La déontologie est pour toute profession, l'ensemble des règles de conduite et de comportement que doivent observer les membres concernés dans le but de ne pas porter atteinte à l'honneur ni à l'image de marque de cette profession. Il s'agit de règles d'ordre moral plutôt que disciplinaire comme c'est le cas dans un statut en vertu duquel des sanctions sont prévues en cas de non observation des règles qu'il comporte. En Tunisie il n'y a jamais eu de code de déontologie. Toutefois les magistrats sont tenus de respecter certaines règles, notamment d'ordre moral, telles que la probité, la loyauté et l'impartialité. C'est autour de ce thème qu'un colloque a été organisé dernièrement par l'Union des magistrats administratifs, et dont les intervenants, magistrats administratifs pour la plupart, ont essayé de réunir les éléments tendant à mettre en œuvre une charte de déontologie des magistrats tunisiens. Afin d'avoir une idée sur les éléments nécessaires à l'élaboration d'une telle charte, on peut se référer par exemple à la charte de déontologie des magistrats français, établie par le Conseil supérieur de la magistrature, lequel est un organe constitutionnel indépendant. Dans cette charte il est fait référence aux notions de « probité, loyauté, respect de la loi, protection des libertés individuelles, réserve et attention à la dignité d'autrui comme à celle de l'institution judiciaire ». Autant d'éléments importants sur lesquels a porté la discussion au cours du colloque en tenant compte dans tout cela du facteur ô combien important de l'indépendance du juge. Un code créé par l'exécutif, tombé en désuétude A la Révolution, le problème de l'indépendance du juge s'est posé avec acuité, car le problème d'ascendant de l'exécutif, a été le plus préoccupant durant ces années postrévolutionnaires et jusqu'à ce que fut votée la nouvelle Constitution. Celle-ci a consacré le principe l'indépendance du juge, et porté création d'un nouveau conseil supérieur de la magistrature ainsi qu'une cour constitutionnelle. Entre-temps un code de déontologie de la magistrature a été mis au point par l'exécutif et contesté par les membres de la composante civile dont des magistrats, des juristes et des membres d'associations de défense des droits et des libertés. Il ne sera pas promulgué et il est donc tombé en désuétude avec l'avènement de la deuxième République et la création de l'Instance provisoire de l'Ordre judiciaire. Celle-ci est venue à la rescousse de l'indépendance de la magistrature, afin de procéder à des nominations des juges selon des critères d'objectivité et de loyauté, et loin de toute influence partisane, et de tout ascendant quel qu'il soit. Le juge bon père de famille Ahmed Souab, juge administratif a rappelé dans son intervention, la nuance faite par Rivero, professeur français de droit administratif, entre neutralité et impartialité du juge. L'impartialité un concept des plus délicats, en ce sens qu'il s'agit d'un droit fondamental auquel prétend tout justiciable, et il doit de ce fait être garanti par les pouvoirs exécutif, législatif et juridictionnel. L'application de ce devoir par le juge, tend à la garantie d'un procès équitable pour tout justiciable. L'impartialité commande la neutralité, mais la réciproque n'est pas vraie. L'absence d'impartialité ne mène pas toujours à l'absence de neutralité. En effet, de quelle neutralité s'agit-il ? De celle du juge, de la juridiction ou des deux à la fois. Le juge administratif a-t-il plus de liberté à innover et à « faire preuve de créativité » comme l'avait affirmé le vice-président du Conseil d'Etat français ? Le « principe de l'apparence » est né depuis une jurisprudence du Conseil d'Etat français en 1973, expliqué par le sentiment que doit avoir le justiciable « que justice lui a été rendue ». N'est-ce pas ce sentiment qui a été remis en cause par les familles des victimes, lors des procès des tribunaux militaires dans les affaires des martyrs de la Révolution ? En effet alors qu'un juge est tenu d'être neutre, étant juge de la légalité, il ne peut pas être tout à fait impartial, car il est également juge de l'équité .Aussi est-il tenu d'être du côté des plus démunis. Dès lors sa décision sera fonction des rapports de forces. Sa position sera tributaire du degré d'ascendant de l'exécutif sur le judiciaire. Le juge civil doit se comporter en "bon père de famille" selon la conception française alors qu'on parle selon la conception anglo-saxonne du juge "observateur avisé ». Observateur dans le sens où il est neutre, et avisé cela sous entend qu'il fait appel à son expérience, afin de prendre la décision la plus adéquate. C'est pratiquement au cas par cas que ça se passe, car les exemples se suivent et ne se ressemblent pas. Au nom de la liberté d'opinion , quelles sont les limites qu'un artiste ou un écrivain doit observer afin de ne pas tomber dans le cas de diffamation dont il peut être facilement accusé et poursuivi ? Il n'y a pas, à proprement parler de limites précises. Le juge pénal rend sa décision selon son intime conviction. Cependant il est censé être le défenseur des libertés et c'est dans ce sens qu'il est le juge de l'équité (Al Insaf) à laquelle appelait Omar Ibn Al Khattab deuxième Calife de l'Islam. Celui-ci était dénommé "Al Farouk" ce lui qui tranchait par l'équité et du côté des plus démunis. C'est là le juge neutre et indépendant qui rend a décision de manière éclairée, et sans aucune autre considération que la loi.