Après de longues tractations stériles la séance de dialogue national tenue mercredi dernier n'a abouti à rien. Les participants se sont mis d'accord pour le report des discussions à aujourd'hui, vendredi 13 juin 2014. Plusieurs partis politiques ont campé sur leur position au sujet de la simultanéité des scrutins présidentiel et législatifs ou leur séparation et les participants au dialogue national avaient quitté la réunion, sans trouver le consensus escompté. Une nouveauté étrange, plusieurs partis politiques ont vite fait de se rapprocher des positions d'Ennahdha en optant pour la simultanéité des deux scrutins . On parle de quatre partis versatiles. Hier, le porte-parole du parti Afek Tounes, Faouzi Ben Abderrahman, a annoncé, que son parti a décidé de boycotter la séance du Dialogue National prévue pour aujourd'hui. Il a expliqué cette décision par l'absence d'accord, lors des séances précédentes du Dialogue National au sujet des problèmes examinés. Tout le monde s'inquiète quant à l'issue de la crise actuelle relative à la fixation d'une date pour la tenue des prochaines échéances. Lors de la deuxième conférence portant la création d'un tribunal constitutionnel international, le président provisoire de la République a exprimé son engagement à rapprocher les points de vue des différents partis politiques. Pour lui, le consensus serait la meilleure solution. Le Bâtonnier Me Mohamed Fadhel Mahfoudh, à la tête du Conseil De l'Ordre des Avocats, une des quatre organisations parrainant le Dialogue National est optimiste quant à l'aboutissement de la séance d'aujourd'hui. Il estime que le report était prévisible. Il déclare au Temps : « Il s'agit d'une décision importante qui va dessiner l'image politique du pays. Toutes les revendications sont légitimes. Chacun a ses comptes et ses intérêts. Maintenant il faut se serrer les coudes. Vendredi ce n'est pas trop tard. Ni très tôt non plus. Nous avons essayé toutes les hypothèses et à chaque fois, le consensus n'est pas atteint. Le seul consensus trouvé est que tout le monde préfère que la décision soit prise par le Dialogue national qui n'est pas en concurrence avec l'Assemblée Nationale Constituante (ANC). Il est bon pour le schéma futur que les décisions soient consensuelles et ce, durant toute la transition démocratique qui ne sera pas achevée avec les élections de 2014. Je suis optimiste pour la séance d'aujourd'hui. Les décisions au Dialogue national ne se prennent pas à la majorité. Le consensus, ce mot magique, sera obtenu. Je pense que la classe politique est assez mûre pour prendre la décision adéquate ». Le Pr. Kaïes Sayed, constitutionnaliste et observateur averti de la scène politique tunisienne ne se fait pas d'illusions. Pour expliquer les retards enregistrés par le Dialogue national, il affirme au Temps : « Il faut prendre en compte le fait que les raisons qui avaient conduit au Dialogue national en été 2013, ne sont plus les mêmes. Ce-ci est de nature à faire perdre à ce dialogue le poids qu'il avait auparavant. Les équilibres ne sont plus les mêmes. Et les enjeux sont autres. Donc le cadre lui-même n'est plus approprié. Il fallait avoir cela à l'esprit. La majorité qui n'est plus au gouvernement est paradoxalement plus forte qu'elle ne l'était lorsqu'elle était au pouvoir. En plus chaque parti a ses calculs et ses desseins. L'opposition qui constituait une majorité en l'été 2013, n'en est plus une. Chacun essaie de tirer profit de la situation actuelle. Donc, la situation a changé et le cadre ne répond plus. Les acteurs ne sont plus dans la même position d'il y a quelques mois. Par ailleurs, le problème n'est pas juridique. Chacun trouve dans le texte de la Constitution, l'argument qui consolide sa position. Facilement l'autre partie trouve l'argument dans le sens contraire. Le problème est foncièrement politique. Tout le problème est que celui qui considère qu'il a plus de chance de gagner la présidentielle, s'ingénie pour qu'on commence par la présidentielle. L‘autre partie croit que ses chances sont réelles pour avoir la majorité des sièges au sein de la future assemblée. Dans tout cela, malheureusement l'électeur est absent. Les partis politiques ont choisi le mode de scrutin et veulent choisir le moment favorable pour réaliser leurs objectifs, comme si les Tunisiens étaient un bétail d'électeurs. Par ailleurs, la versatilité d'un certain nombre de partis qui changent de positions au cours de la même réunion, traduit bien que cet enjeu est politique et montre que les accords sont en train d'être faits. Dans tous les cas cela aura des répercussions très néfastes sur le taux de participation des Tunisiens dans les prochaines élections, au cas où elles ont lieu. Il y a un sentiment général d'apathie du pouvoir, de rejet et de méfiance à l'égard des acteurs politiques. Ce sentiment se renforce de jour en jour. La solution sera politique et celui qui en bénéficiera ne sera toujours pas le peuple. Quels que soient les résultats des négociations d'aujourd'hui, les Tunisiens méritent mieux ».