Le dernier « consensus » au nouveau Parlement élu le 26 octobre 2014, pour la désignation du président et des deux vice-présidents annonce-t-il une nouvelle « Troïka » entre Nidaâ Tounès, Ennahdha et l'ULT ! En apparence oui, mais à la réflexion pas tout à fait. Je m'explique. D'abord, la différence fondamentale avec la « Troïka » issue du 23 octobre 2011, c'est la structure et le volume des acteurs qui font, qu'il n'y pas de pôle dominant en l'occurrence Ennahdha à l'époque qui écrasait tout le monde et des satellites périphériques qui gravitent autour, à savoir le CPR et Ettakatol. Nous avons affaire aujourd'hui, à un rééquilibrage de la vie politique et des rapports de forces qui commence, déjà, à donner ses fruits et qui pousse les formations politiques d'avant-garde, Nidaâ Tounès et Ennahdha, à traiter sereinement et même en partenariat, pour consolider la stabilité du nouveau système de la 2ème République et surtout engager l'action législative puis gouvernementale vers le redémarrage positif et éviter les querelles bloquantes. Autre aspect encourageant de cette nouvelle équation, la métamorphose progressive, Ennahdha, d'un parti « frères-musulmans » marqué par l'acharnement idéologique de l'Islam politique militant et conquérant, vers un parti « civil » démocratique au référentiel islamique. Le choix du cheikh Abdelfattah Mourou (sadikien moderniste, quand même) reflète, la volonté d'Ennahdha ou du moins, une bonne partie de la centrale islamiste, de donner une nouvelle image à cette évolution importante, mais qui attend confirmation sur des dossiers hautement stratégiques, comme la gestion des mosquées, l'éducation religieuse ainsi que le terrorisme et les mouvements islamistes extrémistes. Ennahdha et son Etat-major doivent comprendre une fois pour toutes que l'Islam est une religion de liberté, de solidarité et de paix et non pas de contrainte et d'embrigadement idéologique qui frise le totalitarisme au nom de la religion et de l'Islam. Pour ma part, je considère que l'évolution d'Ennahdha est intéressante et encourageante à plus d'un titre et qu'elle permet non seulement d'éviter la permanence des conflits identitaires, mais aussi d'être à l'avant-garde des partis et mouvances islamiques politiques réformistes, dans l'ensemble du monde arabo-musulman. Mais, alors, quid de la « Jebha Echaâbiya » dans tout cela ! Va-t-elle faire les frais d'un nouvel « « gentleman-agreement », entre Nidaâ Tounès et Ennahdha, en campant indéfiniment dans la peau de l'opposition éternelle, ou va-t-elle trouver la voie d'une participation quantitative et qualitative pour le remodelage du système social sans passer par la « lutte des classes », ni la « dictature du prolétariat » enterrées par leurs propres idéologues et fondateurs : les Allemands, les Russes et les Chinois ? Tout porte à croire que certains leaders de la « Jebha Echaâbiya » (Front Populaire), ont raté encore une fois l'occasion de peser réellement sur le cours des événements, à force de faire la fine bouche avec Béji Caïd Essebsi et Nidaâ Tounès. En jouant le gros lot pour « 2020 », c'est-à-dire l'échec du quinquennat qui s'annonce en 2015, ils risquent la fable du « Héron » de Jean de la Fontaine, parce que d'ici là, beaucoup d'eau coulera en Medjerda. D'ailleurs, une réussite du tandem « Nidaâ Tounès – Ennahdha » a niveau économique, social et du développement régional pourrait ruiner les rêves de gouvernement de la Jebha Echaâbiya à l'horizon 2020 ! Mais, d'ici là... il fera jour et on verra bien qui a eu raison, et qui a eu tort de « s'allier » ou de « s'abstenir » ! Pourvu que la Tunisie aille mieux. Après tout la politique n'est pas seulement « le pouvoir » de gouverner, mais celui de « bien » gouverner !