Maroc, Kaïs Saïed, migration…Les 5 infos de la journée    Conférence de New York: dix pays reconnaîtront la Palestine    Sherifa Riahi : Intersection pointe des violations subies en détention    Le président Saïed dénonce une campagne de déstabilisation depuis l'étranger    Boubaker Bethabet reçoit les félicitations d'Anas Hmaïdi pour son élection au bâtonnat    La pièce de théâtre tunisienne « Faux » triomphe en Jordanie et remporte 3 prix majeurs    L'ombre comme ennemi, le vide comme allié    L'huile d'olive tunisienne : les prix s'effondrent malgré la hausse des exportations    Reconnaissance de l'Etat palestinien : une illusion diplomatique qui masque l'urgence des sanctions ?    Liste des collèges et des lycées secondaires privés autorisés en Tunisie pour l'année scolaire 2025-2026    Hôpital Mongi Slim : inauguration d'un centre de formation en médecine traditionnelle chinoise et 7 unités de soin    6,5 millions de dinars pour 450 dossiers... qui en profitera vraiment ?    Youssef Belaïli absent : La raison dévoilée !    La Défense nationale recrute : 7 ingénieurs informaticiens recherchés !    Invasion de criquets pèlerins 2025 : l'Onagri détaille la riposte tunisienne    Dimanche, campagne de vaccination gratuite pour les chats et les chiens à Ezzahra et Ben Arous    Israël promet « une force sans précédent » à Gaza-ville    Suspension temporaire des services du Registre National des Entreprises    ASM- ASS (1-0) : Et Ahmed Hadhri surgit !    Le CSS l'emporte in extremis : Chèrement acquis    Le CAB enchaîne un deuxième succès contre : l'ASG Trois points précieux !    Ben Arous : cette nuit, déviation partielle de la circulation au niveau de l'hôpital des grands brûlés    Tunisair : le ministre des Transports accorde 15 jours pour améliorer les services de la compagnie    Boulangeries : deux mois de compensation réglés, pour un total de cinquante millions de dinars    Croissance annoncée par l'INS : Houcine Rhili exprime de sérieux doutes    80 000 policiers mobilisés : Paris sous haute tension    Affaire de corruption : Taieb Rached et Najib Ismail resteront derrière les barreaux    Kais Saied dénonce les coupures intentionnelles d'eau et d'électricité et critique la gestion administrative    Tunisie : El Fouladh lance un concours pour recruter 60 agents    Indonésie : Séisme de magnitude 6,1 en Papouasie    Coupe du monde 2026 : l'Afrique du Sud menacée d'une lourde sanction !    USMO : fin de l'aventure pour Victor Musa    Habib Touhami: Quand ressurgissent les fantômes du passé!    Onu-Veto américain à un projet de résolution pour un cessez-le-feu à Gaza    Météo : Soleil et mer calme    Grèves en France : des centaines de milliers de manifestants dans la rue    Open de Saint-Tropez : Moez Echargui qualifié pour les quarts de finale    La BH BANK renouvelle ses interventions sociales en partenariat avec l'Union Tunisienne de Solidarité Sociale    La Tunisie gagne des places dans le classement de la FIFA    Journée internationale de l'ozone : la Tunisie réaffirme son engagement aux côtés de l'ONUDI et de l'ANPE    Vol Paris-Corse : plus de 15 minutes dans les airs... ce qui s'est passé va vous surprendre    Sfax célèbre l'humour à l'hôtel ibis avec ibis Comedy Club    La Bibliothèque nationale de Tunisie accueille des fonds de personnalités Tunisiennes marquantes    Fadhel Jaziri: L'audace et la norme    "The Voice Of Hind Rajab » film d'ouverture du Festival du film de Doha    Mois du cinéma documentaire en Tunisie : une vitrine sur le cinéma indépendant et alternatif    Fadhel Jaziri - Abdelwahab Meddeb: Disparition de deux amis qui nous ont tant appris    1,5 million de dollars pour faire de la culture un moteur de développement en Tunisie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Kumudini, un roman féministe signé Tagore
Littérature
Publié dans Le Temps le 26 - 10 - 2013

Traduit en 2003 en anglais, inédit jusqu'à récemment en France, Kumudini de Rabindranath Tagore que publient les éditions Zulma, rappelle que son auteur n'était pas que poète, mais aussi un très grand romancier qui puisait ses thématiques dans les maux sociaux de son pays
Il y a du Zola et du Tolstoï dans ce roman « transgressif » que les éditeurs de Tagore ont tardé à mettre en avant, sans doute de peur de choquer son lectorat. Il y a cent ans, l'Indien Rabindranath Tagore, originaire de la province indienne du Bengale, recevait le prix Nobel de littérature. Premier écrivain d'Asie à se voir attribuer cette récompense prestigieuse, Tagore n'avait alors que 52 ans et avait écrit essentiellement de la poésie et des chansons en Bengali, sa langue maternelle. C'est cette poésie foisonnante, empreinte d'un romantisme mystique, que le jury Nobel avait tenu à distinguer, donnant un écho mondial à l'originalité de son art poétique. Or dans son pays, Tagore n'est pas seulement poète, il est aussi connu pour ses essais et surtout pour ses romans qui racontent à travers des analyses psychologiques d'une grande sensibilité les heurs et malheurs de la société indienne au tournant du 20è siècle. Il est l'auteur de 8 romans (12 si on compte les longues nouvelles) qui ont révolutionné la fiction bengalie et servent encore de modèles aux romanciers bengalis contemporains tant pour leur traitement lucide des thèmes sociaux et politiques que pour leur capacité à déployer ces thématiques dans toute leur ampleur dramatique et sentimentale.
