Par Khaled Guezmir - La lutte contre le terrorisme dans un Etat unitaire et solidaire prend en général trois dimensions. La première, c'est le « terrain » car il est impératif d'éteindre le feu qui attaque la meule de foin sans trop s'attarder sur les causes de l'incendie. La deuxième c'est les « sources » qui alimentent le développement de ce même terrorisme et là c'est la planification sur le court, moyen et long terme pour aller à la germination même et développer une contre offensive basée sur le renforcement des cellules immunitaires de la société. D'où une action rapide contre la pauvreté, la marginalisation des catégories sociales fragiles et surtout s'occuper des régions défavorisées. La troisième, c'est « l'idéologie » et les discours de la mobilisation et c'est là où le bât blesse et où la solidarité nationale est pratiquement insuffisante, pour la lutte efficace contre le terrorisme. Je m'explique ! Sur le terrain, notre premier pôle, l'intervention ne peut être que double. La première et immédiate. C'est tout simplement la « répression », qu'on l'aime ou pas. La deuxième, c'est la prévention et là on tombe dans la technique opérée par Ben Ali ou ce qu'on désigne couramment, par « solution sécuritaire » qui consiste à intervenir par la méthode de la terre brûlée, chère aux stratèges américains, et l'arrestation de tous ceux qui opèrent dans l'environnement des terroristes « actifs » et intraitables. Le « tamis » (el ghorbel) innocentera les uns et culpabilisera tous ceux qui seront retenus à travers ses lames pour complicité agissante ou logistique avec les terroristes actifs. Ce dernier aspect est évidemment rejeté par les défenseurs des droits de l'Homme qui estiment que la présomption d'innocence doit primer et la liberté individuelle est sacrée et a une sorte de prééminence sur la société elle-même. Déjà, rien que sur ce premier point, le « terrorisme » profite de la « clémence » des promoteurs des droits de l'Homme pour échapper à une traque préventive, mais cette difficulté peut être résolue par la double efficacité et des services de sécurité et de la justice au niveau de l'instruction, qui peut autoriser les investigations nécessaires « préventives » et plus approfondies. Mais dans les deux cas il faut aussi « le vouloir » et doter les institutions appropriées des moyens adéquats. Nous revenons, encore une fois, à deux écoles bien différenciées : la répressive et la préventive conditionnées elles-mêmes par la fameuse «volonté politique » des gouvernants. Pour le deuxième volet de notre équation de départ et la nécessaire intervention sur l'environnement où naît et se développe le terrorisme, il faut reconnaître que les gouvernements post-révolutionnaires ont été en-deçà des réalisations escomptées. A l'exception de la transition du gouvernement Caïd Essebsi, excessivement, réduite dans la durée et marquée par le travail d'institutionnalisation de l'élan démocratique de la Révolution notamment la réussite d'élections transparentes aboutissant à une alternance pacifique au pouvoir, et qui a laissé à ses successeurs des dizaines de projets immédiatement réalisables, les héritiers du pouvoir, au lendemain du 23 octobre 2011, ont péché par une certaine lenteur dans la mise en œuvre des programmes régionaux et du réhabilitation des quartiers populaires des métropoles et surtout le grand Tunis. Enfin, le troisième volet « idéologique », et là, c'est le naufrage absolu ! Au lieu de traiter la question identitaire avec la plus grande délicatesse et une certaine prudence, on a ouvert les vannes toutes grandes à la prédication religieuse agressive et extrémiste importée de l'Orient minée par le terrorisme jihadiste actif depuis plus d'un demi-siècle. La Tunisie qui vivait dans une sorte d'immunité apparente par rapport à ce phénomène expansif, s'est réveillée sur un véritable mouvement torrentiel où la propagande « jihadiste » et donc, « terroriste », a trouvé défenseur au sein même de ceux qui prônent comme la « Nahdha », un Islam politique tolérant et modéré. Le ministère des Affaires religieuses assume à notre humble avis une très grande responsabilité dans cette dérive parce qu'il n'a pas été suffisamment ferme avec les « Imams » extrémistes qui ont tout simplement occupé plusieurs centaines de mosquées de manière illégale (au sens civil du terme, je précise, parce que pour beaucoup de cadres islamistes, les « salafistes » étaient en droit, selon la religion et la Chariaâ, de le faire… Allez le comprendre… !). Bon nombre de ces maisons de Dieu sont devenues la tribune du terrorisme jihadiste au nom de la Chariaâ dans sa lecture la plus extrême. Finalement, la question que nous sommes en droit de poser, aujourd'hui, et que, même le juge libéral, le président Ahmed Rahmouni a fini par poser, avant-hier au débat T.V de la « Nationale1» : «Sommes-nous, tous, tout à fait d'accord sur le « terrorisme », son appellation, sa désignation et sa teneur. En d'autres termes, plus crus et plus amers, le « terrorisme » perçu et dénoncé par l'opposition démocratique, est-il le même que celui perçu par l'islamisme politique au pouvoir ! Pour bons nombres d'observateurs avertis, la « guerre » contre le terrorisme, en Tunisie, n'a pas encore été engagée ! Pour cela, il faut d'autres moyens et une autre « volonté politique », plus affirmée et plus décidée. Elle doit combiner et le répressif et le préventif. Pour le pouvoir, aussi bien, à travers le parti islamiste, « Ennahdha » et son président, le cheikh Rached El Ghannouchi, que le gouvernement, présidé par Si Ali Laârayedh, le terrorisme ne date pas d'hier, « nous sommes en train de le combattre » et ils vont jusqu'à affirmer que les actions terroristes comme celles de « Goubellat » sont destinées à frapper la Nahdha et sa gouvernance, difficile de la transition ! Qui croire ! A vous de juger ! Et dire que le terrorisme n'a qu'une seule finalité : la terreur aveugle et inhumaine ! Alors, limitons les dégâts et unissons-nous pour protéger notre pays contre ce fléau absurde ! L'Islam est une religion pacifique et bienfaitrice. A l'Islam politique terroriste de revenir aux vraies valeurs de l'Islam ! Messieurs, jetez vos armes !