• "Tout citoyen tunisien détenteur de la carte d'identité nationale, âgé de 18 ans au moins, est considéré comme électeur, même s'il ne s'est pas préalablement inscrit sur les listes électorales", explique le président de l'Isie • Un électeur sur quatre est déjà inscrit jusqu'à hier C'était prévisible. Le report des délais d'inscription sur les listes électorales jusqu'au 14 août s'imposait. Si, d'après le communiqué de l'Instance supérieure indépendante des élections, cette décision a été prise pour "permettre aux citoyens tunisiens d'accomplir au mieux leur devoir électoral, tout comme elle vient répondre à l'affluence de plus en plus importante vers les bureaux d'inscription", la vérité est que face aux résultats décevants, l'Isie s'est trouvée acculée à revoir son chronogramme en accordant une douzaine de jours supplémentaires aux retardataires. En effet, au fil des journées, on constatait, non sans amertume, que les bureaux aménagés dans les différentes localités du pays pour accueillir les citoyens désireux de s'inscrire sur les listes électorales ne connaissaient pas l'affluence attendue. Au dernier jour du délai initialement prescrit, c'est-à-dire hier, le compteur affichait quelque deux millions d'inscrits sur un potentiel estimé à 8 millions, soit un Tunisien sur quatre. Dont très peu de femmes et de jeunes, 20% selon les dernières estimations. L'opération s'est donc avérée plus compliquée que prévu et il fallait trouver d'autres solutions de recours pour faire le plein des électeurs. Côté communication, l'Isie a mis en place un plan média avec des campagnes de sensibilisation dans différents supports, des affichages, des encarts dans les journaux, des spots TV, des bannières Internet, voire des annonces par haut-parleurs dans les villages de l'intérieur du pays. Mais aussi, en multipliant les centres d'inscription et en augmentant le nombre des agents initialement formés pour les besoins de la cause. Pour le mois de Ramadan, les horaires ont été réajustés de 8h00 à 16h00 avec des bureaux mobiles le soir dans les grandes surfaces qui connaissent une grande affluence, les autres lieux comme les hôpitaux par exemple. L'objectif étant d'aller à la rencontre des citoyens là où ils se trouvent. Les raisons de cette démobilisation ne peuvent pas être expliquées par la seule chaleur, mais aussi par cette perplexité devant un paysage politique illisible avec une multitude de partis qui poussent comme des champignons, ou encore par un certain scepticisme face à une transition qui tarde à se dessiner et l'incurie d'une classe politique incapable de se hisser au niveau des attentes des citoyens. Mais il faut dire que le texte de la loi électorale a, par sa rigidité, verrouillé la démarche dans le but de rompre définitivement avec les pratiques de l'ancien régime en matière d'élections, ce qui est clairement stipulé dans le préambule, lequel préambule est généralement réservé aux lois fondamentales et aux constitutions. Partant de là, l'Isie a mis en place un plan avec un calendrier précis comprenant notamment les inscriptions sur les listes électorales, comme préalable à la participation au scrutin du 23 octobre prochain. Comptant par là sur le volontarisme, le civisme et l'engouement des citoyens. Ce qui ne fut pas le cas au cours des premiers jours. Et même après la prorogation du délai, on espère, tout en gardant un brin d'optimisme, approcher le taux de 50%. Avec une moyenne de 200.000 inscriptions par jour, l'opération parait faisable. Soit. Mais peut-on organiser les premières élections libres, transparentes et démocratiques du pays avec la moitié des électeurs ? Sans compter le risque d'un taux d'abstention assez élevé ? Ne courrait-on pas vers un fiasco total ? Que faire alors ? Bien que peu disert sur ce plan, M.Kamel Jendoubi, le président de l'Isie, qui, tout en renvoyant à l'article 6 de la loi électorale et en confirmant que les élections auront lieu à la date prévue, a fini par expliquer que "tout citoyen tunisien détenteur de la carte d'identité nationale, âgé de 18 ans au moins est considéré comme électeur, même s'il ne s'est pas préalablement inscrit sur les listes électorales". C'est-à-dire qu'on va exploiter la base de données existante ? "La loi nous oblige à utiliser la base de données des cartes d'identité nationale. Les personnes qui ne se sont pas volontairement inscrites, seront basculées dans les circonscriptions conformément à l'adresse indiquée sur leurs cartes d'identité. Toutefois, elles pourront, si elles le désirent, s'adresser aux Instances régionales pour changer de bureau de vote, mais toujours dans la même circonscription". Pourquoi alors cette procédure d'inscription volontaire ? "L'objectif est de permettre aux Tunisiens d'exercer leur citoyenneté, en toute liberté et dans un esprit volontariste". Message pas bien reçu malheureusement. Voilà, donc, qui est clairement dit et qui pourrait mettre fin à toutes les spéculations, rassurer les sceptiques et renvoyer les Cassandres à leurs prédictions. Sur un autre plan, on compte sur les inscriptions exceptionnelles prévues dans l'article 9 du code électoral et qui concernent les personnes ayant atteint l'âge de 18 ans, les militaires et les agents des forces de sécurité qui auront perdu cette qualité et les personnes ayant recouvré leurs droits civiques. Quelques milliers tout au plus. Mais là où l'opération s'avère un peu plus compliquée, c'est que les inscriptions des Tunisiens à l'étranger sont encore timides. Déjà, quelques jours avant le démarrage prévu le 11 juillet dernier, les préparatifs n'étaient pas au point et la base de données qui devait être réalisée par les services diplomatiques à partir d'un fichier unique n'était pas encore prête. De même qu'en cette période de vacances, les services consulaires tournent au ralenti. Pas de renfort, les moyens ne le permettent peut-être pas. Face à cette situation, l'Isie a pensé à la réservation des bureaux pour nos compatriotes rentrés en vacances. Ils peuvent s'adresser à n'importe quelle Instance régionale pour s'inscrire sur présentation de la carte d'identité et de la carte consulaire, ou sur présentation du passeport. Douze semaines nous séparent de l'échéance du 23 octobre et beaucoup de choses restent encore à faire. Le décret de convocation des électeurs devra être publié dans le Jort au plus tard le 23 août. Alors que l'ouverture des candidatures aux élections de l'Assemblée nationale constituante est prévue du 1er au 7 septembre. Avec la mise en application du fameux article 15 du code électoral. Ce qui s'annonce difficile, puisque rien n'est encore clair concernant les interdictions émises à l'égard des personnes ayant assumé des responsabilités au sein de l'ancien RCD ou encore celles ayant appelé l'ancien président à se représenter en 2014. Le temps presse et la mobilisation doit s'intensifier. Un élan citoyen est plus que nécessaire pour assurer le bon déroulement de l'opération électorale et faire de la date du 23 octobre prochain, une date symbole qui augurera un véritable tournant dans l'histoire de la République.