Au coup de sifflet final d'Eddy Maillet, c'était la grande délivrance au stade olympique de Sousse. À 3-1, tout le monde retenait son souffle, car un second but soudanais aurait probablement évaporé tous les rêves et détruit tous les espoirs. Cette tournure dramatique aurait pu se matérialiser à 5 minutes de la fin lorsque Hassan Ali, loin de tout marquage, avait placé une tête pernicieuse que le brave portier étoilé Mathlouthi a captée difficilement. Après cette alerte extrêmement dangereuse, et à la fin du match, ce fut le délire indescriptible, la liesse la plus colorée. Revenons à la partie pour dire que les protégés de Bertrand Marchand ont réellement joué avec le feu en concédant beaucoup d'espaces à leurs adversaires du jour. Les Soudanais, de fins techniciens à la brésilienne, ont nettement gagné la bataille du milieu du terrain avec un football léché basé sur une remontée de balle réfléchie et sur de belles triangulations. En face, la ligne médiane sahélienne, point fort de l'équipe et remodelée à la suite de l'incorporation d'un troisième attaquant, a trouvé du mal à presser l'adversaire dans sa zone. De ce fait, les lignes étaient relativement coupées entre elles. La relance se faisait souvent par de longues diagonales de Mehdi Mériah en direction des deux attaquants de pointe, Gilson et Chermiti obligés d'effectuer des chevauchées solitaires pour exploiter ces ouvertures. Sudat Bukhari, à qui l'on a attribué le poste de « 9 et demi », n'arrivait pas à trouver ses repères faute d'automatismes et de compétition. A cela s'ajoute la petite forme physique de Saber Ben Fredj, qui vient juste de revenir d'une blessure, handicap qui a privé l'équipe de l'apport offensif habituel et de l'agressivité défensive coutumière du joueur. Il avait du cœur et de la volonté, mais les jambes ne répondaient pas. Donc, l'essentiel, la qualification tant espérée, a été chèrement et méritoirement obtenue. L'efficacité offensive a été retrouvée avec un Amine Chermiti au cœur de lion, le véritable héros de cette soirée footbalistique et le véritable bourreau des pauvres soudanais. L'international étoilé a pesé sur la défense adverse par ses appels de balle, par ses courses, par son agressivité et par son jeu de tête efficace. Pour ce qui est des péripéties de cette rencontre, disons que le scénario idéal s'est offert à l'Etoile. À peine un quart d'heure écoulé, les locaux prirent l'avantage grâce à l'insaisissable Chermiti qui catapulte la balle dans la cage du portier soudanais d'un joli coup de tête sur service de M.Mériah. Sur les gradins, l'imposante galerie étoilée pavoisait et donnait de la voix. On croyait que c'était le déclic pour annoncer la couleur et pour tenir le match en main. Mais c'était compter sans ces Soudanais, habiles balle au pied et magistralement dirigés par leur maître à jouer, le capitaine Haythem Mustapha (quelle classe et quel sang froid !). Les poulains du Brésilien Ricardo n'ont certes pas créé de grandes occasions de but, mais on les sentait maîtres du terrain et du rythme de jeu. Nefkha, constamment en position de soutien du flanc gauche de la défense étoilée, Narry souvent en retard par rapport au porteur de balle, Ogambye ne bénéficiant pas de l'appui habituel de Ben Fredj, Gilson arrivant à peine à dépasser son ange-gardien, Bukhari peu concentré et ratant tout ce qu'il entreprenait. Autant d'éléments qui ont fait qu'à chaque mouvement ou manœuvre soudanaise, on envisageait le pire. Entre temps, le Ghanéen Bukhari, royalement servi par Chermiti, avait l'occasion d'ouvrir son compteur buts et de conforter l'avance des siens. Mais, manquant de promptitude, il se fait contrer par une défense soudanaise qui était en retard. En seconde période, l'Etoile commença sur les chapeaux de roue en inscrivant un autre but par le Saber Ben Fredj, qui n'a eu aucune peine à pousser le ballon dans les filets suite à un corner botté par le spécialiste maison, Mehdi Mériah. La qualification semblait dans la poche, mais le Ghanéen Easy Godwin, un véritable poison dans la surface de réparation, remit les pendules à l'heure d'un tir croisé dont il a le secret. Sur les gradins c'était la douche écossaise. Tout était à refaire. Il faut relever ici le mérite des co-équipiers de Seïf Ghezel qui se remirent à la besogne et avancèrent d'un cran pour redonner le sourire aux 23.000 spectateurs qui étaient venus les supporter. Pari gagné, puisque le sauveur du jour, le renard Chermiti, encore de la tête sur coup de pied arrêté tiré par Nefkha, transforma l'arène du stade olympique de Sousse en chaudron jubilatoire. Nous étions à la 62e mn. Il restait encore beaucoup de temps à jouer et l'adversaire avait les moyens de revenir au score et de remettre tout en cause. Les minutes s'égrenaient lentement. La crispation se lisait sur tous les