Dès 1869 la Tunisie était sur le plan financier réduite à la banqueroute. Celle-ci était due d'une part aux multiples dettes contractées par le Bey auprès des Etats européens dont notamment la France, ainsi que les malversations de certains personnages parmi l'entourage du souverain, dont le premier ministre Mustapha Khaznadar. Corrompu et cupide celui-ci avait entre autres, détourné les deniers publics, avec la complicité de Mahmoud Ben Ayed et Nessim Chemama, tous deux responsables de la trésorerie publique. Limogé enfin, après avoir été le super ministre de trois Beys successifs, Mustapha Khaznadar sera remplacé par le réformiste Khereddine. Celui-ci présida la commission financière internationale en 1869, dont le but était entre autres de mener une enquête sur les causes de cette banqueroute à laquelle le pays était réduit. Le Bey abdiqua ses pouvoirs en matière financière à cette commission qui devait également étudier les moyens adéquats aux fins de rembourser les multiples créanciers de ce souverain couverts de dettes. A l'avènement du protectorat, l'art 7 du traité de Kassar Saïd engageait la France à mettre sur pied, en accord avec le Bey, une "organisation financière de la Régence qui soit de nature à assurer le service de la dette publique et à garantir les droits des créanciers de la Tunisie". Les autorités coloniales attachaient donc une importance capitale aux problèmes financiers en Tunisie. Paul Cambon, alors résident général, obtint de ce fait la dissolution de la commission financière internationale et ce le 2 octobre 1884. Celle-ci fut remplacée par une institution spécifiquement française la direction générale des finances qui commença à fonctionner le 13 octobre 1884. L'Inspecteur des finances à la tête de cet organisme, était nommé par décret beylical. Il avait rang de ministre des Finances du Bey. Cette direction avait désormais entre les mains tous les services financiers de l'Etat. Les services de la trésorerie qui en dépendaient étaient dirigés par un trésorier général centralisant toutes les recettes et les dépenses. Les inspecteurs des services financiers assuraient le contrôle, tandis que la cour des comptes française était compétente pour juger les comptes des recettes et des dépenses publiques qui lui étaient présentés annuellement. Le budget de l'Etat était élaboré chaque année par les chefs des services publics. Les projets étaient centralisés par le directeur général des finances qui ajoutait le budget des recettes afin de compléter le projet de budget général de l'Etat. Examiné en conseil des ministres, sous la présidence du Résident général, ce projet était ensuite soumis au Ministre des Affaires Etrangères et présenté à l'examen du Grand Conseil. Une fois approuvé il était promulgué par décret Beylical au journal officiel tunisien. Ainsi, par une organisation complexe des rouages financiers de l'Etat et les lois régissant la gestion et le contrôle des finances publiques, les autorités coloniales entendaient éviter désormais au pays de retomber dans la situation déplorable et catastrophique où elle fut sous le règne de Sadok Bey. Evidemment le contexte n'était plus le même. Alors que sous Sadok Bey, la France avait provoqué, par le biais notamment de son consul l'endettement du pays pour avoir ultérieur un prétexte à son intervention devant laquelle le Bey se trouvait devant le fait accompli, en 1884, les autorités coloniales agissaient par tous les moyens afin de préserver les intérêts de leurs compatriotes. Ceux-ci occupaient déjà à cette époque tous les secteurs principaux dont dépendaient l'économie et les finances du pays. Cela mena progressivement les autochtones à la paupérisation, alors que les colons s'enrichissaient à leur détriment.