Contrairement à ce que beaucoup avaient pronostiqué, la rencontre entre Manuel Valls et la chancelière Angela Merkel ne semble pas avoir tourné à une confrontation entre deux visions de l'Europe : celle qui veut épargner et celle qui veut dépenser. En tout cas pas uniquement. Soupçonné par la presse allemande de vouloir faire porter sur l'Allemagne la responsabilité des difficultés économiques de la France, Manuel Valls a au contraire affirmé que « la France doit assumer ses responsabilités». Que celle-ci « depuis dix ans a décroché » alors que « l'Allemagne avait fait des efforts ». Le premier ministre, au cours d'une discussion qualifiée de « directe » et« très approfondie », a « donné un calendrier » pour la mise en œuvre de « réformes structurelles toujours évoquées et jamais mises en œuvre », citant notamment la réforme territoriale, le travail le dimanche et les seuils sociaux. Angela Merkel a reconnu que ce programme « très ambitieux » était « impressionnant ». Elle a toutefois évoqué à plusieurs reprises l'importance de la « crédibilité » de la zone euro et rappelé que certaines réformes importantes, comme « la diminution de la bureaucratie », ne coûtent pas d'argent. Ne cédant rien sur le fond, elle a rappelé que « l'Allemagne a montré qu'on pouvait à la fois consolider ses financeset créer de la croissance ». D'un côté, elle a reconnu que la « croissance est indispensable » et multiplié les expressions associant la France et l'Allemagne, de l'autre elle s'est contentée d évoquer les nécessaires investissements européens« dans le numérique », un secteur où les investisseurs sont essentiellement privés. « Les Français aiment l'Allemagne qui sait les comprendre » De façon assez inattendue, Manuel Valls s'est directement et explicitement adressé « au peuple allemand ». « Je comprends les doutes et les questions du peuple allemand. Pour les Allemands, la France ne se réforme pas. (...) Les réformes, nous allons les faire. J'ai besoin aussi de la confiance du peuple allemand. L'Allemagne est un grand pays et les Allemands sont un grand peuple». « Les Allemands aiment la France qui tient ses engagements, les Français aiment l'Allemagne qui sait les comprendre », a ajouté le premier ministre. Celui-ci a d'ailleurs expliqué que son engagement en politique était le fait de trois grandes figures de la social-démocratie européenne : l'Espagnol Felipe Gonzales, le Suédois Olof Palme et l'Allemand Willy Brandt. Si Angela Merkel s'est montrée chaleureuse avec son invité – qui a eu droit aux honneurs militaires –, elle s'est retranchée derrière la Commission européenne qui devra prochainement apprécier si les réformes menées en France sont ou non suffisantes. Manifestement, la chancelière avait à cœur de rester ferme sur ses principes tout en soutenant suffisamment le gouvernement français pour ne pas aggraver ses difficultés politiques, face à des responsables politiques en embuscade, tant au PS qu'à l'UMP et au FN. Après sa rencontre avec la chancelière, le premier ministre s'est envolé pour Hambourg visiter le site d'Airbus et rencontrer le ministre de l'économie et président du parti social-démocrate Sigmar Gabriel. Après avoir reçu lundi matin le président de la confédération syndicale DGB Reiner Hoffmann, Manuel Valls sera mardi matin l'invité d'un forum économique organisé par le BDI, la confédération patronale. Contrairement à ce qui était prévu, le premier ministre a annulé la demi-journée qu'il devait passer mardi après-midi à Stuttgart.