La lenteur qui accompagne les inscriptions sur les listes électorales, n'est pas un signe encourageant pour la participation aux prochaines élections. Jusqu'à avant-hier, ils étaient à peine 40 mille à s'être inscrits. Quelles sont les raisons de ce manque d'engouement? Déjà aux premières élections après la Révolution le nombre des inscrits était pratiquement de moitié par rapport à la population en âge de voter. Trois ans après, pour le scrutin qui va doter le pays d'instances permanentes, on ne se bouscule pas devant les bureaux d'inscription. Les raisons de ce manque d'intérêt sont-elles techniques, afférentes à des problèmes d'information, ou plutôt fondamentales ayant trait à une position vis-à-vis de la classe politique ? Kaïes Sayed, constitutionnaliste et observateur averti de la scène politique, tempère et dira que, même en 2011, au 31 Juillet, seuls 300.000 s'étaient inscrits. Il déclare au Temps : « C'est au prix de beaucoup de travail de l'ancienne ISIE pour les inscriptions dans les aéroports, festivals, plages, centres de commerce, pour arriver à 4 millions. Le peu d'affluence constaté dans les inscriptions sur les listes électorales, exprime une position. L'abstentionnisme est une position politique. Ce refus de s'inscrire sur les listes électorales traduit une position de l'électeur tunisien. Les sondages d'opinions montrent que 50% des électeurs sont encore indécis. Aujourd'hui, c'est un problème de refus et de rejet. On le sent dans la rue. Il y a un rejet de la classe politique et une apathie du pouvoir. En 2011, presque la moitié des électeurs n'ont pas voté le lendemain d'un mouvement révolutionnaire. Aujourd'hui, même le capital confiance de 2011, s'est effiloché au fil du temps. Ceux qui étaient au pouvoir doivent se poser la question. Ils ne l'ont pas compris. Même après l'appel du chef d'Etat pour inciter les citoyens à aller s'inscrire n'a apparemment pas produit son effet. L'abstention est une position. Il faut s'attendre à une grande abstention le jour du scrutin. C'est très grave pour des élections qui se déroulent en absence de l'électeur. C'est aussi le cas de l'Egypte. 19% seulement, selon certaines sources, ont participé au vote. En Libye, très peu ont participé aux élections. Quelque chose de nouveau est en train de se passer et que les hommes politiques doivent comprendre. Nous avons une Constitution nouvelle et de nouvelles élections, avec une pensée politique devenue désuète et caduque. C'est ce qui explique le manque de confiance des citoyens dans la classe politique, toutes tendances confondue». Moëz Bouraoui, président de l'Association Tunisienne pour l'Intégrité et la Démocratie des Elections (ATIDE), fort de son expérience dans l'observation des dernières élections explique le manque d'affluence, entre autres, par le déficit de la campagne de communication. Il affirme au Temps : « La campagne de communication et de sensibilisation n'a pas été faite à temps. Elle devait commencer au plus tard quatre ou cinq jours avant le démarrage des inscriptions. Cette défaillance ne peut qu'impacter le processus électoral. D'autres problèmes techniques se posent comme les SMS et l'utilisation du téléphone portable. Certaines zones ne sont pas couvertes par le réseau. La complexité de l'opération SMS est à relever. Cet outil n'est pas adapté à 24 ou 25% des électeurs analphabètes. Il n'y a pas de panneaux de signalisation indiquant l'emplacement des bureaux d'inscription. Si les inscriptions continuent à ce rythme, c'est une catastrophe électorale ». L'ISIE pourra-t-elle intervenir ? Avec son calendrier électoral, qu'elle a soumis à l'ANC, elle s'est privée de toute chance de prolonger la période d'inscription. L'ISIE a cessé de publier des statistiques sur l'avancement des inscriptions. Ce n'est pas un message rassurant sur l'avancement de l'opération.