Découverte tardive
Pour les spécialistes de Tagore, ses romans se répartissent en fiction de la domesticité et fiction politique. Mais toutes les deux catégories ont pour cadre le Bengale du 19è siècle, en proie à des bouleversements intellectuels et sociaux résultant de la colonisation. Cette période connue comme l'époque de la « renaissance bengali » constitue le fond et l'arrière-fond de Kumudini, un roman de la domesticité, qui vient de paraître en traduction française. C'est en 1927 que Tagore commença à écrire « Yogayog » (titre en Bengali, ce qui signifie Relations), en feuilleton, pour une revue littéraire mensuelle, avant de le publier sous la forme de livre deux ans plus tard. Chose étrange, il a fallu attendre le début des années 2000 pour que ce roman soit traduit en anglais, alors que les autres romans et nouvelles du prix Nobel indien ont été traduits depuis belle lurette. On constate le même phénomène pour la traduction en français de ce roman. Il a été oublié par les éditeurs qui se sont pourtant intéressés à l'œuvre de Tagore dès le lendemain de son Nobel. Rappelons que Gitanjali, le recueil de poésies qui valut à l'écrivain le prix Nobel en 1913, fut traduit en français dès 1917 par André Gide en personne, sous le beau titre de L'Offrande lyrique. La traduction de son célèbre roman La Maison et le monde date de 1924 !
Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour lire en anglais ou en français Kumudini qui est sans doute l'un des romans les plus poignants et les plus inspirés du maître ? Pour la traductrice France Bhattacharya, cette découverte tardive tient à l'aspect profondément transgressif de ce roman. En effet, Tagore s'y attaque, à travers une fiction puissante et grave, au poids de la tradition, aux maux du patriarcat et à la place problématique de la femme. Les questions que le romancier y pose sur la place de la femme dans l'hiérarchie familiale, sur son libre arbitre, demeurent encore d'une grande actualité dans la société indienne où la femme n'est toujours pas libre, réduite à son statut peu enviable du « deuxième sexe ».
Quête entravée de la plénitude
« Dans notre pays aussi, lorsque les femmes, libérées des entraves artificielles obtiendront la plénitude de leur humanité, les hommes aussi atteindront leur plénitude », écrivait Tagore en 1922, dans une lettre à un ami. Cette quête de la plénitude constitue le principal mouvement de Kumudini. Elle est incarnée par le personnage éponyme. Jeune femme de dix-neuf ans, issue d'une famille de haute caste de propriétaires terriens, Kumudini a été élevée par son frère aîné, célibataire et athée, qui lui aura tout enseigné : la musique, la littérature, le sanskrit, les échecs, la photographie, les arts. Eduquée dans une culture libérale et humaniste, consciente de ses potentiels, Kumudini connaîtra le drame en s'alliant, dans le cadre d'un mariage arrangé, avec un riche marchand plus âgé qu'elle. Le monde idéal de la jeune femme s'effondre face à la violence morale que son mari tyrannique et rustre exerce sur elle pour la soumettre à sa volonté. Kumudini se rebelle et part rejoindre son frère aîné tant aimé, qui l'accueille à bras ouverts, mais celui-ci ne saura la protéger longtemps contre son destin de femme réduite au silence dans une société traditionnelle où l'homme a toujours et encore le dernier mot. Malgré sa fin tragique, c'est la lente initiation de Kumudini aux cruautés de son monde, sa révolte dont les lecteurs se souviennent, une fois le livre refermé.
Les pages les plus mémorables de ce bildungsroman au féminin sont celles de la clôture où à travers la voix du frère aîné de l'héroïne, le romancier raconte les humiliations et les oppressions auxquelles la société patriarcale soumet ses femmes. Concluant ses propos sur un ton impérial, il rappelle à l'ordre les monstres qui se font passer pour hommes : « Celui qui a créé Kumu (la femme) l'a façonnée avec un immense respect. Personne n'a le droit de l'humilier, pas même un empereur ! »
(MFI)
*Kumudini, par Rabindranath Tagore. Traduit du bengali par France Bhattacharya. Editions Zulma. 380 pages.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.