammouda Skandrani, a été créée. Un dixième anniversaire, ça se fête et cela devait se faire au mois de Ramadan dernier. Mais vu les événements et les assassinats politiques que le pays a vécus durant cette période, les festivités ont été reportées à une date ultérieure, selon la responsable de Jugurtha International. Certainement donc, à l'occasion de la foire du livre 2013 qui pointe du nez, du 25 octobre au 03 novembre. Entretien. Le Temps : vous vous êtes lancée sur une ligne éditoriale tout en la diversifiant au cours des dix dernières années. Pourriez-vous nous rappeler quelques titres parmi les anciennes et nouvelles parutions ? Faïza Zouaoui Skandrani : oui en effet, après la Jeunesse, la Santé par les plantes du DR Mohamed Zouaoui et Médecine du pèlerinage du Dr Chokri Hammouda, on a édité des livres sur le marketing dont « Le Webmarketing » par Emna Atrous et Tarek abdelatif et « L'apport des sciences humaines au marketing » par Mohamed Kadhem Kilani. On a pensé enrichir cette ligne éditoriale avec les Sciences Humaines en publiant avec le CPU, (Centre publi Universitaire), deux ouvrages ; « Adab Al Hayawane » (Histoire d'animaux dans la littérature arabe, un essai de Sémia Dridi Hosni) et « Flaubert et Sand, le roman d'une correspondance », de Monia Mouakhar Kallel, outre le lancement de deux livres de poésie, « Silences des lumières » d'Aïcha Skandrani et « Mes mots…En souffrance… » de Souad Ghariani. Enfin, le livre de Zeineb Ben Saïd Cherni, « Vie et société, approches épistémologiques et géopolitiques » et un essai de Kalthoum Jemaïl, « La préhistoire ou le génie créatif de l'Homme ». Tous ces livres seront exposés au pavillon Jugurtha International à la Foire du Livre avec comme surprise, la traduction de l'ouvrage de Lotfi Maktouf, « Sauvez la Tunisie », publié en juin 2013 chez Fayard. *Quelles seront les perspectives pour l'année 2014 et principalement dans le domaine de l'édition ? -En 2014, on va publier la traduction de » Diwan Assababa », (Le diwan de l'amour) à laquelle nous avons consacré beaucoup de temps ainsi que d'autres ouvrages. L'année 2014 sera consacrée à faire connaitre, diffuser et distribuer en priorité, les ouvrages déjà édités et à nous ouvrir vers l'extérieur notamment les pays de l'Afrique francophone, (Sénégal, Cameroun, Côte d'Ivoire…). On va essayer de trouver d'autres débouchés au livre tunisien car comme vous le savez, le secteur de l'édition après la Révolution, vit une crise ; beaucoup de maisons ont fermé, d'autres se débattent dans de gros problèmes. L'édition tunisienne est un combat continu pour que le livre tunisien puisse continuer à exister et que nos auteurs arrivent à trouver un marché local et international au lieu d'aller chercher où publier… Il faut que les Tunisiens s'efforcent à consommer le livre tunisien en encourageant la pensée et la créativité tunisiennes parce qu'il y a derrière le livre : des auteurs, des éditeurs (infographistes, correcteurs, traducteurs, illustrateurs, informaticiens, imprimeurs, juristes…), des libraires et des distributeurs. La survie du livre tunisien implique la survie de tout un circuit économique et la valorisation de la pensée tunisienne. Bien sûr, cela ne nous empêchera pas de nous ouvrir sur la pensée universelle car on refuse ce repli identitaire parce que la culture est au-delà de l'identité et que les identités sont plurielles. Les cultures aussi sont plurielles notamment la culture tunisienne, car, à travers les trois mille ans d'histoire, nous avons eu l'atout ou le mérite d'avoir bâti une mosaïque de cultures qui se trouve être à la base de toutes les cultures méditerranéennes. *Comment expliquer la difficulté vécue par les Maisons d'édition ? -Un éditeur, pour produire un livre, doit dépenser beaucoup d'argent, court des risques car on peut voir des livres dont les stocks stagnent. En plus, les libraires n'achètent pas cash, ils les prennent en dépôt et ne payent l'éditeur qu'une fois le livre vendu et parfois même, trois mois après la remise de la facture. Si ce n'est la passion du livre et de la question culturelle, le métier d'éditeur s'il n'est pas soutenu financièrement, est voué à disparaître. Or, l'éditeur qui n'est pas imprimeur et qui n'est pas libraire ou qui n'a pas d'autres activités parallèles, est un véritable aventurier, un militant de la culture. Il faut d'autres moyens et d'autres solutions pour l'export vers les pays francophones, arabophones ou anglophones. Et pour soutenir cette action, nous allons lancer un site de vente par Internet de tous nos ouvrages et peut être d'ouvrages d'autres éditeurs. *Pour une sortie de crise dans le domaine de l'édition, quelles solutions suggéreriez-vous ? -Pour promouvoir le livre tunisien à tous les niveaux, il faut mettre en place des mécanismes spécifiques au secteur de l'édition pour une sortie de crise et mettre en place des canaux de communication pour améliorer les relations entre libraires, éditeurs et distributeurs. Par exemple, quand on organise des journées de promotion de la Tunisie à l'étranger, on présente souvent des produits d'artisanat mais pas de livres alors qu'il fallait aussi faire appel aux éditeurs pour qu'ils proposent leurs ouvrages. Indépendamment de la Foire du Livre, on pense créer avec l'appui d'une Institution importante de la place, un Salon annuel du livre qui exposerait uniquement les nouveautés éditoriales tunisiennes. *Qu'avez-vous préparé pour la prochaine foire du Livre de Tunis ? -Il y aura à l'occasion de la Foire du Livre de Tunis, la présentation de nouveaux ouvrages en présence de leurs auteurs ainsi que des conférences sur divers sujets. c'est une occasion de rencontrer les professionnels du livre, (bibliothécaires, Institutions, centres culturels, éditeurs étrangers, imprimeurs…) et le public. Nous aimerions par ailleurs que certaines scènes vécues l'année dernière ne se reproduisent plus comme le commerce anarchique des livres sur la sorcellerie, la polygamie… incitant à la régression sociale, ce qui n'est pas digne d'une foire internationale. Pour ce qui est de notre participation à l'étranger, c'est surtout par le biais de l'Union des éditeurs tunisiens, à l'occasion des foires, à Paris, Alger ou Nouakchott. Propos recueillis par : Sayda BEN ZINEB