A peine sorti de sa maison, dans les rues, dans les administrations, dans les espaces publics, dans tous les moyens de transport, dans les écoles, les facultés, sur la route, dans les supermarchés, dans les lieux de culte, bref, où que vous alliez, vous ne manquerez jamais de remarquer toutes ces monnaies courantes qui prennent de plus en plus corps dans notre vie, entendons toutes ces frictions, ces engueulades, toutes ces insultes, toutes ces menaces, toutes ces intimidations, tous ces propos sexistes, tout ce langage coloré destructif et irrespectueux, ces affrontements physiques qui se banalisent de plus en plus... Nous sommes en train de nous noyer dans cette ère de l'effondrement des valeurs sans la moindre réaction, avons-nous l'impression. Et au train où en vont les choses il nous sera difficile de nous extirper de cette ambiance pétaudière, de cet environnement de taverne de plus en plus submergeant. Ce sont toutes ces assuétudes, tous ces signes qui seraient en partie responsables du désintérêt grandissant des citoyens envers le phénomène politique en général, par exemple. Au jour d'aujourd'hui nous l'avouons à notre corps défendant, personne ne peut nier ce malheureux diagnostic: nous souffrons tous d'un déficit affligeant de civisme. Quant au remède ou l'antidote à cette dégradante insuffisance, la solution pour ramener un peu de civilité au pays, elle est de notre responsabilité, nous tous, citoyens et pouvoirs décisionnels. Le civisme chez nous, est en crise, et nul ne peut prétendre le contraire. Dans le monde des petits, les valeurs avec lesquelles les moins jeunes avaient grandi ne sont plus prises en considération. Le sens du bien n'est que très rarement enseigné à l'école. Il dépend du maître et de ses orientations. Dans le monde des grands, l'individualisme s'est accaparé notre vie. La course immodérée vers le gain facile dans certains milieux denses n'a fait qu'envenimer l'état des choses. Pourquoi lui et pas moi? Si nous en sommes aujourd'hui là à souffrir, c'est parce que depuis une bonne trentaine d'années, on n'inculque plus aux enfants dans leur éducation ce que sont les valeurs générales dont celles de l'attachement aux principes de son pays, le civisme, le patriotisme (oui cet amour du drapeau qu'on ne constate plus). Ce sont ces perceptions qui font de tout individu un bon citoyen. Le civisme est une valeur nationale qui s'applique au quotidien. Il est un cachet, une enseigne d'appartenance à un pays de qualité, à une population d'un bon niveau général. Le jour où on reverra dans notre pays, renaître dans l'école, les foyers, la rue, les jardins publics, les hôpitaux et les urgences, les hypermarchés, les routes et autoroutes... un peu plus d'ordre, nous pourrons dire que nous avons fait un grand pas vers le retour à la normale. Il est aussi un état d'esprit qui, des fois, fait que tout citoyen ‘abandonne' à son semblable (ou à sa communauté) une partie de sa liberté personnelle, aux fins ne jamais l'importuner... Le jour où on ne verra plus des taxis drivers s'arrêter pour uriner n'importe où, des parents appuyer sur un monte glace pour jeter devant leurs enfants des ordures à tout bout de champs, où on verra des gens traverser les rues des passages piétons et pas de tout coin, où des chauffeurs respecteront les feux, où les priorités de passage deviennent banales, où la ménagère ne jette pas ses déchets domestiques devant ses voisins, le jour où les aînés seront respectés comme avant, où ce langage obscène disparaît de nos champs d'écoute, le jour où on verra un adolescent ou un adulte faire la queue comme tout le monde, attendre son tour, et ne pas tricher, le jour où nous constaterons que des voisins qui ne connaissent pas se dire bonjour, le jour où on ne verra plus quelqu'un faire un bras d'honneur à un autre... nous pourrons de nouveau être rassurés sur l'avenir. Pas avant.