Sous la menace du recours à l'ANC pour trancher, les participants au Dialogue national se trouvent dans l'obligation de s'entendre et de fixer, après-demain, l'ordre des scrutins législatif et présidentiel A force de reporter à chacune de ses réunions la décision définitive à propos de l'ordre des scrutins présidentiel et législatif, le Dialogue national, piloté par le Quartet, donne désormais l'impression qu'il fait du surplace. On a également le sentiment que Hassine Abbassi, secrétaire général de l'Ugtt, plaque tournante du Quartet parrain du Dialogue national, n'est plus aussi enthousiaste pour finir le travail comme le prévoit la feuille de route qui a été, faut-il le rappeler, à l'origine de la formation du gouvernement de compétences apolitiques dirigé par Mehdi Jomâa. Samedi 7 juin, le Dialogue national réuni pour trancher l'affaire relative à l'ordre des scrutins électoraux tant attendus et examiner la proposition formulée par Béji Caïd Essebsi selon laquelle on pouvait commencer par le premier tour de l'élection présidentielle puis organiser, le même jour, le deuxième tour de la présidentielle et les législatives, a finalement décidé que c'est mercredi prochain que la décision finale sera connue. Mais avec cette fois une nouvelle donne. Abassi a, en effet, précisé qu'il «n'est pas question de s'en remettre à l'Assemblée nationale constituante» pour prendre la décision que les partenaires au Dialogue nationale peinent à mettre en œuvre, dans l'esprit consensuel ayant présidé jusqu'ici aux réunions parrainées par le Quartet. La précision du S.G. de l'Ugtt n'est par fortuite. Elle répond, en réalité, à ceux qui appellent à ce que l'ANC prenne les choses en main dans la mesure où le temps presse, que les Tunisiens ne peuvent plus attendre ce qui sortira des réunions interminables du Dialogue national et qu'en définitive c'est bien l'ANC qui est mandatée par la Constitution pour fixer la date des élections et pourquoi pas l'ordre des scrutins. En plus clair, ceux qui soutiennent cette idée reviennent à la menace brandie régulièrement par Ennahdha et les petits partis gravitant dans sa sphère selon laquelle la Constituante demeure la seule institution constitutionnelle élue et que c'est aux constituants que revient le dernier mot concernant le parachèvement du processus électoral comme le stipule la feuille de route signée par les partis participant au Dialogue national. Sauf que le Quartet essaye toujours d'éviter, par tous les moyens, comme ce fut le cas lors des négociations sur la formation du gouvernement Jomâa, que l'affaire de la fixation de l'ordre des scrutins soit transférée à l'hémicycle du Bardo où tout pourrait être remis en question, y compris l'accord déjà convenu sur le principe de la séparation de l'élection présidentielle des élections législatives. Et c'est dans cet esprit que l'on peut saisir les significations de la petite phrase contenue dans la déclaration de Abbassi : «Nous parions encore sur le consensus pour parvenir à une décision à même de donner au peuple l'assurance que les élections pourront avoir lieu à l'échéance fixée avant la fin de l'année en cours comme le stipule la Constitution» . Reste à savoir si les partis politiques sont disposés à revoir d'ici mercredi 11 juin leurs positions et à les assouplir dans le but de sortir de l'impasse dans laquelle se trouve le Dialogue national. Une solution à écarter à tout prix Pour Noureddine Ben Ticha, membre du comité directoire de Nida Tounès, «le retour à l'ANC pour décider de l'ordre des scrutins est une éventualité à écarter à tout prix puisque c'est l'essence du Dialogue national même qui est menacée dans la mesure où la grande majorité des constituants s'accrochent encore à une légitimité périmée depuis plus de deux ans et ont déjà montré qu'ils ne croient pas au Dialogue et qu'ils ne font que privilégier les choix qui servent les intérêts de leurs propres partis». «Quant à Ennahdha qui souffle toujours le chaud et le froid, ajoute-t-il, elle est tenue de montrer qu'elle place l'intérêt du pays au-dessus de ses propres calculs. Les autres partis encore indécis et dont les positions changent au gré des jours finiront par se ranger du côté du consensus qui se dégagera de la réunion de mercredi prochain». «Pour ce qui est de la souplesse dont parle Hassine Abbassi, au sein de Nida Tounès, nous avons déjà prouvé que nous sommes pour les solutions consensuelles», conclut-il. Non au diktat d'Ennahdha Jilani Hammami, porte-parole du parti des Travailleurs et membre du Front populaire, réagit à ce qu'appelle Hassine Abbassi l'intransigeance affichée par certains participants au Dialogue national. «D'abord, il faudrait s'entendre sur ceux qu'on pourrait qualifier d'intransigeants dans leurs positions. Ce sont à ma connaissance ceux qui se cramponnent à leurs choix initiaux, et ce, en dépit de l'évolution du débat général vers des solutions à caractère consensuel. Or, il se trouve que c'est bien Ennahdha qui tient toujours à ce que les élections législatives se déroulent avant l'élection présidentielle bien que le courant général au sein du Dialogue national penche pour l'avis contraire». «Et si au sein du Front populaire, nous sommes intransigeants, quelque part, c'est bien contre le diktat des autres partis et principalement d'Ennahdha dont les positions cachent des intérêts partisans n'échappant plus à personne», souligne-t-il en conclusion. Va-t-on inéluctablement vers la bipolarisation ? Au parti Al Qotb, les choses sont claires. «La concomitance qu'Ennahdha cherche à imposer en dernier lieu, à travers l'ANC, si ses exigences ne sont pas satisfaites, brouillera les cartes et compliquera le jeu démocratique», précise Riadh Ben Fadhl, secrétaire général du parti. «Aborder la solution ‘‘premier tour de la présidentielle, deuxième tour concomitant avec les législatives'' est l'expression même d'une «bonne solution» qui n'en est pas une, car elle risque de consacrer une bipolarisation néfaste à la jeune transition démocartique», relève-t-il. Du côté d'Ennahdha, on s'accroche toujours à la concomitance des élections pour les considérations qu'énumère Noureddine B'hiri, membre du bureau exécutif. «D'abord, le strict respect des dispositions de la Constitution. EnsuIte, garantir que les élections présidentielle et législatives se déroulent avant fin 2014. Enfin, la concomitance permettra de tenir l'institution présidentielle à l'écart des tiraillements entre les partis politiques. Aujourd'hui, nous avons besoin d'un président de la République qui sera au-dessus de la mêlée. Le fait d'élire le président de la République en premier lieu pourrait l'obliger de se compromettre dans la campagne électorale des candidats à la députation appartenant à son parti». B'hiri évoque également le coût financier et sécuritaire de l'opération électorale, estimant qu'il «est préférable que les deux scrutins législatif et présidentiel aient lieu le même jour». Il reste encore deux journées (aujourd'hui et demain) pour que nos partis politiques finissent par s'entendre sur la décision que tout le monde attend bien que beaucoup de Tunisiens ne se sentent plus concernés par ces élections devenues au fil des jours un mirage difficile à atteindre. D'ailleurs, les derniers sondages d'opinion prédisent un taux d'absentéisme qui pourrait chambarder bien des calculs au cas où il se confirmerait le jour J.