Les soubresauts, les renversements de tendances au sein de la plupart des partis politiques ainsi, d'ailleurs, que les mouvements d'humeur font que les Tunisiens, appelés à sceller prochainement leur sort dans les urnes, n'ont toujours pas de visibilité. Et cela explique, en premier lieu, la faible affluence sur les bureaux de vote, eux aussi indifférents et ne fournissant leurs prestations qu'au compte-gouttes. Cela fait que le contexte politique, ou les enjeux finaux s'annoncent à priori, biseautés, alimente des tourments réellement existentiels chez ceux qui sont conscients de la gravité de la situation. Car, selon toute vraisemblance, l'Histoire s'apprête à déclencher l'une de ses accélérations vertigineuses, psychédéliques même et qui façonneront notre existence pour les années à venir. La vérité est que le désenchantement des Tunisiens et, particulièrement, celui des jeunes face à la manière dont la Révolution a été récupérée par la classe politique et les prétendus libres-penseurs, ne saurait servir d'alibi à la désaffection ambiante. Plus de trois ans après, on a l'impression que la destitution du régime était une fin en soi. Et une fois affranchis, les Tunisiens n'ont pas su quoi faire de leur liberté. Bien au contraire, cela aura donné libre cours à une purgation des passions (comme le disait Aristote), où tous les instincts de violence, de rancœur et de libertinage se déchaînent, privant la société de ses repères et attisant les poisons des divisions tribales et ethniques. Or, si les Tunisiens sont tant englués dans la sclérose sociale et l'abîme économique, les politiques engoncés pour leur part, dans leurs calculs égoïstes et étriqués, contribuent à l'épaississement du brouillard. Nous devons (et nous l'aurons voulu) subir des agressions idéologiques (extrême gauche / extrême droite), avec leur simulacre de bipolarité qui n'est, pourtant, plus de ce monde depuis la fin des blocs. Nous devons encore (et nous l'aurons aussi voulu), livrer nos âmes aux professions de foi de l'Islam politique. Nous devons encore (et là, nous l'aurons vraiment voulu), assister, impuissants, à l'installation d'une Démocratie gouvernée, d'une démocratie consentante et « bénir » les germes dictatoriaux qui sont dans son essence. Car, telles que se présentent les choses dans l'échiquier (déjà verrouillé ?) et face à cette désaffection « citoyenne », nous sommes bons pour être des cobayes politiques.