Le cinquième de la population tunisienne ne consulte pas un médecin à cause de la pauvreté. C'est ce qu'a prouvé l'enquête nationale de la santé l'année dernière. Ce constat est le moins que l'on puisse dire, affligeant. Un autre constat plus inquiétant a été révélé par la même enquête. Il dévoile l'ampleur des inégalités entre les zones rurales et les zones urbaines dans le domaine de la santé. Malheureusement, 20 % des dépenses directes des ménages mènent à l'appauvrissement en Tunisie. Ces données ont été exposées hier, par le Professeur Chokri Arfa, économiste lors d'un débat organisé par l'Observatoire National des Inégalités Sociales de Santé (ONISS). Les intervenants ont constaté la gravité de ce problème épineux. Ils ont proposé également un ensemble de mesures pour réduire l'écart entre les pauvres et les riches d'une part et les citoyens qui habitent dans les zones rurales et ceux qui résident dans les zones urbaines. La Tunisie est malade de son système de santé. Nul ne peut nier que ce secteur vital souffre de plusieurs problèmes à cause de l'absence de stratégie claire et bien ficelée et qui prenne en considération aussi bien l'intérêt de l'Etat que le pouvoir d'achat des bénéficiaires de ces prestations, à savoir les ménages. Ces derniers sont d'ailleurs, sanctionnés doublement. Ils sont les principaux acteurs de circulation des flux financiers du secteur avec 45, 1 % contre 26,3 % seulement réservés à l'Etat. Dès lors une grande partie de la population tunisienne est confrontée à des charges et des dépenses faramineuses pour se soigner. Certains patients se trouvent même confrontés à la pauvreté à cause des dépenses qualifiées par les spécialistes de « catastrophiques ». A cet égard, le professeur Chokri Arfa précise que : « 20 % des Tunisiens se trouvent obligés de payer très cher leurs traitements médicaux, ce qui risque de les appauvrir ». Les maladies chroniques Autre fait inquiétant soulevé par le Professeur Arfa est que « la présence d'une maladie chronique est associée avec une probabilité plus élevée de subir des dépenses catastrophiques dans la santé (DCS). A cela s'ajoute les coûts d'hospitalisation très chers, d'où le risque d'appauvrir les patients ou leur famille. D'ailleurs, les ménages dont le chef est une femme, sont plus exposés aux DCS », explique l'économiste. Il ajoute à ce niveau que ce problème se pose avec acuité dans les zones rurales. Il existe même un écart entre les citadins et les citoyens qui vivent dans les zones rurales. Malheureusement, « les ménages en milieu rural sont plus exposés aux DCS ». En revanche, les ménages du quintile des riches sont deux fois moins susceptibles de s'exposer aux dépenses catastrophiques de santé. Cela prouve les inégalités entre les riches et les pauvres, les zones rurales et celles urbaines, d'où la nécessité de résoudre les problèmes qui se posent dans le domaine en révisant un ensemble de procédures. Il est essentiel de « décentraliser les décisions et d'élaborer une politique claire de médicaments et de ressources humaines sur l'ensemble du territoire », recommande le spécialiste. Il importe aussi de créer une complémentarité entre le secteur public et le secteur privé et de mettre en œuvre des interventions visant les déterminants sociaux de la santé. Pour conclure son intervention, le Professeur Arfa insiste sur la nécessité de développer les régimes de pré-paiement car ils permettent de réduire le risque financier lié à la maladie, aux dépenses catastrophiques, donc à l'appauvrissement et les inégalités. Il serait par ailleurs, judicieux de « faire des choix stratégiques de santé en faveur des plus démunis et d'envisager des choix structurels en milieu défavorisé », recommande le spécialiste en économie.