visages. Les Etoilés, devenus plus en plus fébriles, n'arrivaient plus à garder la balle. Aussitôt récupéré, le ballon revenait à ces diables de Soudanais qui variaient le jeu sur les flancs et multipliaient les incursions, surtout sur le côté droit de la défense étoilé. Marchand comprit qu'il fallait conserver cette avance apparemment confortable mais réellement insuffisante au cas où les Hilaliens arriveraient à raccourcir les distances. Il fit alors sortir d'abord Bukhari puis Gilson pour les remplacer par deux joueurs de milieu, un relayeur, Bassem Ben Nasr, et un récupérateur, Msaddek Hasnaoui. Les Soudanais jouèrent leur va-tout et faillirent tout bouleverser à quelques minutes de la fin sans la baraka des Dieux du stade et sans le réflexe du portier Mathlouthi qui s'est trouvé miraculeusement là où il fallait. La suite, elle est à deviner. L'angoisse s'est transformée en liesse. Dans la nuit de samedi à dimanche, Sousse n'a pas dormi. Il y avait de quoi. L'Etoile est au firmament. Elle disputera sa 5e finale continentale consécutive. En attendant, on va continuer à rêver de la reine des coupes africaines. Le rêve est permis. Mounir GAIDA
Stade olympique de Sousse Public : environ 23.000 spectateurs Pelouse en parfait état Trio arbitral : Eddy Maillet assisté de Jason Damoo et David Omath (Seychelles) Formations ESS : Mathlouthi, Ben Fredj, Mériah, Felhi, Ghezel, Narry, Nefkha, Ogambye, Bukhari, Chermiti, Gilson. Al Hilal : Chérif, Bakheet, M. Youssef, A.Youssef, Béchir, Mustapha, Gebril, Idriss, Khan, Ali, Godwin. Remplacements ESS : Bukhari par Ben Nasr (66'), Gilson par Hasnaoui (88') Al Hilal : A. Youssef par Kelechi (29'), Béchir par Taher (66') Avertissements ESS : Saber Ben Fredj à la 24' Buts ESS : Chermiti (16' et 62'), Ben Fredj (51') Al Hilal :Godwin (55')
Curiosités
- Par cette qualification en finale de la Ligue des Champions, l'Etoile du Sahel réalise une belle performance. Elle va disputer sa 5e finale continentale d'affilée. Auparavant, elle avait disputé deux finales de champion's leader (en 2004 et en 2005 face à Enyemba puis face à Al Ahly du Caire) toutes deux perdues, espérant que la 3e sera la bonne. En 2003 et 2006, elle a disputé deux finales de la coupe de la C.A.F. (toutes deux gagnées face à une équipe nigériane avec le fameux hat-trick d'Obiakor puis face aux FAR du Maroc).
- Le comité directeur de l'Etoile a promis une prime royale aux joueurs en cas de qualification (on avance le chiffre de 10.000 dinars pour chaque joueur). Chose promise chose due.
- La trésorerie de l'Etoile doit se frotter les mains. La demi-finale retour a drainé un public record. La recette serait en principe colossale.
- À l'entrée des joueurs sur la pelouse, une "Dakhla" à la River Plate ou à la Boca Junior en Argentine a été magnifiquement et somptueusement exécutée.
- À l'occasion de cette demi-finale, des joueurs de l'Etoile, toutes générations confondues, se sont croisés. Les Alaya Ajroud ; Mohsen Habacha ; Jamel Garna ; Anis Brahem (l'auteur du premier but de l'Etoile dans les compétitions africaines, nouvelle version) ; Ismaïl Layouni et autres se sont donné rendez-vous pour soutenir leurs couleurs. Nostalgie quand tu nous tiens. Certains parmi eux étaient en larmes après le coup de sifflet final de Eddy Maillet.
- Moez Driss, le président étoilé, était, sans doute, l'homme le plus heureux du monde. En l'espace d'un an et demi, il a conduit l'Etoile à une seconde finale consécutive. Très ému, il recevait les félicitations de tout le monde.
- Le troisième but étoilé, oeuvre de Chermiti, a suscité la joie la plus indescriptible. Réaction qui n'avait pas plu à la petite communauté soudanaise (environ 10 personnes) aspergée d'eau par la galerie étoilée.
- Huit journalistes (presse écrite et Radio) étaient parmi la délégation soudanaise qui s'était déplacée à Sousse pour couvrir cette demi-finale
- Collins Kelechi, l'attaquant nigérian qui avait marqué le second but à Oum Dormane, a été mis sur le banc des remplaçants par le coach brésilien Héron Ricardo pour des considérations d'ordre tactique (durant la première demi-heure du match, il a choisi la formule 3/6/1). Mais après le premier but étoilé, il est revenu à son schéma habituel, le 3-5-2. Il a alors incorporé le Nigérian Kelechi.
- Les trois étrangers de l'effectif d'Al Hilal sont Nigérians : le défenseur Mohamed Youssef et les attaquants Godwin et Kelechi.
- Cette demi-finale a été supervisée par le commissaire de la C.A.F, l'Algérien Rachid Medjiba. Il a été aidé dans sa tâche par le Malien Magassouba.
- Le virage de droite du stade olympique de Sousse (virage Bouhsina), habituellement réservé au public visiteur, a été occupé cette fois par les fans étoilés. Heureusement pour les organisateurs, sinon c'aurait été le débordement général avec cette affluence record.