Selon les experts, le président de la République a outrepassé ses prérogatives prévues par la Constitution en tentant de trouver des solutions à la crise interne que traverse son parti au Palais de Carthage ! Pressé de toutes parts d'intervenir pour apaiser la lutte de clans qui fait rage au sein de Nidaâ Tounes et empêcher son implosion, le président de la République Béji Caïd Essebsi a recommandé, hier, le recours au consensus pour mettre un terme aux différends internes, et proposé la tenue d' «un congrès transparent qui constituera un moyen de renforcer le rôle du parti et de consolider sa position sur la scène politique nationale». Bien qu'il ait officiellement démissionné du mouvement Nidaâ Tounes qu'il avait fondé en juin 2012, le locataire du Palais de Carthage a prodigué ces «conseils» lors d'un entretien qu'il a eu au Palais de Carthage avec le directeur exécutif de Nidaa Tounes, Boujemaâ Remili, selon un communiqué publié par la Présidence de la République. Une nouvelle guéguerre avait éclaté le week-end dernier entre deux tendances qui traversent le parti au pouvoir suite au report d'une réunion prévue dimanche et qui devait élire le nouveau bureau politique du mouvement. Cette nouvelle structure, qui aura notamment pour mission de gérer les affaires du parti au plan politique, organisationnel et administratif, sera composée de 30 membres (14 membres du comité fondateur, huit membres du bureau exécutif et huit députés), selon les termes d'un accord conclu à lors d'une réunion des instances dirigeantes de Nidaâ Tounes tenue le 1er mars. Ce report inexpliqué de l'élection du Bureau politique a causé le courroux de plusieurs dizaines de membres du bureau exécutif, députés et coordinateurs régionaux de Nidaâ Tounes. Le député Khémaïes Ksila a même affirmé qu' «une majorité du bureau exécutif, environ 65 députés et 24 coordinateurs régionaux» ont signé une pétition pour «boycotter définitivement le comité constitutif du parti et ne plus prendre en considération aucune de ses décisions». Réagissant à cette déclaration, Lazher Akremi, dirigeant du parti et ministre chargé des relations avec l'Assemblée des représentants du peuple, a accusé les contestataires de manœuvrer pour tenter de faire de Hafedh Caïd Essebsi l'héritier légitime de son père au sein du parti. Vieille lutte d'influence entre courants disparates A noter dans ce cadre, que les experts en droit Constitutionnel s'accordent à dire que le président de la République a outrepassé ses prérogatives prévues par la Constitution en tentant de trouver des solutions à la crise interne que traverse son parti au Palais de Carthage. La guéguerre autour de la constitution du nouveau Bureau politique de Nidaâ Tounes n'a en réalité fait que raviver la vieille lutte d'influence entre les anciens membres du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) et la tendance gauchiste au sein du mouvement. Larvée au début, cette lutte d'influence avait éclaté au grand jour au lendemain de l'annonce de la création d'un département spécialisé dans la gestion des structures régionales, présidé par Hafedh Caïd Essebsi. La création de ce département a été considérée par les gauchistes une tentative des ex-RCDistes, qui sont majoritaires au niveau des coordinations régionales, de faire main basse sur toutes les structures du parti et de marginaliser le rôle de la composante gauchiste du parti, qui avait été de toutes les batailles politiques sous le règne de la Troïka. Le mode de choix des délégués au congrès constitutif du parti, qui était initialement prévu pour le 15 juin avant d'être reporté sine die, a été aussi au centre d'une âpre bataille entre les deux tendances. Né de la volonté de Béji Caïd Essebsi d'unir un camp progressiste très émietté, Nida Tounes ressemble à s'y méprendre à une auberge espagnole tant il rassemble des courants hétéroclites, voire antagonistes. On y trouve, en effet, des transfuges des partis de gauche classiques tels que Bochra Bel Haj Hamida, Khémaïes Ksila, des libéraux à l'instar de Masour Moâlla et Saïd El Aïdi, des membres du RCD, dont Faouzi Elloumi, et des syndicalistes comme Abdelmajid Sahraoui et Mustapha Ben Ahmed.