" L'art, c'est le reflet que renvoie l'âme humaine éblouie de la splendeur du Beau " Victor Hugo Dès qu'on accède au patio, on est séduit par toutes ces photographies qui décuplent la lumière. Les yeux parcourent les paysages, les lieux qui s'étalent sur les murs et s'offrent au regard. " Soyons le miroir et l'image" écrivait Hugo, insistant sur le rôle du spectateur- récepteur. Que dire quand presque toutes les photos donnent à voir l'image et son double, l'eau et son reflet ? Cela transfigure le réel et enfante l'imaginaire qui va vagabonder le long des rues, des ruelles, d'un quai, d'un pont, d'une rive. La photographie ment-elle quand elle dévoile ce que le regard ne peut voir? Ou est-ce le regard qui erre en quête d'un poème? Amor Ben Rhouma recrée le réel quand il photographie un panneau signalétique se mirant dans l'eau. Le reflet est saisissant: on y voit une magnifique fibule au milieu de feuilles d'olivier dérivant au gré d'une flaque d'eau. L'ordinaire engendre le surréalisme du Beau. Même l'épave semble transfigurée. Le magicien vise le ciel, capte un rayon lumineux qui s'arrête sur un minaret et décline la lune, la multiplie et en ressort tous les tons argentés. Son regard déguise le réel, en montre la richesse comme s'il devenait le reflet de notre état d'âme. Harzallah Amor Abdallah photographie une barque, jaillie des eaux qui exhibe son bleu turquoise et l'inscription " Etoile de mer". Et tout cela brille telle l'enluminure rêvée. Saloua Jaouadi nous montre un autre visage de la ville qui se regarde dans l'eau. L'architecture inversée se laisse caresser par les remous des vaguelettes et inonde le regard de bleu, de rouge, de vert. La danse des couleurs embellit le lieu, l'agrandit et son reflet le rejoint pour de belles épousailles. Ferdaous Kanoun saisit l'instant fugace d'un coucher de soleil et les ors qu'il jette à la surface de la mer. Les rouges, les ocres déploient leur splendeur quand le soleil se jette avec ravissement dans l'eau. Hana Ouelhi immortalise les ruines qui se regardent dans les eaux sereines depuis des millénaires, nostalgiques des jours glorieux. Elle en ressort la beauté intacte et cette tristesse cachée qui nous saisit à leur vue. Tarek Dhraief photographie des enfants jouant sur la plage, courant, les pieds dans l'eau, heureux de sentir la caresse de la mer. Une petite-fille attire le regard par sa silhouette gracile. Ryadh Gharbi attrape dans son objectif tous les ors d'un soleil couchant, les étale à la surface de l'eau, pépites de bonheur pour le regard. Et puis, il y a ceux qui vont chercher le reflet ailleurs. Aymen Ben Chikha expose la beauté des cimes des montagnes désertiques, quand la pierre réverbère le soleil. Le paysage étale sa nudité singulière. Raouf Ben Mahmoud révèle le visage raviné d'un vieux, l'intensité du regard, les rides qui reflètent les années, les souffrances endurées et la sagesse acquise au gré des années. Et il y a tous les autres artistes qui se sont ingéniés à photographier la vie et son reflet, la transparence de la lumière, une sorte de copie fragile, un reflet provisoire, mais qui, devient un cliché immortel, un miracle grâce auquel notre vision fait connaissance avec la lumière et l'imaginaire.