La Tunisie est-elle malade… ! Oui, de son Assemblée Nationale Constituante, mais la leçon à tirer doit être par ceux essentiellement qui ont remué ciel et terre quelques mois avant ce 23 octobre 2011 fatidique, pour exiger à la « Kasbah II » et impérativement, l'élection d'une Assemblée Nationale Constituante, la 2ème de l'histoire de ce pays. Come quoi la passion excessive ne peut engendrer que l'imprévisible, l'irrationnel, et finalement la dépression à tous les niveaux. Cette Assemblée acquise en l'absence de contrepoids crédibles, après avoir décimé un parti « volé aux Bourguibistes par le 7 novembre 1987 et son dictateur et qui était le seul par ses structures qui remontent au mouvement « jeunes Tunisiens » de Ali Bach Hamba et Béchir Sfar au début du siècle dernier, n'a pu contenir les vagues tsunamiques de l'Islamisme politique avide de revanche et aspirant au commandement politique après la répression et le déclassement subi par les élites zeitouniennes à l'avènement de l'indépendance. Le nouveau Mufti de la République, dans sa dernière intervention télévisée zélée, reflète la frustration et la haine du « bourguibisme » porteur de la modernisation, qui ont habité toute cette génération « déclassée » de la Zitouna ancienne, qui n'a pas voulu adhéré au projet réformateur inspiré par Khéireddine et ses pairs de la 2ème moitié du 19ème siècle et réalisé par les élites « occidentalisées » du néo-Destour et du mouvement syndical de Mohamed Ali et Farhat Hachad. C'est pour cela que beaucoup de cadres de la Nahdha et de ses soutiens moyen-orientaux parmi les « Douaât » (prédicateurs) qui faisaient la queue à l'aéroport Tunis-Carthage, à partir du 24 octobre 2011, parlaient d'un nouveau « Fath » (libération) de la Tunisie, allant jusqu'à le comparer à « Fath Mekka » par le prophète Mohamed (S.A.W.S.A) ; La victoire du 23 octobre et l'implantation d'une ANC dominée de la tête aux pieds par le parti islamiste et ses dérivés, a réveillé l'imaginaire des leaders de ce mouvement qui se sont crus investis d'une « mission », de réhabiliter le modèle de la société traditionnelle et de renvoyer aux oubliettes de l'Histoire toute l'œuvre de modernisation opérée dans le corps social tunisien depuis plus de deux siècles. L'entreprise aurait pu réussir au moins relativement s'il n'y a pas eu la combinaison entre l'Islam de la tolérance et l'islam de la terreur jihadiste avec l'ambition d'opérer une véritable accélération de l'Histoire dans le sens de l'établissement d'un Etat islamiste dogmatique avec tout un revêtement artificiel démocratique ! La Nahdha a voulu jouer gagnant sur tous les tableaux. Opérer une intégration en douceur des jihadistes et autres salafistes en limitant la répression à leur égard et en leur permettant un certain activisme et de mobilisation dans les mosquées « conquises », d'un côté, et faire un appel du pied à la petite bourgeoisie des classes moyennes très attachées à l'Islam « culturel » de leurs ancêtres, d'un autre côté. Par ailleurs, l'image constamment diffusée à l'adresse de l'environnement extérieur , surtout nos voisins européens et nos amis américains, c'est celle d'un parti « civil » et démocratique qui n'a d'autre ambition que l'établissement d'un Etat « institutionnel » et respectueux des normes démocratiques universelles. Mais au discours, il manquait la méthode et surtout une certaine volonté de dépasser « l'ancien » pour regarder l'avenir » et rejoindre l'évolution universelle, marquée par l'aspiration à la démocratie, l'alternance pacifique au pouvoir, l'ouverture sur la modernité qui n'est pas d'ailleurs opposée à l'identité ancestrale. Mais, au fil des jours et des semaines, l'environnement intra-sociétal et celui extra-sociétal ont découvert l'ambiguïté de la démarche annoncée, pour se réveiller sur un projet tout à fait autre. D'où la résistance farouche des élites modernisatrices et de la société civile attachées à une certaine manière d'être « Tunisien » qui les habitent depuis Carthage et où l'Islam est vécu naturellement et avec un certain bonheur bien différent de l'Islam « Wahabisé » qu'on veut imposer par la contrainte morale et physique. Deux ans de perdus, surtout pour la Nahdha, qui a raté une occasion en or de réconcilier les Tunisiennes et les Tunisiens avec leur identité, et de développer une certaine « acceptabilité » de gouvernance d'un parti politique « islamique » ! Deux ans de frustration et d'amertume pour notre peuple qui voit son pays s'éloigner de ses objectifs de développement politique et économique et de tourner un jour au rythme de la terre du 21ème siècle, la terre des peules qui comptent ! Dommage !