Lorsque certains ont évoqué la possibilité de la reproduction du scénario égyptien en Tunisie, au temps du gouvernement de la Troïka et suite à l'assassinat de Mohamed Brahmi, les voix des Islamistes se sont élevées pour dénoncer, sévèrement, les auteurs de cette supposition et crier au complot. Des analystes ont réagi par rapport à ces contestations en affirmant que si ce n'était le départ de la Troïka, on ne le répètera jamais assez, sous la pression de la société civile et politique, notre pays aurait connu le même sort que ce pays frère. Les similitudes entre les deux sièges des révolutions du « Printemps arabe » ne relèvent pas de simples spéculations fantaisistes, mais elles sont bien réelles, et c'est logique, vu que ces événements se sont produits dans les mêmes circonstances et dans la même conjoncture. Et comme on dit, les mêmes causes produisent les mêmes résultats. La désillusion de l'Islam politique Dans les trois pays de ce « Printemps arabe », ce sont les Islamistes qui ont succédé aux régimes déchus par le biais d'élections honnêtes, transparentes et libres. C'est ce qu'on nous en a dit. Mais, en vérité, ces caractéristiques démocratiques par excellence n'étaient que de simples slogans creux, vu qu'on n'en a rien vu sur le terrain où le rachat des voix se faisait au su et vu de tout le monde et où les électeurs étaient en butte à des intimidations de la part des islamistes. Et en dépit de ces vices qui ont affecté ces élections et dont tous les Tunisiens, qui se sont rendus aux bureaux de vote, étaient des témoins oculaires, la machine de propagande occidentale s'est mise en marche pour en polir l'image et les présenter comme étant une grande réussite et un modèle à suivre. Cette page était, très vite, tournée dans l'ensemble des pays du « Printemps arabe », et, au bout de quelque temps d'expérience au pouvoir variant d'un pays à l'autre en fonction des spécificités locales, les Islamistes quittent le pouvoir, prématurément, et sont abandonnés par leurs protecteurs, ceux qui les y ont portés. Ils étaient discrédités par leurs populations respectives pour incompétence flagrante ayant abouti à des situations presque chaotiques à tous les niveaux. L'autre raison capitale qui a précipité leur départ, c'était le fait que la politique qu'ils menaient n'avait rien à voir avec l'agenda révolutionnaire. Après une entrée en fanfare, les Frères sortent par la petite porte ou plutôt par la lucarne. Et du coup, ils ont fait dissiper l'espoir placé en eux par leurs commanditaires qui croyaient que le moment était venu pour relancer un processus qui était mis en veilleuse, pendant des décennies. Ce projet qui leur tient tant à cœur est « Sice-Pico II». « Il consiste en un projet lié au « Printemps arabe » avec la montée au pouvoir des Frères musulmans en Tunisie, en Egypte et en Libye et la possibilité de répandre leur pouvoir à d'autres pays du Maghreb et du Moyen Orient grâce à une coordination avec la Turquie et le Qatar », affirme Alaya Allani, le spécialiste des mouvements islamistes. L'échec dudit projet était amorcé avec la chute de Morsi. Selon des études parues récemment, au lendemain du « Printemps arabe », le courant de l'Islam politique visait au-delà de l'accession au pouvoir, son but non déclaré, c'était de réaliser des changements géostratégiques profonds dans la région. Mais quand ils ont réalisé qu'ils ont misé sur des rossinantes, Les Américains et leurs alliés européens se sont tournés vers « Daech ». L'annonce par cette organisation terroriste de l'instauration de son califat constitue, donc, la deuxième phase de la reconstitution de la carte de la région, c'est-à-dire de la relance de « Sice-Pico II ». La Sainte-Alliance Après leur destitution en Egypte et l'inscription de leur parti sur la liste des organisations terroristes, ils sont passés à la violence. Et le pays était transformé en poudrière. En Libye, la réaction des Islamistes, suite à la grande débâcle qu'ils ont essuyée aux législatives du 25 juin 2014, où ils ont remporté seulement 30 sièges sur les 200 que comporte le nouveau parlement, a pris des proportions encore plus énormes en raison du chaos qui règne dans un pays en ruine, où l'Etat est absent et qui est livré au bon vouloir des milices qui pullulent comme des champignons. Là, il n'y a pas d'amalgame, les jeux sont clairs, Ansar Charia et les Frères musulmans font front commun. Le terrain libyen a le mérite de dévoiler certaines vérités très contestées par certains, il met à nu tous les subterfuges dont usent les adeptes de l'Islam politique de chez nous. Leurs connivences avec les salafistes ne sont plus à prouver. A partir du moment où les Frères de Libye sont les alliés d'Ansar Charia, leur relation avec celle-ci est établie par analogie. Au-delà de ce fait, les événements attestant cette vérité sont si nombreux et si notoires que ni eux, ni leurs amis « démocrates », ceux qui misent sur leur masse électorale pour s'assurer une place au soleil, ne peuvent plus démentir. Pourraient-ils nier la couverture fournie par Ali Laârayedh à Abou Iyadh lors de sa « fuite » de la mosquée Al Fath ? Le visa accordé au parti de ce dernier par la Troïka ? Les leçons prodiguées par le président d'Ennahdha à des salafistes ? La mise en liberté de plusieurs jihadistes sur instructions du pouvoir exécutif ? L'acception très tardive d'interdire Ansar Charia comme organisation terroriste sur l'intervention américaine ? La présence d'éléments salafistes préconisant le jihad au sein du mouvement Ennahdha, à l'instar de Habib Ellouze et Sadok Chourou ? ... Et si cette Sainte-Alliance entre l'Islam politique et Ansar Charia ne s'est pas encore manifestée ne serait-ce pas parce que les premiers ont quitté le gouvernement mais pas le pouvoir, comme l'a dit le président de leur parti ? C'est ce que soutient un bon nombre d'analystes. En d'autres termes, nos Islamistes abandonneraient-ils le jeu démocratique si jamais le verdict électoral ne leur était pas favorable ? Emboiteraient-ils le pas à leurs Frères égyptiens et libyens ? Aussi bien les expériences des pays voisins de l'est que la menace proférée par Ghannouchi à la veille des résultats des élections de 2011, le laissent supposer. N'a-t-il pas menacé de faire descendre ses partisans dans la rue si jamais son parti ne remportait pas les élections ? Cela sans oublier que le projet des islamistes ne diffère pas de celui des jihadistes : le califat. La seule différence entre les deux groupes c'est que l'un affiche ses idées clairement, alors que l'autre essaye de les camoufler, que ce soit par le double discours ou bien par des lapsus, à l'image de celui du « sixième califat ». Jusqu'à quand va-t-on continuer à voir les choses à travers le prisme de ces idées vaseuses et ces faux-fuyants ?