Le Groupe de la Banque Africaine de Développement a présenté hier à Tunis et plus précisément au siège d'Amen Bank, son rapport annuel 2013 sur l'Afrique du Nord. Intitulé : Croissance résiliente et intégration en Afrique du Nord, le rapport de la BAD s'attache un tant soit peu à travers son étude sectorielle et multidimensionnelle à sensibiliser et fouetter la torpeur des pays de la région pour promouvoir la croissance inclusive, d'édifier les bases d'une croissance résiliente à même d'amortir les chocs endogènes et exogènes que subit la région tout en mettant en avant les opportunités d'une intégration régionale, jusque-là givrée. La conférence de dissémination du rapport a été par ailleurs consacrée au cas de la Tunisie. Les panélistes ont eu à traiter les origines et les solutions aux vulnérabilités qui touchent aujourd'hui l'économie tunisienne post-révolutionnaire. L'Afrique du Nord se bat avec l'énergie du désespoir dans une crise lancinante et triptyque : crise alimentaire mondiale ; crise financière internationale; crise du printemps arabe. La Tunisie n'est pas épargnée et subit directement les contrecoups de cette maldonne. Zondo Sakala, Vice-président de la BAD n'a pas manqué de souligner le volume d'appui financier et technique apporté par l'institution africaine de développement depuis 1963 à la région et en particulier à la Tunisie qui est le deuxième bénéficiaire après le Maroc des garanties et lignes de crédits accordés par la BAD, avec 29,3% du total du portefeuille alloué à la région. L'institution africaine de crédit a ainsi alloué près de 1,3 milliards de dollars à l'économie tunisienne à titre d'assistance technique, de renforcement des capacités institutionnelles. Risque systémique lié à la forte dépendance de l'Europe Vincent Castel, coordinateur principal du programme Tunisie, a donné un petit aperçu sur la situation économique du pays et sur les différentes vulnérabilités induites par l'incapacité de résilience à la crise corroborée en Tunisie à travers les différents gouvernements provisoires, par la forte dépendance vis-à vis de l'Europe et par l'absence d'un plan de développement économique. D'où les chiffres alarmants enregistrés par l'économie tunisienne et leurs retentissements observés au niveau des IDE, du Tourisme, des transferts des migrants et sur le financement des PME (Petites et moyennes entreprises). Le coordinateur principal Tunisie a appelé le gouvernement tunisien à mettre en place un plan de développement clair et à renforcer la capacité d'adaptation de la Tunisie face à la crise. A ce titre, Chedly Ayari, Gouverneur de la BCT a confirmé que la Tunisie continue de naviguer à vue et se suffit des lois de finances complémentaires faute d'élaboration d'un schéma de développement clair et cohérent. Il a rappelé à juste titre le plan de développement baptisé :« Plan de jasmin » initié par Jallel Ayed, ex ministre des Finances dans le gouvernement BCE. Un plan qui n'a pas connu de suite et ignoré qu'il est par le gouvernement Jebali. A défaut de continuité, Jalloul Ayed a fait savoir que le gouvernement de la Troïka en tant que gouvernement politique a choisi un arbitrage politique faisant fi ainsi des revendications de la Révolution à savoir : l'emploi et le développement régional. Clés de succès : un gouvernement fort, un Etat de droit, une société civile et une justice forte et indépendante « Seul un gouvernement fort pourrait donner sa force coercitive pour que la Tunisie reprenne de plus belle. Les déterminants de succès sont quatre : la société civile, une justice indépendante et forte, un gouvernement fort et un Etat de droit », estime M.Ayed. Jalloul Ayed, qui a d'ailleurs approuvé par ailleurs le constat fait par les autres panélistes. Il affirme que la Tunisie subit un risque systémique lié à sa forte dépendance du marché européen. Jalloul Ayed a mis l'accent sur la nécessité de diversifier les marchés cibles et de mettre en place un nouveau modèle de développement, de lancer des réformes structurelles au profit des PME et des TPE (très petites et moyennes entreprises) tout en révisant le système de compensation qui coûte quand même au budget de l'Etat, 6 milliards de dinars. Pour sa part, Jacob Kolster, directeur régional Afrique de Nord à la BAD a mis le « curseur »sur les fragilités qui mettent en péril les rouages économiques et qu'il convient d'annihiler à savoir : le recrutement massif dans la fonction publique, les subventions nocives, le manque de sécurité et surtout l'absence d'un modèle économique. L'ex-ministre des finances a appelé par ailleurs à la nécessité de promouvoir l'investissement marchand ou privé, qui demeure la locomotive principale de la croissance inclusive. Mais faut-il au préalable débarasser le secteur privé aussi bien de ses maux structurels que conjoncturels ? Dans ce même ordre d'idées, Douja Ghrabi, Vice-présidente de la CONECT n'a pas mâché ses mots pour invoquer les principales entraves qui paralysent actuellement le secteur privé à savoir : l'absence de vision et dé visibilité, les carences sécuritaires et la poussé du terrorisme sans omettre l'absence de mesures en faveur des investissements productifs et la persistance des problèmes sociaux. « Aujourd'hui, nous perdons des clients », déplore-t-elle Les différents panélistes ont été unanimes pour dire que l'économie tunisienne est aujourd'hui malade de son modèle de développement voire de l'absence d'un schéma économique clair et précis. L'imbroglio politique ajouté à la menace terroriste qui étend dangereusement ses tentacules à travers le pays, (à n'en retenir que les actes terroristes d'hier survenus simultanément à Sousse et à Monastir), des fulmines qui tuent simplement l'économie nationale.